Bernie Sanders défend l’impérialisme américain lors d’une réunion publique sur l’Iran

La semaine dernière, le sénateur Bernie Sanders a tenu une assemblée publique au Capitole américain sur le retrait unilatéral de Trump de l’accord nucléaire iranien.

La discussion a réuni un certain nombre d’anciens fonctionnaires du département d’État et d’universitaires spécialistes qui, avec Sanders, ont présenté une critique tout à fait conventionnelle et pro-impérialiste de la décision de l’administration Trump de se retirer de l’accord conclu en 2015 entre l’Iran, la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne, l’Union européenne, la Russie et la Chine, et qui avait été négocié par l’administration Obama.

Des divisions amères déchirent la classe dirigeante et l’establishment militaire et du renseignement des États-Unis au sujet de la décision de Trump. Cette décision est considérée par de nombreux stratèges de la politique étrangère impérialiste américaine comme un geste imprudent qui isolera davantage Washington de ses alliés de nom en Europe, encouragera l’Iran et d’autres rivaux régionaux des États-Unis à se doter d’armes nucléaires et augmentera considérablement la probabilité d’une guerre beaucoup plus vaste au Moyen-Orient.

Parmi ceux-ci se trouvent le secrétaire à la défense de Trump, le général à la retraite James Mattis, ainsi que le président des chefs d’état-major interarmées, le général Joseph Dunford, qui recommande le maintien du Plan daction global commun. D’importants intérêts corporatifs américains désireux d’entrer sur le marché iranien et d’avoir accès aux vastes réserves d’énergie du pays se manifestent également.

Le Parti démocrate, tout en critiquant Trump pour son manque d’agressivité envers la Syrie et la Russie, est règle générale aligné sur cette faction de l’establishment militaire, du renseignement et du monde des affaires. Rien de ce qui a été dit lors de la table ronde de Sanders la semaine dernière n’est venu contredire la ligne politique générale de cette faction de l’impérialisme américain.

Le point de vue pro-impérialiste et prosioniste de Sanders et de ses panélistes a été démontré par la réticence de tous à dénoncer le massacre de manifestants palestiniens non armés à Gaza la veille même de cette réunion publique qui s’est tenue le 15 mai. Pendant que le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et les émissaires de Trump, sa fille Ivanka et son mari Jared Kushner, célébraient l’ouverture de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem, les forces de défense israéliennes tiraient à balles réelles sur les Palestiniens qui protestaient contre cet acte illégal. Plus de 60 hommes, femmes et enfants ont été tués, et plus de 3000 autres ont été blessés dans un massacre rappelant d’autres atrocités telles Amritsar en Inde et Sharpeville en Afrique du Sud.

Sanders et ses invités n’ont abordé la question des massacres perpétrés par les Israéliens qu’après la moitié de cette réunion d’une heure.

Les panélistes comprenaient :

* Jon Cirincione, président du Fonds Ploughshares opposé aux armes nucléaires. Ancien membre du personnel du House Armed Services Committee (Comité des services des forces armées de la Chambre des représentants) et du Government Operations Committee (Comité des opérations gouvernementales).

* Suzanne DiMaggio, chercheuse principale du groupe de réflexion New America, affilié au parti démocrate de Washington et dirigé par Anne-Marie Slaughter, ancienne responsable du département d’État sous Obama. DiMaggio a été intimement impliquée dans les intrigues diplomatiques américaines contre l’Iran et la Corée du Nord, et a agi au nom de l’administration Trump lors de plusieurs visites en Corée du Nord jusqu’en février 2017.

* Rob Malley, président de l’International Crisis Group, une ONG transnationale soutenue par George Soros avec un fort parti pris antirusse. Malley est un ancien membre du Conseil de sécurité nationale d’Obama, où il a dirigé le département responsable des questions du Moyen-Orient. Il a participé personnellement à la rédaction de l’accord nucléaire iranien.

* Lara Friedman, présidente de la Fondation pour la paix au Moyen-Orient, une organisation américaine à but non lucratif qui promeut une politique de «deux États» dans le conflit israélo-palestinien. Elle a été directrice des politiques et des relations gouvernementales pour Americans for Peace Now, et avant cela, elle a été agente du service extérieur américain à Jérusalem, Tunis et Beyrouth.

Sanders a résumé les préoccupations qui ont motivé la tenue de cette table ronde dans une chronique qu’il a publiée juste avant dans le Guardian: «Pour être clair, l’Iran fait preuve d’un mauvais comportement sur bien des questions, notamment par son soutien de la guerre du dictateur Bachar al-Assad contre le peuple syrien, des groupes extrémistes violents comme le Hezbollah au Liban et le Hamas en Palestine, et par ses violations des droits de l’homme sur son territoire. Cependant, si nous sommes réellement préoccupés par ces politiques iraniennes, comme je le suis, c’est la pire voie à suivre. Cela rendra plus difficile le traitement de toutes ces autres questions.»

