Le Premier ministre belge diffame le cinéaste Ken Loach qualifié d’« antisémite »

La qualification par le Premier ministre belge, Charles Michel, du réalisateur britannique Ken Loach d’antisémite, est une ignoble calomnie.

Cette calomnie par Premier ministre pro-austérité démontre comment les accusations d’antisémitisme sans fondement sont utilisées pour attaquer toute forme de protestation ou de commentaire social. Loach, l’un des réalisateurs les plus célébrés en Europe, a été ciblé à la fois en tant qu’artiste et que figure politique.

La controverse a surgi après que l’Université Libre de Bruxelles (ULB) eut décidé d’octroyer un doctorat honorifique à Loach, réalisateur de 81 ans. Lors d’une réunion à la Grande Synagogue de Belgique marquant le 70ᵉ anniversaire de la fondation de l’État d’Israël, Michel, qui a étudié le droit à l’ULB, a déclaré : « Notre fermeté doit être totale. Aucun accommodement avec l’antisémitisme ne peut être toléré. Quelle que soit sa forme. Cela vaut aussi pour ma propre alma mater [l’université]. »

Que la remarque de Michel fût à propos de Loach a été confirmé par une déclaration de son cabinet au journal De Standaard après l’événement : « La déclaration de Michel peut être interprétée comme un rejet du doctorat honorifique. Le Premier ministre a étudié le dossier et est d’avis que l’homme a récemment fait des déclarations controversées qui justifient le retrait de ce doctorat honorifique. »

La déclaration du cabinet de Michel a tenté de contourner l’acte de censure implicite évident dans le commentaire du Premier ministre : « De toute évidence, le Premier ministre n’a pas à traiter avec la liberté académique, l’université n’a pas besoin de la permission du Premier ministre, mais il donne son opinion. Pour l’instant, il ne lui semble pas approprié d’honorer une telle personne. »

Loach, notant le diplôme de droit de Michel, a exhorté le premier ministre à évaluer la preuve et à retirer sa déclaration. Il a demandé si Michel avait considéré les « nombreux exemples de violations par Israël du droit international. »

L’ULB a indiqué qu’elle avait enquêté sur les plaintes et confirmé la distinction remise à Loach. Le Chancelier de l’ULB, Yvon Englert, a déclaré : « Il n’y a pas d’antisémitisme ou de révisionnisme à reprocher à Ken Loach. »

L’ULB réaffirme que sa distinction accordée au réalisateur reflète ses films « militants » sur les questions sociales et la lutte des travailleurs et des immigrés. Loach a remporté deux fois la Palme d’Or au festival de Cannes.

Le prétendu antisémitisme des « déclarations controversées » de Loach, bien que non précisées par Michel ou son cabinet, fait référence à ses critiques du gouvernement israélien, à sa défense de longue date des Palestiniens et à son appel récent à « expulser » les députés blairistes qui avait utilisé une manifestation contre le prétendu antisémitisme au sein du parti travailliste comme une occasion d’attaquer son chef, Jeremy Corbyn, et ses partisans.

Le Jewish Socialists’ Group (Groupe des socialistes juifs) a écrit au sujet du Parti travailliste qu’« un très petit nombre de cas semble être de véritables cas d’antisémitisme ». Mais ce phénomène non représentatif a été pris comme prétexte pour attaquer la gauche.

Loach est un exemple typique de quelqu’un qui n’a jamais été associé à l’antisémitisme sous quelque forme que ce soit. Qu’il soit visé est une confirmation grotesque du caractère droitier de cette campagne.

Loach a 81 ans et a été une figure artistique et politique de premier plan depuis le milieu des années 1960. Il n’a jamais caché ses critiques d’Israël ou sa défense des Palestiniens. C’est ce qui a maintenant été déformé dans cette calomnie répugnante.

Moshe Kantor, président du Congrès juif européen, est allé plus loin que la vague calomnie de Michel. Il a déclaré que le doctorat de l’ULB « ne peut être considéré que comme une approbation de quelqu’un qui s’est permis de jouer avec l’histoire au point de banaliser l’Holocauste ».

