Le président français signe des accords militaires avec l’Inde

La visite de quatre jours du président français Emmanuel Macron en Inde, la semaine dernière, a mis en lumière la montée de l’approvisionnement en armements et la marche vers la guerre au plan international. Alors même que les autorités et les médias français appelaient à la guerre en Syrie et soutenaient les appels britanniques à suspendre les relations diplomatiques avec la Russie après l’empoisonnement non élucidé de l’espion britannique Sergei Skripal, Macron entraînait la France et l’Europe dans le maelström en Asie.

Pour Narendra Modi, premier ministre du parti hindou-suprémaciste BJP de l’Inde, la visite de Macron s’inscrivait dans une stratégie plus large de renforcement de sa puissance militaire dans la région stratégique et commerciale de l’océan Indien et dans la poursuite de la rivalité avec la Chine attisée par Washington.

Au cours de la visite, Modi et Macron ont signé 14 accords d’une valeur de 16 milliards de dollars (13 milliards d’euros), portant sur les marchés de l’énergie militaire et nucléaire. La France va vendre en Inde des sous-marins conventionnels de classe Scorpène et des avions de combat Rafale capables d’être dotés d’armes nucléaires.

Mais surtout, les deux parties ont convenu d’une « vision stratégique conjointe de la coopération indo-française dans la région de l’océan Indien » qui comprend un prétendu « Accord de soutien logistique réciproque ». En vertu de ces accords, la France et l’Inde ouvriront leurs bases militaires ou navales à leurs armées respectives. Non seulement les navires de guerre indiens seront autorisés à accoster dans les ports situés dans les nombreux territoires d’outre-mer de la France dans l’océan Indien, mais la France aura également la possibilité de cantonner des navires de guerre et des troupes dans les bases militaires indiennes.

Les travailleurs et les jeunes en France menacés par les appels de Macron à réintroduire le service militaire devraient être avertis : ces accords soulignent les vastes intérêts financiers et militaires qui sous-tendent les appels de Macron à un renforcement militaire majeur et un retour au service militaire universel en France. Malgré les tentatives de banaliser un tel service militaire comme un service civique, ce plan de Macron est tout sauf cela. Au contraire, La France cherche à recruter les forces nécessaires pour participer à des conflits de grande ampleur à travers le monde entre de grandes puissances munies d’armes nucléaires.

À Delhi, Macron a précisé que la France voyait son implication militaire croissante dans la région pour influer sur les tensions croissantes et les rivalités entre les grandes puissances. Il a déclaré : « Une grande partie de notre sécurité et de la stabilité du monde est en jeu dans l’océan Indien. L’océan Indien, comme l’océan Pacifique, ne peut devenir un lieu d’hégémonie. »

L’Inde et la France se sont engagées à intensifier la coopération navale préexistante entre les deux pays en vertu de laquelle ils organisent déjà annuellement les exercices navals conjoints « Varuna ». Le document « Vision stratégique » s’est engagé à « intensifier l’échange d’informations sur la situation maritime dans l’océan Indien » et à travailler sur « le codéveloppement d’un système de surveillance maritime par satellite centré sur l’océan Indien ». Cela permettrait une surveillance constante des mouvements de navires, en particulier ceux des navires de guerre chinois dans la région.

L’implication sans équivoque de ceci est d’intensifier l’implication française et européenne dans les conflits de grande puissance grandissants en Asie, alors que Washington cherche à développer l’Inde comme un contrepoids à la Chine. Au cours des derniers mois, l’Inde et la Chine – deux puissances nucléaires majeures – se sont menacés militairement dans le différend qui les oppose sur le plateau de Doklam à la frontière sino-indienne dans l’Himalaya, ainsi que dans la crise des Maldives. Dans l’éventualité d’un conflit qui se déclare dans ces zones, les troupes françaises cantonnées en Inde pourraient bientôt s’y trouver impliquées.

Alors qu’il joue un rôle mineur dans l’océan Indien par rapport à l’armée américaine et aux grandes puissances régionales comme la Chine ou l’Inde, l’accord sur les bases militaires que propose l’impérialisme français donne à Modi accès à des facilités substantielles.

La France a des bases à Djibouti dans la Corne de l’Afrique, à la Réunion près de Madagascar, aux Émirats arabes unis et à Mayotte au large du Mozambique dans l’océan Indien occidental. Elle a également des bases en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique Sud. La France et l’Inde s’apprêtent à construire une base militaire aux Seychelles. La France a déployé plus de 7000 troupes terrestres permanentes dans la région.

