L’administration Trump planifie une expansion massive des prisons pour les enfants d’immigrants

L’administration Trump se prépare à augmenter considérablement le nombre d’enfants immigrants détenus séparés de leur famille. Des fonctionnaires ont en effet déclaré au Washington Examiner que l’administration prévoit détenir 30.000 enfants d’ici le mois d’août, à raison de 250 enfants de plus par jour.

Ces propos correspondent aux nouveaux rapports provenant de la frontière. Sœur Norma Pimentel, directrice générale de l’organisation caritative Catholic Charities of the Rio Grande Valley, a déclaré au World Socialist Web Site: «Ils essaient d’augmenter la capacité des villages de tentes pour que personne ne soit libéré. C’est leur objectif, et nous verrons cela probablement très bientôt. D’autres villages de tentes sont apparus à d’autres endroits. J’ai entendu dire qu’il va y en avoir encore plus.»

La secrétaire du département de la Sécurité intérieure (DHS), Kirstjen Nielsen, est revenue de façon inattendue à Washington DC. pour donner une conférence de presse avec des relents de fascisme lundi après-midi, au cours de laquelle elle a dit que les articles faisant état de cruauté étaient des «ouï-dire» et simplement un «discours colporté». Le vrai problème, selon elle, c’est que «la frontière est assaillie par des gens qui n’ont pas le droit de la traverser».

Les enfants sont «bien pris en charge», a-t-elle menti, qualifiant d’«offensant» que des journalistes puissent qualifier sa politique d’inhumaine et ajoutant que la séparation des familles «n’est pas une idée controversée». Plus tôt hier, elle a tweeté que l’opposition à cette politique était le produit de «mauvais journalisme» effectué par des médias et des groupes engagés», un geste selon elle «irresponsable et improductif» et qui «doit cesser».

Trump a réagi à l’opposition croissante à sa politique en diabolisant les parents immigrants dans une série de tweets lundi matin. Dans l’un d’entre eux, il a déclaré: «Les enfants sont utilisés par les pires criminels de la terre comme moyen d’entrer dans notre pays.»

Lors d’une conférence de presse avec des chefs militaires plus tard, Trump a repris le même genre de propos que les néofascistes italiens lorsqu’il a déclaré: «Tant que je serai là, les États-Unis ne deviendront pas un camp de migrants, pas plus que nous ne deviendrons un centre de rétention pour les réfugiés.»

Des centaines de millions de personnes aux États-Unis et à l’échelle internationale voient de plus en plus les États-Unis comme un État paria agissant totalement de façon criminelle en politique étrangère et intérieure.

Le Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies Zeid Ra’ad Al Hussein a dénoncé hier le gouvernement américain dans son rapport mondial sur les droits de l’homme. Citant une déclaration de l’American Association of Pediatrics qui décrit la détention et la séparation des enfants de leurs parents comme de la maltraitance «sanctionnée par le gouvernement», Hussein a déclaré: «L’idée qu’un État puisse chercher à dissuader des parents en maltraitant des enfants de la sorte est inadmissible. J’appelle les États-Unis à mettre fin immédiatement à la pratique de la séparation forcée des enfants.»

De nouveaux détails apparaissent sur le traitement brutal des immigrants dans les installations déjà utilisées. Christina Garcia de Las Americas Immigrant Advocacy Center, a déclaré au WSWS que le gouvernement cache les enfants à leurs parents et leur refuse le droit de communiquer entre eux. «C’est vraiment effrayant de voir que ces centres de détention continuent d’apparaître, a-t-elle dit. Leur but est de les remplir au maximum. Nous ne savons pas non plus quand ces enfants et leurs parents seront libérés. Cela peut prendre des mois. Nous avons des cas où les mères ne savent pas où sont leurs enfants depuis des semaines.»

Ruben Garcia, qui dirige la Maison de l’Annonciation, un organisme à but non lucratif d’El Paso, au Texas, a déclaré au WSWS: «Nous aidons une mère ici qui a un fils de 14 ans. Elle fait l’objet de poursuites pour avoir traversé la frontière. Son fils lui a été enlevé.»

Ruben dit qu’il a fallu des mois à la mère pour obtenir sa caution et être libérée de sa détention au Texas. Son fils pour sa part a été envoyé en détention à Chicago. «Le fils était en colère, explique Ruben. Il n’a jamais su ce qui se passait. Le gouvernement ne lui a jamais dit s’il reverrait sa mère. Elle ne pouvait pas l’appeler, pas plus qu’il ne pouvait l’appeler.»

Ruben fait également remarquer que les immigrants se voient régulièrement refuser le droit de déposer une demande d’asile. «Ils refusent même aux gens la possibilité de déposer une demande d’asile. J’ai un père avec un fils de 16 ans qui fuit la violence. Ils ont tenté à trois reprises de se présenter à un point d’entrée et ont été refoulés. Les services frontaliers du Customs and Border Protection (CBP) fonctionnent comme s’ils relevaient d’un système de lois à part.»

Christina Garcia a partagé l’histoire similaire d’une mère qui a été séparée de son enfant toute une année. «Le véritable cauchemar, en plus de voir sa famille séparée, c’est qu’on refuse l’asile aux demandeurs d’asile. On dit qu’il s’agit d’une nouvelle politique venant d’en haut pour empêcher les gens de demander l’asile.»

La ministre Nielsen ment de façon éhontée lorsqu’elle déclare comme lundi en conférence de presse que les articles selon lesquels il y aurait des refus d’asile sont «faux».

