Des reporters du WSWS bannis de la page Facebook «Infirmières en mouvement» pour leur critique des syndicats

Deux reporters du World Socialist Web Site, bannis d'une page Facebook nommée «Infirmières en mouvement», ont envoyé une lettre ouverte aux administrateurs pour protester contre ce geste anti-démocratique et insister sur le fait que les «travailleurs qui entrent en lutte ont besoin d’avoir accès à un large éventail d’idées».

La page en question avait rapidement attiré plus de 35.000 membres suite à des actions de protestation menées par des infirmières du Québec au début du mois de février. Elle est devenue un lieu de discussions pour des infirmières et des professionnels du réseau de la santé qui entrent en lutte contre les terribles conditions de travail et la détérioration des services publics causées par les années de coupes budgétaires qu’ont imposées tous les paliers de gouvernement.

Plusieurs infirmières ont utilisé cette tribune pour critiquer directement la FIQ (Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec, le syndicat des infirmières), qui est complice de la détérioration du réseau public de santé. Par exemple, une vidéo montrant la présidente de la FIQ, Nancy Bédard, parler de sa dernière rencontre d'urgence «positive» avec le ministre de la santé du Québec, Gaétan Barrette, a provoqué de nombreux commentaires hostiles.

Tournant en dérision les promesses creuses de Bédard et de Barrette d’encadrer les ratios patient-infirmières, un jeune infirmier de Laval écrit: «Ha ha ha! C'est bon, elle va peut-être réussir à nous avoir un abonnement gratuit à la revue de l'oiiq [l’ordre des infirmières]! Je suis certain qu'elle trouverait que c'est un gain majeur!!!»

Une infirmière avec beaucoup d'années d'expérience écrit: «À chaque négociation, les infirmières veulent améliorer leurs conditions de travail, pas seulement le salaire. Et nos représentants nous servent toujours la même soupe tiède. Si vous savez lire entre les lignes, les membres sont aussi en colère contre le syndicat que contre le gouvernement!!»

Une autre ajoute: «Vraiment s'il protégeait le patient, on ne serait pas rendu là». Ou encore: «NON. Une loi interdisant le temps supp[lémentaire] OBLIGATOIRE [TSO]! Une job ...C[e n’est] pas une prison !!!»

Plusieurs ont fait remarquer que le syndicat a abandonné cette demande centrale des infirmières: la fin du TSO, qui permet aux employeurs de forcer les infirmières à faire 16 heures de travail consécutives.

La décision de bloquer les reporters du World Socialist Web Site a été prise peu après que Louis Girard ait republié sur la page Facebook un article qu’il avait écrit pour le WSWS. L'article accueillait les gestes de colère des infirmières et les mettait en garde contre le rôle traitre joué par la bureaucratie syndicale, notamment durant la lutte des travailleurs du secteur public en 2015.

Girard a été temporairement bloqué lorsqu'il a voulu publier un message qui pointait vers les luttes grandissantes d’enseignants aux États-Unis, marquées par un début de rébellion contre l’appareil syndical. Le message de Girard citait des infirmières qui décrivaient avec amertume sur la page Facebook l'entente intervenue en 1999 entre le gouvernement péquiste et les syndicats comme un «pacte avec le diable».

Un appel a été fait aux autres administrateurs de la page pour défendre le droit démocratique des reporters du WSWS de participer au débat, mais sans succès. L'autre reporter du WSWS, qui a activement participé aux discussions en soulevant plusieurs questions politiques centrales, a été complètement bloqué peu de temps après.

La lettre ouverte répond aux arguments mis de l'avant par le modérateur Simon Chandonnet, qui semble être le principal architecte de cette censure. Ce n'est pas clair si celui-ci est employé par la FIQ, mais il agit exactement comme un agent de la bureaucratie syndicale. Entre-temps, il a été promu au rang d'administrateur de la page, ce qui lui donne un pouvoir sur qui peut modérer les messages.

