Le SEP tient une réunion à Paris sur le cinquantenaire de la grève générale de Mai 1968

Dimanche, le Parti de l’égalité socialiste (PES) a tenu une réunion publique à Paris intitulée « 50 ans après la grève générale de mai 1968 : comment mener une lutte trotskyste contre Macron ? » Des étudiants, des travailleurs protestant contre la politique d’austérité du président Emmanuel Macron, et des membres de la communauté tamoule de Paris et des environs ont assisté à la réunion qui comportait également des remarques de Barbara Slaughter du « Socialist Equality Party » (le parti frère du PES en Grande-Bretagne).

La réunion s’est déroulé dans le contexte d’une grève continue contre les plans de Macron pour la privatisation des chemins de fer, l’attaque des salaires du secteur public et la réduction des programmes sociaux clés pour financer les réductions d’impôts pour les riches et le détournement de centaines de milliards d’euros vers les dépenses militaires. La réunion a commencé par une présentation d’Alex Lantier sur la grève générale de 1968 et son importance pour les luttes de classe et la radicalisation internationale des travailleurs et des jeunes aujourd’hui.

Lantier a noté que la réunion visait non seulement à commémorer un grand événement historique, mais surtout à clarifier les questions politiques de stratégie révolutionnaire qui se posent toujours aux travailleurs. Il a expliqué que, Mai-juin 1968 et la lutte de classe aujourd’hui ne peuvent être compris en dehors de l’histoire de la lutte contre l’anti-marxisme petit-bourgeois au sein du mouvement trotskyste même.

Les forces petites-bourgeoises ayant rompu avec le trotskysme ont non seulement aidé à saboter les luttes ouvrières depuis 68, elles ont également produit un faux récit historique et une perspective qui a conditionné ce que qu’on a fait passer pendant 50 ans pour une politique « de gauche » ; une perspective qui rejette le rôle révolutionnaire de la classe ouvrière et la lutte pour construire un parti d’avant-garde marxiste pour mener ses luttes. Sur cette base, ils ont construit des partis sociaux-démocrates à travers l’Europe, comme le PASOK en Grèce et le PS en France, qui s’effondrent maintenant en raison de la colère de masse contre leur politique militariste et anti-travailleurs.

Lantier a cité Daniel Cohn-Bendit, l’ancien leader étudiant de 1968, proche du groupe Socialisme ou Barbarie ayant rompu avec la Quatrième Internationale en 1948 et Alain Krivine de la tendance pabliste désormais représentée en France par le Nouveau parti anticapitaliste (NPA), qui a rompu lui, avec Le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) en 1953. Aujourd’hui, tous deux affirment que la grève générale de mai 1968 n’était pas une situation révolutionnaire et que les étudiants, et non les travailleurs, jouaient le rôle le plus à gauche à l’époque. Tous deux minimisent le rôle des staliniens dans la trahison de la grève générale.

Démasquant ceci comme une perspective fausse basée sur des mensonges historiques, Lantier a examiné comment les jeunes travailleurs se sont mobilisés pour défendre les étudiants contre la répression policière début mai, menant finalement à la plus grande grève générale de l’histoire européenne, 10 millions de travailleurs occupant leurs usines et mettant le capitalisme français à genoux. Les films d’actualités de 1968 montrent que les travailleurs réclamaient la révolution, dénonçaient les syndicats pour avoir poussé à finir la grève en échange de concessions salariales et finalement luttèrent contre une répression policière meurtrière visant à forcer les dernières usines à reprendre le travail.

Lantier a également passé en revue le rôle de l’Organisation communiste internationaliste (OCI) alors la section française du CIQI, dans la grève. Alors qu’elle a contribué à déclencher la grève générale dans plusieurs usines clés où elle avait de l’influence, elle l’a fait uniquement dans la perspective d’organiser une grève prolongée, ne se battant pas pour que les travailleurs prennent le pouvoir politique. L’OCI a explicitement rejeté l’appel du CIQI à attaquer le refus du Parti communiste stalinien (PCF) de prendre le pouvoir, pour le démasquer et soulever la question du pouvoir d’État dans la classe ouvrière.