La visite de Macron souligne que ce n’est pas seulement l’impérialisme américain, mais toutes les puissances impérialistes et régionales qui participent à une poussée croissante du capitalisme mondial vers la guerre. Macron tente de construire une alliance militaire européenne avec l’Allemagne et a promis de dépenser 300 milliards d’euros pour l’armée d’ici 2024. Ses actions en France pour détruire les emplois et les aides sociales et démanteler le Code du travail visent à forcer la classe ouvrière à supporter les coûts de l’escalade militaire européenne à l’étranger.

Lors de la conférence de sécurité de Munich le mois dernier, où les responsables allemands et français ont exposé ces plans, ils ont souligné que des liens avec la « Quad asiatique » (Amérique, Inde, Japon et Australie) pourraient faire valoir leurs intérêts sur fond du poids économique croissant qu’exerce l’Asie dans le monde. La visite de Macron en Inde fait partie d’une vaste escalade militaire de la France, l’impliquant plus étroitement dans les préparatifs des pays « Quads asiatiques » pour un affrontement militaire – et potentiellement une guerre – avec la Chine.

Selon la ministre des armées, Florence Parly, depuis 2017, la France négocie avec le Japon des accords sur une coopération militaire technique et opérationnelle renforcée, ainsi que des exercices militaires conjoints. La cible principale est la Chine. En janvier dernier, Parly a promis que la France « continuerait à déployer des navires dans la région indo-pacifique pour des opérations de liberté de navigation », c’est-à-dire des incursions militaires menées par les États-Unis en mer de Chine méridionale pour surveiller et harceler les forces chinoises qui s’y trouvent.

De même, en Inde, de tels accords réactionnaires ne feront que renforcer le danger de guerre et intensifier l’exploitation de la classe ouvrière nombreuse et appauvrie de l’Inde. La célébration de la signature de contrats de plusieurs milliards de dollars entre Modi et Macron était obscène, dans des conditions où des centaines de millions d’Indiens vivent dans une pauvreté écrasante.

Les élites dirigeantes de l’Inde dépensent plus de 8 milliards d’euros pour acheter 36 chasseurs Rafale français, alors que plus de 70 pour cent de la population indienne vit dans la pauvreté et une grande partie d’entre eux avec 2 dollars par jour ou moins. Ces accords ne feront qu’aggraver les difficultés auxquelles sont confrontés des millions de travailleurs indiens qui tentent de gagner leur vie, tout en rapprochant le monde d’un autre conflit catastrophique.

Le Parti Bharatiya Janatha (BJP), suprémaciste hindou de Modi, a semé la division dans le pays en fonction des ethnies, des religions et des castes pour mener à bien ce programme réactionnaire.

Il a également mené des pogroms contre les minorités musulmanes et est tristement célèbre pour la démolition des mosquées. En décembre 1992, le BJP et d’autres suprémacistes hindous ont démoli la mosquée Babur, vieille de près de 500 ans. Et en 2002, sous le mandat de Modi en tant que premier ministre BJP de l’Etat de Gujarat, des milliers de musulmans sont morts dans des émeutes au Gujarat, qui ont forcé 140 000 à 200 000 musulmans à se réfugier dans d’autres États. Modi est entaché de ce crime, et en effet, avant son arrivée au pouvoir, il a été interdit de voyager en Amérique en raison de son rôle dans les émeutes.

Dans une indication de sa propre politique totalement réactionnaire, Macron a fait tout son possible pour blanchir le rôle de Modi et du BJP.

Au cours de sa visite, Macron a rencontré le ministre en chef de l’Uttar Pradesh, Yogi Adityanath (BJP), à Bénarès. L’endroit est connu comme le foyer du suprématisme hindou et une base politique pour le moine hindou Yogi Adityanath, un fondateur de l’hindou Yuva Vahibi, une milice de jeunes qui commet des actes de violence contre la minorité musulmane de l’Inde. Adityanath a été accusé de tentative de meurtre, d’intimidation et d’instigation des émeutes. Il a été arrêté en janvier 2007 pour activités criminelles et émeutes. Il passa 10 jours derrière les barreaux et une accusation de meurtre contre lui est toujours en attente d’audience.

(Article paru en anglais le 20 mars 2018)

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