Le syndicat des enseignants a termine la grève à Jersey City avec un accord au rabais alors que les enseignants se mobilisaient

Le syndicat des enseignants de Jersey City (JCEA) a annoncé dimanche soir qu’il avait conclu un accord avec l’académie scolaire pour mettre fin à la grève de 4000 enseignants et personnels scolaires dans la deuxième plus grande académie du New Jersey. Le syndicat s’est empressé d’obtenir l’accord au moment où la base des grévistes refusait de respecter une injonction du tribunal de Hudson County de reprendre le travail, ce qui aurait pu rapidement devenir un affrontement plus général avec les politiciens démocrates et républicains de l’État.

Avec un mépris typique à l’égard des enseignants de base, le JCEA a publié une déclaration sommaire sur sa page Facebook, annonçant : « A l’heure de cette mise en ligne, les détails de l’accord n’avaient pas été divulgués, mais le JCEA maintenait depuis longtemps qu’un allégement des cotisations de soins de santé onéreuses imposées par la loi, mais négociable au niveau de l’Etat, était une question fondamentale dans les négociations. » Le syndicat a déclaré que les établissements rouvriraient leurs portes comme prévu lundi matin sans dire un mot quant à un vote sur l’accord par les grévistes, et sans même qu’ils prennent connaissance des détails de l’accord.

« Je pense que nous avons conclu un accord juste et équitable avec le rectorat », a déclaré Ron Greco, président de JCEA, au Jersey Journal, ajoutant que les enseignants voteraient pour ratifier l’accord « avant la réunion du conseil scolaire d’avril ».

Tout accord conclu derrière le dos des enseignants de la base pour mettre fin à la grève sans vote ne peut être qu’une trahison de la lutte pour mettre fin aux coûts élevés des soins de santé qui érodent les salaires des enseignants dans l’une des régions urbaines les plus chères du pays. Les enseignants et les employés des écoles de Jersey City devraient rejeter cette attitude avec le mépris qu’elle mérite et élire des comités de base pour mobiliser le plus large soutien possible à un véritable combat pour défendre le droit à un salaire décent, des soins de santé abordables et une éducation de qualité.

Après avoir continué à travailler pendant huit mois sans un nouvel accord salarial et avoir été pénalisé pendant des années par les coûts vertigineux de santé en vertu du projet de loi bipartite dit chapitre 78, signé par le gouverneur républicain Chris Christie en 2011, les enseignants de Jersey City ont obligé le syndicat JCEA à lancer une grève vendredi dernier. Le projet de loi oblige les employés du secteur public à payer jusqu’à 35 % de leurs primes d’assurance médicale, augmente encore les frais non-remboursables si les salaires augmentent, et impose des retraites de qualité inférieure pour les prochaines embauches.

La grève de Jersey City était la dernière d’une série de grèves, de débrayages et de manifestations par les éducateurs et les employés des écoles à la suite de la grève de neuf jours de 33 000 enseignants et personnels scolaires en Virginie occidentale. Ce mouvement social a suscité un commentaire inquiet du Wall Street Journal, qui a déclaré : « Les troubles font partie d’une lutte plus large qui se déroule dans le pays. Des enseignants du Kentucky, de la Virginie occidentale, de l’Oklahoma et de l’Arizona ont organisé des grèves et des manifestations, et menacé de débrayer au sujet des nouvelles propositions visant à limiter les retraites, les augmentations salariales et les avantages.

Le Journal a fait état d’une réduction de dépenses publiques d’éducation depuis le krach financier de 2008, notant que « les États ont dépensé 2 pour cent de moins dans l’enseignement primaire et secondaire en 2017 qu’en 2008, selon les données de l’Association nationale des agents du budget, en tenant compte de l’inflation et la croissance démographique ».

La grève en Virginie-Occidentale a été trahie par les syndicats, qui ont abandonné la principale revendication des grévistes, celle de financer entièrement la caisse d’assurance maladie des employés publics et de mettre un terme à la flambée des coûts des soins de santé. Pour couronner le tout, la maigre augmentation de cinq pour cent convenue par le gouverneur milliardaire de l’État, Jim Justice, sera financée par des réductions budgétaires dans d’autres services essentiels.

« Il n’y a rien qui sépare les démocrates des républicains maintenant. C’est la même chose, [avec] un nom différent », a déclaré Nicole, une enseignante de Virginie occidentale, au Bulletin des enseignants du WSWS. « Je crains qu’ils ne privatisent la PEIA (Assurance maladie des employés des collectivités) maintenant.

