Coupé du monde extérieur depuis dix semaines

Un complot est en voie de forcer Assange à quitter l'ambassade équatorienne

Un jour après que la ministre des Affaires étrangères de l’Équateur Marìa Fernanda Espinosa déclarait que son gouvernement continuerait de bloquer les communications du rédacteur en chef de WikiLeaks, Julian Assange, et de lui interdire les visites personnelles, elle a été élue présidente de l'Assemblée générale des Nations unies. Mardi, cela faisait dix semaines que le gouvernement de l’Équateur prive Assange de ses droits, qu'il se devait de respecter après lui avoir offert l'asile dans son ambassade de Londres en 2012.

Espinosa a remporté le vote de l'ONU par une avance confortable de 128 voix contre 62 pour la seule autre nomination, l'ambassadrice à l'ONU du Honduras Mary Elizabeth Flores Flake, et deux abstentions. Le vote suggère que les États-Unis n'ont pas sérieusement manigancé que le Honduras sorte vainqueur. On croit que Washington aurait préféré le Honduras parce que son gouvernement de droite a appuyé l'acte provocateur de déplacer l'ambassade américaine à Israël vers Jérusalem.

Il n'y a aucun doute que le traitement réservé à Assange par le gouvernement de l’Équateur – et derrière celui-ci, l'élite patronale de ce petit pays – fut le résultat de pressions et menaces de la part des États-Unis et d'autres puissances. Washington demande Assange en échange du rétablissement des relations. Le directeur de la CIA Mike Pompeo présentement secrétaire d'État américain, affirmait l'année dernière que WikiLeaks était «une agence d'espionnage non gouvernementale hostile», à cause de sa publication de documents exposant les opérations des services de renseignement des États-Unis.

Assange sert de monnaie d'échange dans de sordides négociations entre l’Équateur et les États-Unis. Le 4 juin, le vice-président Mike Pence a rencontré le président équatorien Lenín Moreno. Dans le cadre de l'intensification de la persécution d'Assange, Pence a favorablement décrit leur discussion «d'opportunités pour renouveler la relation bilatérale» entre deux pays. Avec toute son hypocrisie impérialiste, il a déclaré qu'ils travailleraient ensemble «pour protéger et promouvoir la liberté» et «bâtir la prospérité, la sécurité et la démocratie».

Cette «liberté» n'inclut manifestement pas la liberté d'expression ou de la presse. Cette «démocratie» n'inclut pas le droit d'exposer ou de condamner les crimes de l'impérialisme américain ou d'autres gouvernements capitalistes. La «liberté» orwellienne mise de l'avant par Pence représente la soumission à une minuscule oligarchie financière et patronale qui contrôle la richesse du monde.

La discussion manifestement amicale entre Moreno et Pence, et la victoire d'Espinosa à l'ONU, ont lieu suite aux attaques de Moreno contre les droits démocratiques d'Assange la semaine dernière.

Le 30 mai, Moreno signalait que l’Équateur renoncerait à l'asile politique accordé par le gouvernement précédent au rédacteur en chef de WikiLeaks en 2012. Moreno a déclaré qu’Assange demeurerait dans l'ambassade de Londres uniquement à condition d'accepter une interdiction permanente de «discuter de politique ou d'intervenir dans la politique d'autres pays».

Espinosa déclarait lundi que de telles conditions antidémocratiques n'étaient «pas une question de censure». En fait, Assange a été soumis à un ultimatum inacceptable. À moins qu'il renonce à la mission de WikiLeaks, qui consiste à publier et commenter les révélations de lanceurs d'alertes qui exposent la criminalité gouvernementale et la criminalité patronale à travers le monde, il sera forcé de quitter l'ambassade pour être arrêté et emprisonné par la police britannique sur la base d'une infraction à sa liberté sous caution.