Des photos, des enregistrements audio et vidéo qui ont été diffusés en fin de semaine sont venus faire croitre les sentiments populaires de honte et d’horreur face à la détention d’enfants qui sont mis dans des cages. Une image montrait notamment un jeune enfant portant le numéro «47».

Dans une bande audio sortie secrètement d’un centre de détention, des gardes-frontières peuvent être entendus en train de se moquer des enfants en criant «maman» et «papa» et «s’il vous plaît, ne déportez pas mon père».

Un autre rapport fait état d’un enfant de quatre ans qui a été laissé par des gardes avec une couche sale. Incapable de changer la couche elle-même, l’enfant a demandé à des enfants plus âgés de le faire pour elle.

Le DHS et le Department of Health and Human Services qui est le département de la Santé et des Services sociaux américain, ont publié des photos et des vidéos très sélectives de l’intérieur des prisons d’immigration pour enfants, croyant manifestement que leurs photos (qui ne représentent que des garçons plus âgés) prises dans les installations les plus propres apaiseraient les tensions. Mais ce plan s’est carrément retourné contre eux alors que des millions de personnes ont réagi avec dégoût en voyant les images «officielles» montrant des dizaines d’enfants blottis dans des cages sous des couvertures d’urgence.

Plusieurs indices montrent qu’une explosion d’opposition pourrait se profiler à l’horizon. Un sondage Quinnipiac publié lundi a révélé que 66 % des Américains s’opposent à la politique de séparation des familles, alors que seulement 17 % croient que l’immigration devrait être diminuée. Le pourcentage de personnes qui croient que les immigrants ne devraient pas être autorisés à rester aux États-Unis a diminué de près de moitié depuis 2014, passant de 35 % à 19 %.

Des manifestations spontanées ont éclaté dans des dizaines de villes, la plupart non organisées par des groupes du Parti démocrate. De petits groupes de personnes ont commencé à se rendre en voiture au centre de détention le plus proche pour protester. Dans au moins une région, l’organisation «Women’s March» (Marche des femmes), soutenue par le Parti démocrate, a organisé des manifestations en même temps que les manifestations spontanées dans le but de prévenir les manifestations populaires.

Le Parti démocrate est pétrifié par la perspective de voir apparaitre des manifestations de masse et a dépêché un certain nombre de membres du Congrès pour empêcher celles-ci en organisant des protestations symboliques contre la politique de l’administration Trump. Hillary Clinton et Michelle Obama, dont les maris sont tous deux à blâmer pour avoir eux-mêmes séparé des millions de famille lors de déportations de masse, ont lancé des appels cyniques aux côtés de Laura Bush afin que Trump mette fin aux séparations forcées. Quatorze membres du Congrès démocrate se sont réunis dans un établissement du sud de la Californie pour qualifier la séparation des familles de «déraisonnable».

Les démocrates espèrent couvrir leur propre rôle actif dans la mise en place de ces camps d’internement pour immigrants à travers le pays où sont détenus des milliers d’enfants, y compris des milliers qui sont séparés de leurs parents. La plupart des camps où des enfants sont actuellement détenus ont été construits par Barack Obama, entre autres les grands centres de Dilley et de Karnes City, au Texas. Le mois dernier, un rapport de l’American Civil Liberties Union a décrit en détail les violences physiques, sexuelles et mentales très répandues qui ont été subies par ces enfants détenus par Customs and Border Protection du temps d’Obama.

Rien que de la mi-2014 à la mi-2016, Obama a fait arrêter 127.000 «unités familiales», pour reprendre le jargon du gouvernement, c’est-à-dire des parents et leurs enfants. En 2009, le secrétaire du DHS sous l’administration Obama, Jeh Johnson, avait déclaré devant un comité sénatorial qu’il mettait en œuvre un «processus d’expulsion rapide» et qu’«il y a des adultes qui amènent leurs enfants avec eux. Encore une fois, notre message à ce groupe est simple: nous allons vous renvoyer.»

Un article du Washington Post d’août 2016 intitulé «Inside the [Obama] administration’s $1 milliard deal to detain Central American asylum seekers» (Les dessous de l’entente d’un milliard de dollars de l’administration Obama pour détenir les demandeurs d’asile latino-américains) disait: «Selon les législateurs et les responsables de l’administration, Johnson a déterminé que les États-Unis ne pourraient réduire l’afflux de demandeurs d’asile qu’en démontrant que les demandeurs d’asile n’auraient aucune possibilité d’être acceptés. Johnson a obtenu l’approbation de la Maison-Blanche pour explorer la possibilité d’augmenter la détention familiale pour les demandeurs d’asile à une échelle jamais vue auparavant aux États-Unis, dans le cadre de ce qu’il a appelé une «stratégie de dissuasion agressive». Il a ordonné au service d’immigration et des douanes américain, l’Immigration and Customs Enforcement (ICE), de trouver un moyen de faire en sorte que cela fonctionne.

«Toute l’affaire était en train de grossir et d’atteindre un niveau insoutenable, a déclaré Christian Marrone, alors chef de cabinet de Johnson. Nous avons dû prendre des mesures pour endiguer la marée.»

Trump a maintenant étendu cette politique à un niveau qualitativement nouveau de brutalité. Toute manifestation pour la défense des immigrés doit avoir lieu indépendamment des démocrates et des républicains et en opposition à ces deux partis responsables du règne de terreur qui leur est imposé.

(Article paru en anglais le 19 juin 2018)

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