Le terroriste de Trèbes et de Carcassonne était connu du renseignement français

Vendredi, Radouane Lakmin a commis deux attaques sur Carcassonne et a pénétré dans un supermarché à Trèbes, prenant en otages les clients et les salariés. Il a tué quatre personnes avant d’être abattu. Comme tous les principaux attentats terroristes en Europe, celui-ci soulève des questions sur la responsabilité de l’Etat et du renseignement français, qui ont instrumentalisé les réseaux islamises dans leur guerre contre le régime syrien d’Assad.

Après avoir grièvement blessé par balles le conducteur d'une voiture et tué son passager à Carcassonne, Lakdim s’est emparé du véhicule et a ouvert le feu sur quatre CRS qui effectuaient un jogging, blessant l'un d’eux. Il a pénétré dans un supermarché à Trèbes où il a tué deux personnes et pris des otages. Il a notamment tiré à plusieurs reprises sur le lieutenant colonel de gendarmerie Arnaud Beltrame, qui s’était fait échanger avec une des otages, et qui est décédé quelques heures plus tard.

Le terroriste a crié «Allah Akbar» et s'est revendiqué de l'État islamique (EI) avant de tirer. Il sollicitait notamment la libération de «frères» et s'est dit prêt à mourir pour la Syrie, selon le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb. Selon plusieurs médias, dont France2, il aurait exigé la libération des frères et en particulier celle de Salah Abdeslam, principal suspect des attentats du 13 novembre 2015 à Paris.

Lakdim a été abattu lors de l'assaut mené par les gendarmes du GIGN dans le supermarché Super U.

Daesh a revendiqué les attentats. Selon un communiqué de son agence de propagande, Amaq, «L'homme qui a mené l'attaque de Trèbes dans le sud de la France est un soldat de l'État islamique, qui a agi en réponse à l'appel» de l'organisation «à viser les pays membres de la coalition» internationale anti-EI.

Vendredi soir, la compagne du terroriste «qui partage sa vie» a été placée en garde à vue pour « association de malfaiteur en association avec une entreprise terroriste », a annoncé le procureur de la République François Molins.

Lors d’un point presse, le procureur de Paris a expliqué que son « suivi » pour radicalisation «n’avait mis en évidence aucun signe précurseur laissant présager un passage à l’acte». Evoquant «un solitaire» qui serait «passé à l’acte brusquement», Collomb a déclaré: «Nous l’avions suivi et nous pensions qu’il n’y avait pas de radicalisation».

La thèse d’un loup solitaire qui serait passé entre les mailles des services de renseignement, comme pour chaque attaque terroriste, n’est pas crédible. Il était connu du renseignement français et espagnol.

Le ministre de l'Intérieur espagnol, Juan Ignacio Zoido, a indiqué à des journalistes que Lakdim «faisait partie d'une organisation criminelle dédiée au trafic de drogue et une autre qui, au niveau international, était dédiée au crime organisé». Lakdim était connu pour être «en relation avec la mouvance islamiste radicale» et en lien avec le trafic d’armes depuis 2014.

Lors d’une perquisition de son domicile à l’été 2015, son téléphone est fouillé et des échanges de SMS sont relevés qui évoquent des commandes de «cala» et de munitions de calibre 7,62 mm et 5,56 mm.

Selon Le Monde, qui a intitulé son article «Attaques dans l’Aude : Radouane Lakdim, un terroriste suivi par la DGSI», Lakdim faisait partie des objectifs «pris en compte» par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Il correspondait au «haut du spectre», qui regroupe les individus les plus dangereux. Le Parisien écrit que c’était un homme «très actif sur les réseaux sociaux salafistes … soupçonné d'avoir effectué un voyage en Syrie». Selon Libération, c’était un «salafiste actif sur Internet».

Ce attentat sanglant souligne le caractère réactionnaire des réseaux islamistes armés par l’impérialisme américain et européen contre Damas. Les forces de sécurité en Europe les surveillent de près mais ils les protègent, car ces réseaux participent à l’intervention impérialiste en Syrie et pourraient servir à nouveau dans d’autres interventions à l’avenir. En annonçant des mesures pour renforcer l’appareil policier, L’Etat vise surtout la montée de l’opposition sociale en France et à travers l’Europe.

Le gouvernement compte utiliser cyniquement la mort de Beltrame pour inciter une fureur nationaliste, comme lors des manifestations qui avait suivi les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher en janvier 2015.

Un hommage national sera rendu au gendarme, «compte tenu de l’héroïsme dont il a fait preuve et de l’exemple que cela représente pour les Français» souligne Emmanuel Macron qui devrait prononcer son éloge funèbre. Les drapeaux seront mis en berne. Le leader des Républicains Laurent Wauquiez demande d’ «interner les fichés S les plus dangereux», alors que Marine Le Pen du Front National exige l’expulsion des fichés S et la démission du ministre de l’Intérieur.

Mais l’état d’urgence et les pouvoirs extraordinaires qu’il accorde à la police ne visent pas principalement les réseaux terroristes transportant des recrues et des armes d’Europe vers le Moyen-Orient. Lakdim faisait partie de ces réseaux criminels fournissant les réseaux islamistes, impliquant des milliers de personnes en France et des dizaines de milliers à travers l’Europe. Il n’a pas été inquiété avant qu’il ne passe à l’acte, alors que l’état d’urgence a servi à réprimer immédiatement les manifestations en France contre la loi travail en 2016.

Ces attentats se déroulent dans un contexte social international explosif. De larges grèves d’enseignants secouent la Grande Bretagne et les Etats-Unis, où des manifestations de masse des jeunes se déroulent contre la violence et les mauvaises conditions sociales. En Europe, des grèves ont secoué la métallurgie allemande et turque, le rail britannique, et l’automobile en Allemagne et en Europe de l’Est.

En France métropolitaine, des dizaines de milliers de conducteurs de train, d’enseignants, d’infirmiers, d’aiguilleurs du ciel et d’autres travailleurs du secteur public se sont mis en grève contre les réformes de droite de Macron. Une grève générale se déroule à Mayotte et une autre a eu lieu dans la Polynésie française. C’est pour se préparer à affronter la colère des travailleurs face à la guerre et à l’austérité sociale, et non pas pour attaquer les réseaux islamistes, que l’élite dirigeante incite le nationalisme et planifie la répression policière.

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