Les cheminots se mobilisent contre les réformes négociées avec Matignon

Mardi, alors que les négociations se poursuivent entre le premier ministre Edouard Philippe et les syndicats à Matignon sur le sort de la SNCF et que le Sénat examinait le projet de réforme, les cheminots ont manifesté leur opposition à Paris.

Même si la manifestation de déroulait en partie sous les couleurs des syndicats, on sentait bien un gouffre entre les positions des appareils syndicaux et celles des cheminots en lutte. La CFDT et l’UNSA laissent déjà entendre qu’ils appelleront à la fin de grève. Tous les syndicats ont accepté de négocier avec Philippe alors qu’il a fait savoir qu’il ne négocierait pas la casse du statut des cheminots, le passage de la SNCF au statut de société anonyme, et l’ouverture à la concurrence.

Les cheminots, qui ont voté à 95 pour cent dans un référendum d’entreprise contre les réformes de Macron, sont eux mobilisés contre toutes ces réformes, sur fond de grèves à Air France, dans les hôpitaux, et dans la fonction publique. Ceci souligne la justesse de l’appel du Parti de l’égalité socialiste à la formation de comités d’action, organisés indépendamment des syndicats, pour unifier les grèves en une lutte politique pour faire chuter Macron. Les cheminots à la manifestation parisienne ont témoigné de leur sympathie pour un tel appel.

Les reporters du WSWS à la manifestation parisienne ont parlé à François, un cheminot sur le site de Villeneuve-St Georges.

Il a expliqué que les cheminots étaient mobilisés d’abord pour « le non passage en société anonyme de l’entreprise, deuxièmement c’est pour le statut des cheminots qu’on veut conserver, il y a aussi la dette de l’entreprise qui ne doit pas être attribuée qu’aux cheminots. … Il y a la renationalisation du fret, la non-ouverture des petites lignes à la concurrence. Donc aujourd’hui c’est un mouvement social, parce que la loi doit passer devant le Sénat, donc c’est juste pour montrer qu’on est là, pour une politique sociale, pour sauver notre entreprise. »

François a évoqué sa méfiance envers les négociations entre Philippe et les syndicats, qui ne discutent plus que la part de la dette de la SNCF que reprendrait l’État: « Les syndicats, je ne connais pas exactement leur politique ; quand ils vont à leur rendez-vous comme avec le premier ministre, vu qu’ils n’arrivent qu’à batailler sur une seule question quand il y en a huit à se poser. »

François a souligné son hostilité globale à la politique de Macron: « La politique de Macron, c’est une politique agressive. Il veut tout économiser, il veut que tout rapporte de l’argent. Mais aujourd’hui il y a un système public, il n’est pas là pour rapporter de l’argent, il est là pour offrir un service. Un service il est payé par les contribuables donc ça n’a pas besoin d’être bénéficiaire plus que ça. Mais demain si c’est privatisé, il ne faut pas croire qu’un investisseur privé va venir pour offrir un service, il va venir faire de l’argent. Donc on sera perdants sur plusieurs points. »

François a souligné le manque de légitimité démocratique de Macron, en insistant sur le petit pourcentage d’électeurs qui ont voté pour lui au premier tour des présidentielles: « Il n’a été élu qu’avec 16 pour cent des électeurs, ça vaut la peine de le rappeler. »

Il a témoigné de sa sympathie pour l’appel du PES à la formation de comités d’action: « Des comités d’action, vous voulez rassembler tout le monde dans un groupe? C’est bien, il faut le faire passer sur les réseaux sociaux. … Je suis d’accord qu’il faut se rassembler contre Macron. Les syndicats n’ont pas appelé au front commun. »

Il a ajouté, « Il faut appuyer, il a des mouvements d’autres corporations, la fonction publique, il y a même des entreprises privées aujourd’hui qui subissent des conditions de travail dégradées, comme Carrefour. Il y en a des tas qui ont fermé les portes. … C’est pour ça qu’il faut mobiliser, il faut être là tous les soirs. »

Le WSWS a aussi parlé à Sandrine, une cheminote qui travaille en région parisienne. Elle s’est dite hostile à Macron et à sa politique de privatisation, et déçue des principaux partis «de gauche» actuels.

Elle a expliqué, « Je sais que dès le moment qu’on sera privatisé on n’aura pas les mêmes conditions de travail. On se pose beaucoup de questions sur le service public, comment il va être assuré, notamment l’application des réglementations, comment on va s’en sortir avec tous les nouveaux entrants qu’on veut nous mettre sur le marché. On a des conditions de travail qui sont assez difficiles, on est en 3-8, on travaille le week-end et les jours fériés, moi j’ai des enfants. … J’estime que je ne suis pas une privilégiée, j’ai des contraintes dans mon travail. »

Sandrine a aussi souligné son opposition fondamentale à Macron et aux politiques de l’Union européenne: « Macron, il n’a pas été élu légitimement, je trouve. Moi j’ai voté pour lui par opposition à Marine Le Pen. … Après, toutes les décisions qu’il prend actuellement, elles ne me conviennent pas du tout. Ce n’est le président que j’ai élu. Je l’ai élu pour pas qu’on ait une raciste à la tête du pays, pas pour qu’il décide de brader tous les services publics sous prétexte de les donner à ses amis les banquiers, pour faire de l’argent. »

Elle a ajouté, « L’Europe qu’on est en train de construire, c’est une Europe de l’argent et des profits. Ils n’ont pas intérêt à l’union de tous les travailleurs européens ... dans les faits ils sont en train de nous diviser. »

La politique menée par Macron et l’UE, dit-elle, « C’est une politique de réduction de services publics dont on a tous besoin et qui sont utiles à tous, donc j’y suis fermement opposée: réductions de personnels dans les services de santé, réduction des remboursements. Les services publics sont le bien de tous il faut les conserver. … C’est une question que tout le monde doit en disposer, c’est un principe d’égalité qui doit être maintenu. »

Sandrine a fait le lien entre la politique réactionnaire menée à travers l’UE et la faillite des forces politiques bourgeoises et petite-bourgeoises liées à la social-démocratie française et européenne.

Le milieu de la gauche officielle en France, a dit Sandrine, « n’est pas assez à gauche. Il faut une vraie gauche, qui représente vraiment les ouvriers, au sens large du terme. Tout le monde est ouvrier en fait, le petit auto-entrepreneur qui fait ses Uber … il n’y a pas que les ouvriers traditionnels des grosses entreprises. La France c’est majoritairement un pays d’ouvriers, c’est des gens qui galèrent pour boucler leurs fins de mois. »

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