La faute de Loach était en réalité d’avoir fait appel à l’histoire. En septembre, un journaliste de la BBC l’a interrogé sur une réunion de sympathisants du Parti travailliste, à laquelle il n’avait pas participé, au cours de laquelle l’Holocauste a été discuté. Dans sa réponse, Loach a noté que les accusations d’antisémitisme avaient dégénéré en une arme contre la direction de Corbyn, en disant : « L’histoire est pour nous tous à discuter. Toute l’histoire est notre patrimoine commun à discuter et à analyser. La fondation de l’État d’Israël, par exemple, basée sur le nettoyage ethnique, est là pour que nous en discutions […] Donc n’essayez pas de saboter cela par de fausses histoires d’antisémitisme. »

Les accusations contre Loach ont été fabriquées en manipulant des citations comme celle-ci pour suggérer qu’il approuvait le révisionnisme historique et le déni de l’Holocauste. Répondant à une attaque calomnieuse de Jonathan Freedland dans le Guardian, Loach a écrit que ses remarques avaient été « détournées pour suggérer que je pense qu’il est acceptable de remettre en question la réalité de l’Holocauste. Je ne le pense pas. L’Holocauste est un événement historique aussi réel que la guerre mondiale elle-même et ne doit pas être contesté […] Je connais l’histoire du déni de l’Holocauste, sa place dans la politique d’extrême droite […] Laisser entendre que j’aurais quelque chose en commun avec eux est méprisable. Les conséquences d’une telle diffamation sont évidentes pour tous : laisser le poison se propager et il sera repris sur les médias sociaux et les réputations peuvent être ternies à jamais. Un bref coup de fil aurait clarifié ma position. »

Dans un communiqué de presse furieux répondant à Michel, Loach a noté que la décision « malveillante et sans scrupule » du Guardian de ne pas publier sa réponse dans son intégralité avait en effet permis au poison de « se propager sans être contesté ».

Il a réitéré sa condamnation de toute forme de négation de l’Holocauste, déclarant « toute ma vie, j’ai pris parti pour ceux qui sont persécutés et marginalisés et le fait de me dépeindre comme antisémite simplement parce que j’ajoute ma voix à ceux qui dénoncent le sort réservé aux Palestiniens est grotesque. »

Il a commenté de façon mordante : « Ceux qui essaient de me diffamer de cette manière savent que j’ai toujours combattu tout le racisme, y compris l’antisémitisme. Je doute que tout le monde puisse en dire autant. »

Quand un groupe de députés blairistes a profité de la protestation « Assez, c’est assez » du Conseil des Députés des Juifs britanniques contre l’antisémitisme présumé dans le Parti travailliste pour attaquer la direction de Corbyn, Loach a demandé qu’ils soient expulsés du parti. Le Jewish Chronicle a présenté cela comme si Loach exigeait que les députés soient expulsés pour avoir manifesté contre l’antisémitisme.

Les commentaires de Loach sont plutôt autre chose. « A moins d’avoir des députés travaillistes qui croient en ce manifeste de l’année dernière », a-t-il déclaré lors d’un rassemblement, « nous [les travaillistes] n’arriverons pas au pouvoir. »

Son appel avait pour sujet la loyauté envers le Parti travailliste : « S’ils se sont rendus à la manifestation contre [Corbyn] devant Westminster […] ce sont eux qu’il faut expulser [du parti]. »

En clarifiant ses déclarations sur la révocation des députés travaillistes, Loach a été plus conciliant. Il a soutenu que la reconduction [des députés dans leurs fonctions] « ne devrait pas être basée sur des incidents individuels […] les candidats devraient être sélectionnés pour chaque élection » et que « les membres du parti devraient être en mesure de faire un choix démocratique ».

Comme nous l’avons noté récemment, la réponse de Corbyn en rampant devant la campagne frauduleuse sur l’antisémitisme « facilite une fois de plus l’attaque de la droite. Et leur désire pour lui faire payer un tribut politique n’est qu’encouragé par sa soumission. »

Voir aussi :

Accusations d’antisémitisme chez les travaillistes britanniques animées par un front de conservateurs et blairistes

Bogus « Labour anti-semitism » campagne secures expulsion of leading activist Marc Wadsworth (article en anglais)

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