Des émeutes éclatent à Nantes après le meurtre d’un jeune par la police

Hier soir, des émeutes ont éclaté dans plusieurs banlieues de Nantes après l’assassinat d’un jeune homme de 22 ans par les CRS. De multiples témoins du meurtre, dont des journalistes ont témoigné que les CRS l’ont froidement abattu au volant de sa voiture alors qu’il ne représentait aucun danger. Toutefois, Facebook est en train de censurer les vidéos que les témoins de l’assassinat essayent de mettre en ligne, et l’État diffuse un récit totalement contraire du drame.

Selon la Direction départementale de la Sécurité publique (DDSP), l’identité de l’automobiliste n’étant « pas claire, les CRS ont reçu pour ordre de ramener le conducteur » au commissariat puis lui ont tiré dessus après qu’il aurait fait marche arrière et heurté un CRS avec sa voiture. Sa famille habiterait en région parisienne, dans le Val d’Oise, et il aurait de la famille à Nantes.

De multiples témoins contestent formellement le récit de la police. Selon Kamel, un témoin qui habite le quartier du Breil où le jeune homme a trouvé la mort, la victime « a juste voulu échapper au contrôle, et le policier a tiré sans aucune raison. Il n’y avait pas de menace. Il a juste fait marche arrière, mais il n’y avait pas de flic derrière la voiture. J’y étais, j’ai vu. Il y a même une personne qui a filmé toute la scène, qui l’a mise sur Facebook, mais on lui a effacé sa vidéo. »

Europe1 a retrouvé Ahmed, qui avait filmé les faits et a pu regarder la vidéo réalisée par lui. Ces informations confirment le récit de Kamel. Ahmed a dit que les flics « étaient en train de contrôler le jeune homme, ils voulaient le ramener avec eux. Il a reculé, simplement ! Au même moment, ils ont tiré sur lui au niveau de la gorge. »

Ahmed a ajouté que l’homme aurait pu avoir la vie sauve si les policiers n’avaient pas attendu pour appeler le Samu : « Ce sont des professionnels, ils auraient pu taser le jeune homme. On le tase, on tire sur les pneus, on utilise tous les moyens pour ne pas le tuer, pour éviter ça ! C’est une bavure, ils sont responsables ! C’est à eux de nous protéger et ils tuent nos enfants. »

A Nantes, la journaliste indépendante Marion Lopez a tourné une vidéo affichée sur Twitter d’un témoin qui confirme ces récits et décrit une exécution extrajudiciaire glaçante du jeune homme : « Il essayait juste de faire une marche arrière. Ils l’ont tamponné contre le mur. [Le jeune homme] était déjà immobile, il ne pouvait rien faire d’autre. Le policier est arrivé, il lui a tiré dessus à bout portant. »

Le témoin a confirmé que la victime n’avait pas percuté de policier et souligné le refus des CRS d’appeler à l’aide : « Les CRS n’ont même pas cherché à l’assister, à lui apporter les premiers soins. Il y a juste une policière qui a mis ses mains pour l’aider. Le policier nous a dit « Appelez l’ambulance pour qu’on puisse le secourir », mais ce n’est pas à nous de faire ça. Les pompiers sont venus au bout de 10-15 minutes. [Les CRS] nous disaient qu’il n’était pas mort, alors que moi j’ai vu, j’ai essayé de le réanimer. J’ai tout essayé mais il a perdu la vie devant moi. »

Peu après sa mort, des émeutes ont éclaté contre les forces de l’ordre dans plusieurs quartiers, au Breil, à Malakoff et aux Dervallières. Des centaines de policiers les ont quadrillés et réprimé les manifestants avec des grenades et des tirs de gaz lacrymogène.

Aujourd’hui Les Dervallières étaient toujours quadrillées par la police. Les habitants auraient incendié la mairie annexe et la Maison de la justice et du droit, ainsi que le pôle médical et la bibliothèque situés dans le même bâtiment et plusieurs commerces.

