« Plus jamais ça! »

Des dizaines de milliers de personnes manifestent à Berlin contre le parti d’extrême droite AfD

Un rassemblement des partisans de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) néo-fasciste dimanche dernier s'est vu contesté par des manifestations de masse dans tout Berlin. Des dizaines de milliers de personnes ont protesté contre la politique xénophobe, raciste et militariste incarnée par ce parti.

Malgré l’affrètement de bus pour amener des manifestants de toute l'Allemagne et le paiement de milliers de gens pour participer au rassemblement fasciste, celui-ci a été éclipsé par des contre-manifestations dans toute la ville qui, selon les organisateurs, ont mobilisé jusqu'à 70 000 personnes.

Les manifestants ont dit qu'ils étaient révulsés par un discours prononcé par Alice Weidel, co-dirigeante de l'AfD qui a commencé la législature du parlement allemand par une tirade fascisante traitant les « migrants musulmans » de « burqas , agresseurs au couteau et autres bons-à-rien ». Utilisant tous les tropes de la démagogie nazie, Weidel a mis en garde contre la « chute de notre nation » résultant de l'admission des gens issus des sociétés « tribales ».

Les protestations de masse contre l'AfD montrent clairement que, si l'establishment politique allemand tolère et promeut les fascistes, la grande majorité des travailleurs et des jeunes en Allemagne n'acceptera pas un retour aux années 1930.

Fait significatif, les manifestations ont eu lieu la même fin de semaine où des dizaines de milliers de manifestants se sont rassemblés à Paris contre les mesures d'austérité du président français Emmanuel Macron et où les Irlandais ont voté massivement pour renverser une interdiction draconienne de l'avortement.

Sous la protection d’une police lourdement armée, les extrémistes de droite ont marché de la gare principale de Berlin à la porte de Brandebourg où les dirigeants de l'AfD ont prononcé des diatribes fascistes. La membre de l'exécutif fédéral Beatrix von Storch a fulminé contre « la domination de l'Islam en Allemagne,» qui n'était « rien d'autre que la domination du mal». Dans son discours au rassemblement, le chef de l'Afd Alexander Gaulland a dit rageusement « nous allons leur donner une leçon. »

Beaucoup de jeunes gens se sont rassemblés à la porte de Brandebourg le matin. Un étudiant tenant une pancarte à la main près du Bundestag (parlement fédéral), avec le slogan « Les nazis me répugnent» a dit au World Socialist Web Site que c'était « horrible » le fait que l'extrême droite marchait encore une fois, spécialement en Allemagne : « nous avons déjà eu ça. Ils ont tué des millions de personnes en son nom. »

Sarah, 28 ans, qui travaille à son compte, a participé à la manifestation anti-AfD car elle a estimé qu'il était nécessaire de se lever et de lutter contre le racisme et la xénophobie. Interrogée sur les autres partis au parlement, elle a déclaré: «Personne d'autre ne combat l'AfD». Ce n'était pas surprenant, car les chrétiens-démocrates agissaient aussi contre les réfugiés et avaient pratiquement adopté les politiques de l'AfD. « Les manifestants d'aujourd'hui montrent que la majorité de la population est opposée à l'AfD et à l'extrême droite », a ajouté Sarah.

Oliver, un apprenti de 24 ans, est venu à la manifestation avec des amis, non seulement pour protester contre l'AfD, mais aussi contre «la politique raciste de droite» qu'il représentait. Il a déclaré qu'il était «honteux» que ce parti prêche une fois de plus la haine raciale.

De nombreux participants ont établi un parallèle avec les années 1930 et les nazis et ont critiqué les principaux partis pour avoir ouvert la voie à l'AfD avec leurs politiques anti-sociales de droite.

L'énorme fossé entre l'hostilité envers l'extrême droite parmi les jeunes et les travailleurs, et les tentatives hypocrites des partis établis de se faire passer pour des adversaires de l'AfD, était évident pour tous. La grande majorité des manifestants ont simplement ignoré le rassemblement officiel, organisé devant le Bundestag par les sociaux-démocrates, le Parti de gauche, les Verts et les syndicats.

Les membres du Sozialistische Gleichheitspartei (SGP – Parti de l'égalité socialiste) et de l'IYSSE (Jeunes et étudiants internationalistes pour l'égalité sociale) ont expliqué, dans les discussions lors des manifestations, que la lutte contre les néofascistes requiert un bilan politique critique des partis de l'establishment et un programme socialiste.

Le SGP et l'IYSSE ont déclaré dans un communiqué :« Dans les conditions de crise la plus profonde du capitalisme depuis les années 1930, de guerres dans le monde entier et de conflits croissants entre les grandes puissances, l'extrême droite est délibérément renforcée par la classe dirigeante afin d'imposer sa politique de militarisme, d'augmentation des pouvoirs de l'État à l'intérieur et à l'étranger, et d'austérité sociale ".

La déclaration poursuit en expliquant que les origines des dirigeants politiques de l'AfD démontraient que la lutte contre l'extrême droite ne pouvait pas être basée sur l'Etat capitaliste et ses partis politiques. De larges sections de l'AfD ont été recrutées directement dans l'appareil d'État – y compris dans l'armée, l’appareil judicaire et la police – ou étaient d’anciens membres des autres partis bourgeois. La déclaration du SGP insistait pour dire que «La leçon la plus importante de l'histoire allemande est que la lutte contre le fascisme et la guerre est inséparable de la lutte contre leur cause, le capitalisme, et contre tous les partis qui défendent ce système en faillite ».

Le SGP a joué un rôle de premier plan dans la lutte contre l'extrémisme de droite en Europe. En 2014, le parti a lancé une campagne contre la promotion officielle des professeurs d'extrême droite Jorg Baberowski et Herfried Münkler. Pour cela, il a été atttaqué par l'establishment politique, qui s'est précipité à la défense de ces idéologues d'extrême droite.

De nombreux manifestants étaient conscients du lien entre la montée de la droite fascisante et la politique capitaliste de guerre et d'austérité. Martin Morand, un physiothérapeute, s'est prononcé contre l'augmentation prévue des dépenses militaires de la ‘Grande Coalition’ (CDU-SPD). L'argent serait mieux investi dans la lutte contre la «pauvreté réelle», a-t-il déclaré. «Les gens fuient la guerre et la violence et les mauvaises conditions en Afrique ». Au lieu du réarmement militaire, Martin a appelé à transformer les «épées en charrues ».

René, enseignant d'allemand, a amené son fils au rassemblement. Il a été motivé à y participer par la tirade fasciste de la dirigeante de l'AfD Alice Weidel la semaine dernière. Jusqu'à il y a quelques années il pensait que, après 1945, quelque chose comme ça « ne pourrait jamais avoir lieu. » « Je suis très attristé du fait que cela soit accepté. C'est pourquoi j'ai dit à mon fils: allons à la manifestation aujourd'hui pour aider. »

René a déclaré que la démagogie de l'AfD était la même que celle utilisée par Hitler et les nazis, mais les partis établis adoptaient «progressivement » les positions de l'AFD.

(Article paru en anglais le 28 mai 2018)

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