Au lieu de cela, l’OCI a avancé une revendication centriste pour un comité central de grève national avec des syndicats staliniens et sociaux-démocrates, qui a ouvert la voie à sa rupture avec le trotskysme et le CIQI en 1971 et son entrée dans l’orbite du PS, un parti bourgeois.

La grève générale de 1968, enfin, a terrifié les intellectuels petits-bourgeois en France. Leur évolution rapide vers la droite et vers des attaques explicites du marxisme ont façonné le climat intellectuel postmoderne. Lantier a analysé les vantardises des dirigeants étudiants pablistes et maoïstes de 1968 aujourd’hui selon lesquelles ils travaillaient avec le ministère de l’Intérieur pour contrôler les protestations, après que la police eut cessé de fonctionner dans les grandes villes de France. Ces étudiants contre-révolutionnaires, a-t-il noté, ont depuis évolué bien plus loin vers la droite et soutiennent même explicitement les guerres de l’OTAN en Libye et en Syrie.

Lantier a conclu en notant que cette expérience justifiait l'opposition du PES aux prétentions des forces comme le NPA qui disent qu’eux et les syndicats luttent contre Macron. Une lutte révolutionnaire dans la classe ouvrière ne peut éclater qu'en opposition au NPA et à ses alliés politiques et syndicaux, comme en 1968, parce qu'ils sont hostiles à la révolution prolétarienne. La tâche révolutionnaire élémentaire, a-t-il souligné, était de construire le PES et le CIQI comme arme pour combattre leur tentative de détruire les luttes révolutionnaires de la classe ouvrière.

Barbara Slaughter est intervenue pour souligner le caractère international des leçons de la grève générale de 1968 en France ; elle a évoqué les luttes ultérieures dans toute l’Europe comme la grève des mineurs de 1974 en Grande-Bretagne qui a renversé le gouvernement conservateur d’Edward Heath. Elle a rappelé que de larges sections de travailleurs avaient bénéficié d’importantes augmentations salariales tant en Grande-Bretagne qu’en France alors que la classe dirigeante tentait de désamorcer la colère sociale croissante et le sentiment révolutionnaire.

Elle a expliqué également qu’après des décennies de mondialisation à partir des années 1970, non seulement la classe dirigeante n’a pas les ressources ou la capacité de faire de telles concessions, mais la classe ouvrière est aujourd’hui internationale comme jamais auparavant. Les travailleurs à travers l’Europe se mobilisent au moment où les travailleurs français luttent contre Macron, les travailleurs du rail étant en grève en Grande-Bretagne comme en France. Soulignant le rôle contre-révolutionnaire des syndicats et de leurs alliés politiques en France et à l’international, elle a appelé l’assistance à contribuer à la construction du PES et du CIQI.

Cela a été suivi d’une séance de questions-réponses animée. Des membres du public ont demandé quel était le rôle des syndicats français et des descendants de l’OCI dans les luttes contre Macron aujourd’hui, et si les événements de 1968 pouvaient être comparés aux expériences révolutionnaires précédentes en France, puisqu’aucune révolution n’a réellement eu lieu en 1968.

Les membres du PES ont expliqué le rôle des syndicats français, soutenus par les descendants de l’OCI dans le prétendu Parti des travailleurs indépendants démocratique (POID). En appelant à des actions de grève limitées et désunies par différentes sections d’ouvriers contre Macron, tout en acceptant pratiquement toutes ses coupes sociales, ils divisent effectivement la classe ouvrière et la restreignent, tout en aidant Macron à inscrire ses coupes sociales dans la loi. Dans le même temps, ils supervisent une baisse draconienne des niveaux de salaires dus au recours massif au travail temporaire dans les usines.

Les membres du SEP ont également souligné qu’en 1968, le régime de de Gaulle s’est presque effondré et que la classe ouvrière était au bord du pouvoir : le fait qu’il n’y avait pas un parti capable de briser l’opposition stalinienne et de mener la classe ouvrière au pouvoir n’a pas signifié qu’il n’y avait pas de crise révolutionnaire. Cela met simplement en évidence le rôle contre-révolutionnaire du PCF et des diverses forces pablistes et anti-trotskystes.

(Article paru d’abord en anglais le 5 juin 2018)

Loading