Autrement dit, Sanders comme la majorité des responsables de la politique étrangère des États-Unis, considèrent que le sabordage de l’accord nucléaire iranien va à l’encontre de l’objectif de subordonner l’Iran à l’hégémonie de Washington au Moyen-Orient.

La crainte que les gestes de Trump soient contre-productifs s’est également reflétée dans les commentaires des panélistes. Cirincione a commencé la discussion en déclarant que la décision unilatérale de Trump avait brisé «la foi de nos alliés» et «gravement nuit à la crédibilité américaine».

«Si l’idée est d’avoir une politique à l’égard de l’Iran qui fonctionne, d’aucune façon les États-Unis ne peuvent faire cela seuls», a pour sa part déclaré Malley, avant d’ajouter que les États-Unis se trouvaient maintenant dans la position «embarrassante» d’être opposés par la plupart des pays du monde dans leur politique envers l’Iran.

Conscient de la profonde opposition à la guerre qui règne au sein de la population américaine, le panel a tenté de présenter la politique étrangère militariste de Trump comme une aberration dans la politique étrangère américaine qui serait selon eux par ailleurs pacifique. DiMaggio s’est plainte que la décision de Trump de déménager l’ambassade des États-Unis en Israël à Jérusalem, de même que son soutien au premier ministre israélien Benjamin Netanyahou lors des actes de guerre de ce dernier menés contre l’Iran, ont miné le rôle supposé des États-Unis de «modérateur et d’intermédiaire honnête» dans le conflit israélo-palestinien.

Cirincione a ajouté: «Si nous avions joué notre rôle normal, historique de modérateur, nous serions peut-être en train de voir les choses se calmer au lieu de jeter de l’huile sur le feu», dans la région.

Sanders s’est joint à cette posture pacifiste, déclarant vers la fin de la discussion: «Je pense que l’écrasante majorité du peuple américain croit que la fonction des États-Unis en politique internationale est de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher la guerre.»

Certains des panélistes, dont Sanders, ont critiqué avec modération le massacre des manifestants palestiniens perpétré par le gouvernement israélien dans la bande de Gaza. Mais cette critique est motivée par la crainte que la politique calculée de Netanyahou de mener des massacres produise une débâcle pour l’État sioniste. Cirincione a dit ainsi craindre que le massacre de Gaza n’affaiblisse la sécurité d’Israël à long terme.

Friedman, la prétendue militante pour la paix, a été la plus brutale dans sa défense du «droit» d’Israël d’opprimer et d’assassiner les Palestiniens en déclarant que les actions du Hamas donnent à Israël «une excuse parfois légitime, parfois moins, pour dire que tout cela, le terrorisme, ce sont des actes de guerre, et qu’en vertu des lois de la guerre, nous avons le droit d’utiliser la force létale contre les personnes non armées se trouvant près de la clôture et qui, si elles parvenaient à l’endommager et à la briser, pourraient venir en Israël et être une menace pour nous.»

Pas plus Sanders que les autres panélistes n’ont contesté cette apologie pour la perpétration de meurtres de masse.

Sanders est un partisan de longue date d’Israël. En 2014, lors de l’invasion israélienne de Gaza, il avait voté pour une résolution du Sénat proclamant qu’Israël «[se défend] contre des attaques à la roquette non provoquées et menées par l’organisation terroriste du Hamas». Lorsque Sanders a alors été interpellé par des manifestants lors d’une assemblée publique au Vermont, il leur a crié de «se taire».

L’exposition la plus accablante des prétentions socialistes de Sanders est son soutien à la guerre et au pillage international menés par l’élite corporative et financière américaine à laquelle il prétend s’opposer. Au cours de sa campagne lors des primaires pour l’investiture du Parti démocrate à la présidence en 2016, il a défendu à plusieurs reprises la politique militariste d’Obama au Moyen-Orient et en Asie centrale. Lorsqu’on lui a demandé, au cours de la campagne électorale, s’il poursuivrait le programme d’assassinats par drones créé par Obama, Sanders a répondu par l’affirmative et rajouté qu’il en ferait plus encore».

Depuis l’élection de Trump, il a pleinement soutenu la campagne du Parti démocrate contre la Russie qui vise à attiser le sentiment antirusse afin de justifier une escalade majeure contre ce pays, ce qui mènerait à une guerre entre les deux plus grandes puissances nucléaires du monde. Parallèlement, sa politique chauvine de guerre commerciale contre la Chine prépare également la voie à une guerre contre cette autre puissance nucléaire.

(Article paru en anglais le 22 mai 2018)

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