Assange a défié les conditions de sa liberté sous caution en juin 2012 et fait une demande d'asile à l’Équateur parce que sa vie était en danger. Le seul motif derrière les tentatives de l'extrader vers la Suède, sous prétexte qu'il doive répondre à des «questions» dans le cadre d'une enquête sur des accusations d’infractions sexuelles, était de le faire taire pendant que Washington prépare son extradition sur la base d'accusations d'espionnage pouvant entraîner la peine de mort.

Après des années de délai, vers la fin de 2016, la police suédoise et ses procureurs ont accepté l'offre d'Assange d’être «questionné» à Londres. Ceci a été fait avec réticence après une décision rendue par le Groupe de travail de l'ONU sur la détention arbitraire en décembre 2015.

Cette décision déclarait: «Le groupe de travail a jugé que M. Assange a été victime de différentes formes de privation de liberté… la détention était arbitraire parce qu'il a été isolé pendant la première étape de sa détention et à cause du manque de diligence par le procureur suédois dans son enquête, qui a entraîné une détention de longue durée pour M. Assange.»

La décision a conclu que: «Le groupe de travail a également considéré que la détention devrait être terminée et que M. Assange devrait être dédommagé.»

En mai 2017, la Suède a enfin abandonné son enquête. Assange ne pouvait cependant toujours pas quitter l'ambassade, parce que le gouvernement britannique de la première ministre Theresa May insistait qu'il l'emprisonnerait pour avoir enfreint les conditions de sa libération sous caution. De plus, il a refusé de mettre fin à sa détention pendant que sa défense juridique luttait en cour contre une demande d'extradition de la part des États-Unis.

Avec chaque journée qui passe, le danger auquel fait face Julian Assange augmente. Pendant six ans, il a été coincé dans un petit bâtiment sans accès direct à la lumière du jour. On lui a refusé des traitements médicaux et dentaires malgré de sérieux problèmes. À présent, il est menacé de la pression additionnelle l'empêchant de continuer son travail en tant que journaliste, et on lui refuse tout communication ou contact avec le monde extérieur, même avec sa famille.

L'opération vindicative présentement en cours vise à forcer Assange à quitter l'ambassade «volontairement», et créer des conditions dans lesquelles l’Équateur l'expulserait sous prétexte qu'il aurait «transgressé» les conditions.

Des manifestations et vigiles cruciales sont organisées pour défendre Assange. Elles doivent être comprises non pas comme des manifestations passagères, mais comme le renouvellement d'une campagne déterminée pour le libérer, surtout s'il est incarcéré dans une prison britannique où il ferait face à une longue lutte juridique contre l'extradition vers les États-Unis.

Le mouvement nécessaire sera construit dans la lutte la plus déterminée pour mobiliser la force sociale ayant le pouvoir de gagner la liberté d'Assange: la classe ouvrière internationale. Il ne sera pas construit à travers des appels aux organisations ex-libérales et d'ex-gauche et les appareils syndicaux qui se sont alignés avec leurs propres classes dirigeantes et gouvernements.

À travers le monde, des millions de travailleurs entrent dans d'immenses luttes pour leurs droits sociaux et des conditions de vie décentes, l'éducation et la santé, et contre la persécution de réfugiés et d'immigrants, les politiques d'États policiers et la menace de guerre. Ces luttes sont inséparables d'une lutte pour les droits démocratiques, incluant la fin de la censure de l'Internet et la défense de médias libres, critiques et indépendants, tels que WikiLeaks.

Tous les efforts doivent être mobilisés afin de briser le silence imposé par l’establishment médiatique et politique et faire connaître les immenses dangers de la tentative de détruire WikiLeaks et d’emprisonner son rédacteur en chef, ou pire encore.

Nous exhortons une fois de plus les lecteurs du WSWS à se tourner vers les lieux de travail, les usines, les campus, et les écoles pour bâtir la plus grande participation possible aux manifestations et vigiles qui exigent la libération immédiate et inconditionnelle de Julian Assange.

(Article paru en anglais le 6 juin 2018)

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