« Nous avons décidé de faire une grève sauvage lorsque les dirigeants syndicaux nous ont dit de reprendre le travail. J’ai dit : « Non, je ne reprends pas ». Je pensais que les autres feraient confiance au syndicat. Alors, quand les gens ont dit : « Nous allons maintenir la grève », c’était tellement excitant de voir la carte des fermetures d’écoles s’allumer. Je ne m’y attendais pas, mais notre grève a fait dire à d’autres : « Nous en avons assez ». Les travailleurs partout disent : « Il est temps maintenant. Si eux ils peuvent le faire, nous le pouvons aussi." »

La révolte des enseignants de Virginie-Occidentale, qui s’est temporairement libérée de la mainmise des syndicats, a encouragé des luttes similaires menées par des éducateurs du Kentucky, de l’Arizona, de l’Oklahoma et d’autres États. Sur le territoire américain de Porto Rico, les enseignants lancent aujourd’hui une grève d’une journée contre les efforts des autorités de l’île, en étroite collaboration avec la secrétaire à l’éducation de Trump, Betsy DeVos, d’exploiter les conséquences de l’ouragan Maria pour développer massivement les écoles privées et d’autres projets à but lucratif.

Les enseignants sont actuellement en grève à South Butler, une banlieue de Pittsburgh. À la suite de la grève des étudiants diplômés et des assistants d’enseignement à l’Université de l’Illinois, les professeurs non titulaires de l’Université Loyola de Chicago ont menacé de faire grève le 4 avril.

Cette recrudescence fait partie d’une montée internationale de la lutte de classe, et en particulier des luttes contre l’austérité menées par des enseignants du monde entier, dont 40 000 universitaires au Royaume-Uni qui se sont rebellés la semaine dernière contre un accord au rabais et des universitaires au Kenya et au Niger qui ont défié les injonctions des tribunaux et font grèves pour de meilleurs salaires et conditions de travail.

Le 14 mars, 15 000 professeurs des écoles en grève dans les provinces néerlandaises d’Utrecht, Noord-Holland et Flevoland ont défilé à Amsterdam pour demander des salaires plus élevés et de meilleures conditions de travail. Le même jour, 40 000 enseignants de Slovénie en Europe centrale ont fait grève d’une journée et des milliers ont défilé dans la capitale Ljubljana, brandissant des banderoles, dont une qui disait : « Enseignants – grand cœur, petit salaire ».

Alors que l’administration Obama a renfloué les banquiers et les spéculateurs de Wall Street qui ont détruit l’économie en 2008, elle n’est pas venue en aide aux municipalités, États et académies scolaires qui furent dévastés par la perte de recettes fiscales, l’effondrement des prix d’immobiliers et la croissance du chômage.

La crise financière qui en a résulté a été utilisée pour éliminer les emplois de plus de 300 000 enseignants et employés des écoles, transférer les coûts des soins de santé aux enseignants et autres employés publics et piller les retraites des travailleurs du secteur public protégées par la Constitution. En même temps, le président démocrate a fourni une aide fédérale limitée aux académies scolaires qui utilisaient des tests à fort enjeu pour virer des enseignants comme prétendument inaptes et développer considérablement les écoles privées à but lucratif.

L’assaut sur l’éducation est en train d’être intensifié sous l’administration Trump, qui coupe des milliards des dépenses fédérales et promeut les chèques-éducation et d’autres attaques contre l’éducation publique.

En Virginie occidentale, les syndicats d’enseignants présentaient faussement les démocrates de l’État comme des partisans des enseignants et de l’éducation publique, bien que les démocrates aient dirigé l’État pendant la plus grande partie des 100 dernières années. Dans le New Jersey, les syndicats ont condamné l’ancien gouverneur républicain Chris Christie pour la loi chapitre 78 qui augmente les frais de soins de santé, mais la mesure a été soutenue par les principaux démocrates.

Cela inclut le président du Sénat de l’Etat, le démocrate Steve Sweeney, un vice-président général du syndicat des métallurgistes, et la présidente de la Chambre, Sheila Oliver, qui est actuellement le lieutenant-gouverneur de l’État sous le gouverneur démocrate Phil Murphy, ancien dirigeant de Goldman Sachs. Le maire de Jersey City, Steven Fulop, est une étoile montante dans le Parti démocrate de l’État qui a supervisé l’embourgeoisement de la ville en grande partie appauvrie.

« J’ai participé à des conférences téléphoniques avec des enseignants à travers le pays », a déclaré Nicole, enseignante de Virginie occidentale. « Il y a l’Oklahoma et l’Arizona, mais cela bouge même en Louisiane et dans une académie scolaire de Los Angeles. Mon espoir est que les gens puissent regarder au-delà du système bipartite et trouver la force en eux-mêmes. Il n’y a rien qui puisse être fait à notre encontre par ceux qui sont au pouvoir si nous restons fermes dans ce que nous voulons. »

(Article paru en anglais le 19 mars 2018)

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