Après l’appel au calme de la maire de Nantes vers 2h ce matin, le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb a défendu les forces de l’ordre a condamné « avec la plus grande fermeté » les émeutes. Il a menacé de prolonger indéfiniment le quadrillage de la ville : « Tous les moyens nécessaires sont actuellement mobilisés, et le seront le temps qu’il faudra, pour apaiser la situation et prévenir tout nouvel incident. »

C’est une déclaration sans ambiguïté que le gouvernement Macron-Philippe approuve de l’action de la police, et que l’enquête diligentée par l’État que vont relayer les grands médias aura pour but d’apaiser la situation en censurant les témoignages de ce qui s’est passé à Nantes.

Ces témoignages dévoilent toutefois une réalité politique extrêmement dangereuse pour les masses de travailleurs en France et à travers l’Europe. Alors que Berlin et Paris s’alignent sur les gouvernements d’extrême-droite en Italie et en Autriche qui veulent une politique ultra-répressive contre les réfugiés, Collomb et Macron donnent un feu vert aux CRS pour attaquer les quartiers populaires et immigrés.

Trois ans après l’imposition de l’état d’urgence, les structures et à présent les pratiques d’un État policier apparaissent de plus en plus nettement au grand jour.

Alors que la colère sociale monte contre le « président des riches » et l’austérité, Macron réagit par la terreur policière. L’Union européenne menace d’emprisonner des centaines de milliers de réfugiés dans un vaste réseau de camps d’internement, qui pourrait s’étendre de la Libye jusqu’en Tunisie, en Albanie, en Grèce ou en Italie. En même temps, les CRS lancent un signe sans ambiguïté aux Français : la désobéissance au diktat des forces de l’ordre est passible de la peine de mort.

Les témoignages des journalistes et des habitants de Nantes, selon lesquels Facebook bloque les vidéos de l’exécution de la victime soulève les questions politiques les plus sérieuses.

Comme l’a relevé le WSWS, le principal but de la censure d’Internet opérée par les réseaux sociaux à la demande des gouvernements est de bloquer le mécontentement social et les manifestations. En 2017, au Congrès américain, les représentants ont exigé de Google et de Facebook qu’ils agissent contre des ennemis qui, selon le représentant Adam Schiff, « mobilisent de vrais Américains avec des pétitions en ligne pour rejoindre des rassemblements et des manifestations. » Il s’est plaint des « divisions grandissantes de notre société. »

La question est posée : est-ce que les vidéos enlevées de Facebook l’ont été sur ordre d’un haut responsable, français ou autre, dans le but d’obtenir le calme en bloquant la dissémination des informations et bloquant par là-même une enquête impartiale sur cet homicide policier à Nantes ?

Avant tout, ce meurtre est la conséquence de l’encouragement, par les plus hauts sommets de l’État, d’une politique de meurtres extrajudiciaires. En 2016, c’était le président de la République en personne, François Hollande à l’époque, qui s’est targué du fait qu’il avait donné l’ordre d’assassiner des Français suspectés de préparer des attentats.

Ces « opérations Homos », pour homicide, ont fait l’objet d’une couverture largement complaisante dans les médias, alors qu’elles violent délibérément l’interdiction de la peine de mort inscrite dans la constitution française.

Des mesures permettant un recours plus rapide aux armes de la part des policiers, imposées sous l’état d’urgence au nom d’une répression plus efficace des attentats, ont aussi encouragé une envolée de violences policières. Après l’adoption en février 2017 d’un dispositif permettant aux policiers de tirer sur des chauffeurs de véhicules qui, selon eux, pourraient porter atteinte à la vie d’autrui, les forces de l’ordre ont eu recours 394 fois aux armes a feu en 2017. C’était une hausse de 54 pour cent sur 2016, selon l’Inspection générale de la police nationale (IGPN).

Seule une enquête impartiale et indépendante pourra attribuer légitimement les responsabilités pénales et politiques dans le meurtre perpétré hier à Nantes.

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