Les syndicats d’Air France appellent à une grève de quatre jours fin juin

Vendredi, les syndicats d’Air France-KLM ont déposé un préavis de grève pour quatre jours, du 23 au 26 juin. L’appel de la grève intervient après que les salariés ont participé à 15 journées de grève entre le 22 février et le 8 mai, pour revendiquer des augmentations de salaire.

L’appel est la réaction des syndicats à la montée de la colère sociale à Air France. Après avoir rejeté l’accord salarial de la direction en mai, les travailleurs veulent poursuivre leur lutte, et les syndicats s'inquiètent que le mouvement échappe leur contrôle. Mais pour les travailleurs d’Air France, comme pour tous ceux visés par des attaques sociales de Macron et de l’Union européenne, le seul moyen pour aller de l’avant est de déborder les syndicats et de s’organiser indépendamment d’eux, en comités d’action, pour une lutte durable.

En mai, l’intersyndicale et la direction ont organisé un référendum sur l’accord salarial que les syndicats avaient négocié avec la direction, en espérant que les travailleurs voteraient “oui” et permettraient de mettre fin la grève. Le dirigeant de la CFDT, Laurent Berger avait appelé à voter «oui.» Air France avait proposé une augmentation générale de 2 pour cent immédiatement et une hausse de 5 pour cent sur la période 2019-2021, conditionnée aux résultats de la compagnie.

Les salariés ont voté à 55 pour cent pour rejeter la proposition salariale de la direction, qui a eu pour conséquence la démission du PDG Air France-KLM Jean-Marc Janaillac le 4 mai. Le vote a pris l’intersyndicale et la direction de court. Les syndicats ont ensuite poignardé la grève dans le dos, en appelant immédiatement à arrêter la grève pour que Air France puisse sortir du conflit, au prétexte qu’il fallait trouver un autre PDG.

Après la démission de Janaillac, dans une lettre à la direction d’Air France, l’intersyndicale a écrit qu’ «on va faire preuve de responsabilité et qu’on ne va pas appeler à la grève tout de suite». En appelant à de nouvelles négociations après l’installation d’un PDG, même par intérim, l’intersyndicale a précisé: «C’est pour ça que, pour l’instant, il n’y a pas de date prévue de grève».

Mais à présent, les syndicats avertissent la direction qu’ils ne peuvent plus attendre, car ils craignent d’être débordés. Karine Monségu, cosecrétaire générale de la CGT Air France, a dit: “Ça chauffe sur le terrain. Les salariés veulent repartir en guerre. Il faut que la direction comprenne qu’elle ne peut pas faire sans ses salariés.”

En même temps, l’intersyndicale demande à la direction d’être reçue le plus rapidement possible pour entamer une négociation avant que la grève ne démarre.

La direction d’Air France-KLM voudrait présenter le 14 juin des «actions et mesures» aux syndicats lors du comité central d’entreprise. Selon Libération, «elles indiquent que la nouvelle proposition salariale de la direction ne comprendrait qu’une rallonge salariale de 3,65 pour cent payable en trois fois et étalée jusqu'en février.» Comme la dernière convention collective rejetée par les syndicats, c’est bien en-dessous des attentes des travailleurs.

La direction d’Air France compte sur les syndicats pour forcer les travailleurs à accepter l’accord. Dans une lettre aux syndicats, le PDG par intérim Anne-Marie Couderc a écrit, «Des réponses concrètes doivent être apportées … nous devons faire en sorte que les prochaines semaines soient utiles pour répondre aux préoccupations exprimées.»

Les syndicats, terrifiés par la montée de l’opposition des travailleurs, exigent d’être reçus plus rapidement pour tenter de se couvrir en trouvant un nouvel accord réactionnaire à présenter aux travailleurs. «Pourquoi attendre le 14 juin ?», s’est interrogé Philippe Evain, chef du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL). Selon lui, cette attitude «est profondément nuisible pour l’entreprise … Nous assistons à un attentisme coupable.»

Même son de cloche à la CGT, Montségu disait de son côté: «Il y a urgence à ce que nous soyons reçus par la direction.»

La colère sociale et la combativité montent très largement parmi les travailleurs en France et aussi à l’international. Mais la seule façon de mobiliser et de lutter contre l’austérité sociale et salariale est de briser le carcan imposé aux luttes par les appareils syndicaux, avec le soutien de forces politiques petite-bourgeoises telles que Jean-Luc Mélenchon et le Nouveau parti anticapitaliste (NPA). La construction de comités d’action sur les lieux de travail doit servir à ôter le contrôle des luttes aux syndicats, et à unifier les différentes luttes en cours contre Macron.

Air France a vu plusieurs luttes importantes ces dernières années, qui démontrent toutes l’impossibilité pour les travailleurs d’obtenir quoi que ce soit en se fiant aux syndicats. Ces derniers ont tout fait pour casser les luttes, après avoir négocié avec la direction des accords qui entérinaient des pertes de salaire, la destruction d’emplois et la dégradation des conditions de travail.

En 2014, les pilotes d’Air France ont lutté contre les réductions de salaires et des avantages sociaux alors qu’Air France projetait de développer une filiale low-cost Transavia afin de transférer le personnel vers des filiales où les salaires sont inférieurs. Après deux semaines d’une puissante lutte, Air France était asphyxiée financièrement, et les pilots étaient sur le point de remporter une victoire.

C’est précisément à ce moment-là que, terrifiés par la combativité des travailleurs, les syndicats ont soudainement annulé l’action. « Il est de notre devoir de préserver l’avenir de notre entreprise et de panser ses blessures, avant que des dommages irréversibles ne soient causés », avaient déclaré les syndicats dans un communiqué.

Les syndicats n’étaient pas opposés à un effondrement des salaires de leurs membres. Ils craignaient avant tout une victoire de la grève et étaient déterminés à l’empêcher puisqu’elle pouvait nuire aux profits et encourager des grèves plus larges en France et dans les transports aériens en Europe.

C’est un avertissement sérieux pour les travailleurs d’Air France aujourd’hui: les syndicats ne reculeront devant rien pour réimposer une autre version de l’accord rejeté par les travailleurs. Loin de lutter pour les revendications légitimes des travailleurs, ils feront tout leur possible pour transformer une victoire en défaite.

La seule perspective viable est d’oeuvrer pour l’unité des luttes et les développer indépendamment des syndicats. Comme à Air France, les travailleurs d’autres secteurs, y compris l'énergie et la distribution, luttent contre la destruction des emplois et des salaires. Les cheminots luttent contre la réforme à la SNCF qui prévoit la privatisation de la ferroviaire et la casse de leur statut. Ce n’est qu’en unifiant ces luttes contre l’austérité et contre Macron que les travailleurs pourront aller de l’avant et préparer une victoire véritable de la classe ouvrière.

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