Les cheminots poursuivent la grève contre la privatisation de la SNCF

L’opposition sociale contre le gouvernement Macron se développe alors que les cheminots entament quatrième jour de grève contre la privatisation de la SNCF, et les étudiants poursuivent la grève et les blocages dans les universités contre la sélection.

Après deux jours de grève la semaine dernière, le transport ferroviaire est à nouveau perturbé par une grève lancée hier. Environ 35 pour cent du personnel de la SNCF étaient en grève hier; seulement 1 TGV sur 5, un TER sur trois et un Transilien sur trois étaient en circulation, et le RER en région parisienne était également perturbé. Aujourd’hui, la SNCF prévoit que 43 pour cent du personnel sera en grève, y compris 74 pour cent des conducteurs et 67 pour cent des contrôleurs.

Le mouvement des étudiants continue dans plusieurs universités à travers la France. Hier la Coordination nationale étudiante (CNE) a appelé à une nouvelle mobilisation sur les campus mardi 10 avril. La CNE a également appelé à manifester le 14 avril “en lien avec la grève des cheminots” et à se "joindre à la journée nationale de grève du 19 avril.”

Les travailleurs et les jeunes entrent dans une confrontation politique directe avec le gouvernement français, soutenu par l’Union européenne. La seule voie pour aller de l’avant est une lutte pour faire chuter le gouvernement Macron. Le gouvernement, qui cherche à financer ses cadeaux fiscaux aux riches et un programme de 300 milliards d’euros à l’horizon 2024, n’a aucune intention de revenir sur ses réformes réactionnaires.

Dans un entretien au journal Le Parisien hier, le Premier ministre Edouard Philippe a insisté qu’il ne reculera pas et qu’il poursuivra la réforme de la SNCF.

Il a dit, “Je reçois des messages de Français qui soutiennent le gouvernement, en disant qu’il faut aller jusqu’au bout. Eh bien, c’est ce que nous allons faire. Dès le 26 février, lors de la première déclaration sur la SNCF, j’ai dit qu’il y avait des sujets qui n’étaient pas négociables: l’ouverture à la concurrence, la réorganisation de l’entreprise et la fin du recrutement au statut. Nous n’y reviendrons pas, ce qui ne veut pas dire que je ne suis pas ouvert aux discussions pour parler des modalités.”

C’est-à-dire que le gouvernement refuse de négocier quoi que ce soit. Il exige la privatisation de la SNCF et la casse des droits sociaux des cheminots, dont le statut garantit l’emploi à vie et une retraite relativement avantageuse. Avec la nouvelle réforme, le gouvernement veut aligner l’âge légal de départ des cheminots sur celui des salariés du secteur privé, qui est actuellement de 62 ans. La réforme sera discutée à l’Assemblée à partir d’aujourd’hui et jusqu’au vote solennel, le 17 avril.

Philippe a ajouté qu’il comptait sur les appareils syndicaux pour tomber d’accord avec son gouvernement: “J’entends la détermination de certaines organisations syndicales, mais qu’ils entendent la mienne aussi. … J’ai exprimé clairement la volonté du gouvernement et où étaient les marges de discussion. J’ai bon espoir qu’à la fin on s’entende.”

Philippe a ajouté qu’il est régulièrement en contact avec l’ancien premier ministre de droite Alain Juppé, dont les attaques contre les cheminots ont provoqué la grève de novembre-décembre 1995.

Il a également menacé de réprimer l’opposition des étudiants dans les universités. “Ce qui n’est pas acceptable, c’est le blocage et les actions illégales,” a-t-il dit. “On est vigilant, on reste à l’écoute, quand les présidents d’universités nous saisissent pour des interventions ça ou là, elles ont lieu. Là aussi, nous sommes extrêmement déterminés à ne pas laisser agir une minorité ultra-politisée et parfois très violente.”

En appelant à une grève de deux jours chaque semaine jusqu'à la fin juin, les syndicats cherchent à maintenir le contrôle de l’opposition sociale et de l’user dans une suite de grèves sans perspective viable. Ils n’appellent pas à faire chuter Macron. Ils encouragent l’illusion que les travailleurs peuvent se contenter des modifications minimales que Philippe pourrait faire face pendant des négociations syndicales. En fait, les syndicats canalisent la colère des travailleurs et font tout pour étouffer un mouvement contre des mesures qu’ils ont négociées avec l’Etat.

Ces organisations travaillent étroitement avec la classe dirigeante pour imposer les mesures d'austérité voulues par Macron. Ils ont négocié d’abord la loi travail du PS, et ensuite avec Macron la formulation des ordonnances par lesquelles Macron veut imposer unilatéralement des mesures d’austérité et une restructuration drastique des relations de classe en France.

Vendredi, les syndicats (CGT, Unsa, SUD, CFDT) ont rencontré le ministère des Transports, Elisabeth Borne. A l’issue de la réunion, ils se sont plaints que le gouvernement n’allait pas reculer sur la réforme. "Il n'y a pas eu de négociation" véritable sur le dossier, a dénoncé le secrétaire général de la CGT Cheminots Laurent Brun. Le CGT a déclaré que la grève pourrait “aller au-delà du mois de juin.”

Les travailleurs qui entrent en lutte ne peuvent pas compter sur les déclarations des syndicats et leurs alliés parmi les organisations politiques de pseudo-gauche, comme La France Insoumise de Jean Luc Mélenchon et le NPA, pour défendre leurs acquis sociaux. La question centrale pour les travailleurs est d’ôter le contrôle des luttes aux appareils syndicaux afin de prendre leurs propres luttes en main et lancer une lutte politique contre Macron.

Le Parti de l’égalité socialiste (PES), la section française du Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI), s’avance en tant que nouvelle direction politique qu’il s’agit de construire dans la classe ouvrière par opposition aux formations existantes, liées au PS, qui travaillent consciemment pour saboter l'opposition ouvrière.

Les syndicats et leurs alliés politiques soutiennent les mesures d’austérité de Macron et, terrifiés par le risque d’une explosion sociale, sont hostiles envers un lutte qui le ferait chuter.

Jean Luc Mélenchon de La France insoumise cherche ouvertement à subordonner l'opposition sociale aux mêmes syndicats qui négocient l’austérité avec Macron. «Aujourd’hui, les syndicats veulent élargir leur base, ils ont raison. Il faut respecter la forme particulière de cette énergie. C’est notre tâche prioritaire», a dit Mélenchon.

En même temps, il a tenté de manipuler la montée de la colère ouvrière contre les appareils syndicaux et leurs alliés politiques de pseudo gauche, dont il s’est moqué en les traitant de “gauche selfie.”

Ce commentaire est malhonnête, car Mélenchon fait partie du même milieu politique que les individus qu’il critique, tels qu’Olivier Besancenot du NPA et Benoît Hamon, l’ex-candidat présidentiel du PS. Et juste après les avoir attaqués, Mélenchon a exprimé son souhait qu’ils le rejoignent dans les manifestations: “J’espère qu’Olivier Besancenot et Benoît Hamon seront là, car leurs organisations locales appellent à manifester. Ce serait dommage qu’il ne manque que les chefs.”

Sans rougir, il a ajouté: «Le peuple français a une chance: nous avoir. (…) Nous sommes quelque chose de précieux.»

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