Sa politique consiste à faire passer les questions politiques «au second plan» sauf si c'est pour défendre le «système en place». Comme l’explique la lettre ouverte: «Sous cet appel à éviter la politique se cache en réalité une politique bien définie: l’appui pour la bureaucratie syndicale, qui isole les travailleurs et les subordonne au Parti québécois – un parti de la grande entreprise qui a imposé en 1997 des coupes budgétaires massives et forcé des milliers d’infirmières et d’enseignants à la retraite sans les remplacer».

L’appel de Chandonnet à l’ «unification» des infirmières sur une base strictement professionnelle revient à isoler, comme la bureaucratie syndicale l'a fait maintes et maintes fois, les infirmières des autres travailleurs, particulièrement ceux du secteur public. Il s'oppose à toute critique objective des syndicats, qu'il qualifie de chasse-aux-sorcières. La lettre ouverte y répond ainsi: «Nos arguments sont précis et vérifiables, étant basés sur une analyse objective de l’évolution historique des syndicats. Ces derniers, à cause de leur perspective nationaliste et procapitaliste, collaborent aujourd’hui avec le patronat pour imposer de vastes reculs aux membres de la base.»

Finalement, Chandonnet s'oppose à l'activité des socialistes, la vraie raison de sa censure. Il résume malhonnêtement leur activité comme du «recrutement» pour du «socialisme pur et dur». Sur la page Facebook, les reporters du WSWS ont publié un article ainsi que de nombreux messages élaborant une critique détaillée et historique des syndicats et du nationalisme québécois mis de l’avant par le Parti québécois et Québec solidaire. Ils ont mis l'accent sur le caractère international des soulèvements ouvriers qui prennent place contre le démantèlement des services publics. Ils ont également insisté sur la nécessité de former des comités de la base afin de mobiliser les travailleurs partout au Canada contre l’austérité capitaliste.

Dans son article pour le WSWS qui a été republié sur la page Facebook, Girard écrivait: «Les infirmières font face à un système capitaliste en crise... Mais, elles ont de puissants alliés: les autres employés du secteur public et les travailleurs partout dans le monde qui subissent les mêmes attaques.»

L'unification de la classe ouvrière est aussi au centre des nombreux messages publiés par l'autre reporter du WSWS: «Non seulement les infirmières, mais tous les travailleurs de la santé devraient s'unir à travers le pays. Le nationalisme québécois nous a trop longtemps divisés de nos frères et sœurs de classe ailleurs au Canada... Peut-être faudrait-il inviter ces travailleurs sur cette page Facebook ou en créer une nouvelle qui viserait à bâtir des liens au-delà de la province?»

Les deux reporters du WSWS ont critiqué le rôle de Québec solidaire (QS). Ce parti supposément de gauche refuse d’aborder les véritables causes de la crise actuelle dans la santé – le système capitaliste en faillite. Il jette plutôt tout le blâme sur le ministre de la santé Gaétan Barrette et les salaires des médecins, tout en passant sous silence les années de coupes massives par les gouvernements du Parti québécois et du Parti libéral. Lors d'une manifestation organisée à Montréal, les syndicats ont aussi cherché à faire des médecins des boucs-émissaires de la crise qui ébranle le réseau public de la santé au Canada.

Dans la lutte pour défendre leurs intérêts de classe, les travailleurs entrent inévitablement en conflit avec la bureaucratie syndicale, qui collabore partout dans le monde avec la classe dirigeante pour éliminer des emplois, réduire les salaires, détruire les régimes de retraite et démanteler les services publics.

Les infirmières au Canada doivent avoir accès à la seule tendance politique qui avance une critique claire et objective des syndicats et encourage la formation de comités de la base indépendants des syndicats afin d’organiser une lutte unifiée des travailleurs contre l’austérité capitaliste. Nous encourageons les infirmières et autres professionnels de la santé à faire circuler cet article, y compris sur la page Facebook «Infirmières en mouvement».

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