A Versailles, Macron donne sa feuille de route pour une économie de guerre

Hier, devant les deux chambres du parlement réunies à Versailles, Emmanuel Macron a annoncé une escalade majeure des dépenses militaires, financée par des attaques sociales contre les travailleurs. Un an après son élection, où on l‘avait présenté comme le défenseur de la démocratie contre Le Pen, il fait une politique d‘extrême droite de militarisme, de destruction des libertés civiles et de casse radicale des acquis de la classe ouvrière.

Dans les jours précédant son discours, la presse exprimait son inquiétude face à la montée de la colère sociale. «La patience des Français a atteint sa limite», déclarait RTL, qui rappelait un sondage Elabe selon lequel trois quarts des Français trouvaient sa politique «injuste» et 65 pour cent «inefficace.» Lundi matin, Europe1 prédisait que le discours de Macron correspondrait «peu... à l’attente de l’opinion» et rappelait le «dévissage» de Macron dans les sondages. Après une chute de 14 points chez les retraités, sa cote de popularité est à 34 pour cent.

Alors qu’un autre sondage trouve que 55 pour cent des Français craignent la pauvreté, dont plus de 60 pour cent des Français en âge de travailler, de nombreux députés n’ont pas osé se rendre à Versailles pour un discours qui a coûté un demi-million d’euros au contribuable. Un député LR, Fabien di Filippo a expliqué sa décision de boycotter le discours en disant, «c’est juste de la communication politique à 500.000 euros. Par respect, je n’irai pas.»

Face à ces inquiétudes dans la classe dirigeante, Macron a réaffirmé, après avoir battu sa coulpe en disant «je sais que je ne peux pas tout, je sais que je ne réussis pas tout», qu’il maintiendrait son cours.

Il a brièvement évoqué le contexte international explosif, avec la montée des conflits au Moyen Orient et l’effondrement des relations avec Washington, et le danger d’une guerre à large échelle. En passant, il a remarqué que les Français ont de plus en plus «peur des grands changements, du fracas du monde: les tensions avec l’Iran, la guerre commerciale lancée par les Etats-Unis, les divisions de l’Europe.»

Mais la seule solution proposée par Macron au cours de son intervention était de casser les acquis sociaux des Français afin d’armer l’impérialisme français et le préparer à la guerre. Il a applaudi le parlement, qui impose toutes ses réformes depuis un an: «Vous avez rendu à la France ses capacités militaires à travers une loi de programmation d’une ambition nouvelle et inédite. Vous avez levé les blocages du marché du travail créés par un Code devenu obsolète et inadapté.»

Macron a lié dès le début les attaques contre les acquis sociaux à son projet militariste. «Le projet de la France pour notre Europe en danger et pour le monde... nous impose d’être forts. C’est pourquoi nous savons qu’il nous faut redresser notre économie… C’est pourquoi il nous faut la meilleure armée, les meilleurs systèmes de défense possibles.» Il a réaffirmé la réintroduction du service militaire obligatoire pour les jeunes, hommes et femmes.

Puis il a expliqué comment il entendait atteler l’économie capitaliste française à son projet militariste : en attirant l’investissement étranger en France et en mettant à la disposition du capital international une classe ouvrière réduite au statut de main d’œuvre qualifiée à bon marché. Il a insisté pour adapter éducation et formation à cet agenda.

Il a insisté qu’il voulait totalement subordonner les services publics et sociaux en France au but de maximiser les profits des riches et le réarmement de la France. Il «n’y a pas d’un côté une action économique et de l’autre une action sociale, c’est … la même finalité: être plus forts pour pouvoir être plus justes», a-t-il dit.

Macron a déployé toute son arrogance d’ex-banquier de Rothschild qui a dénoncé le «pognon de dingue» dépensé en France sur les aides sociales, pour exiger une politique d’austérité à outrance. Il a insisté qu’il ne pouvait y avoir de libération de l’investissement «sans un ralentissement de la hausse continue de nos dépenses », et qu’il fallait «des choix forts et courageux.» Il a défendu sans vergogne la suppression de l’Impôt sur la fortune, en prétendant que «la taxe à 75 pour cent n’a pas créé d’emplois ni amélioré la condition de qui que ce soit en France».

Il a accompagné son agenda de militarisme et d’austérité d’une politique sécuritaire de répression de la classe ouvrière et de la jeunesse. Il a précisé que «la sécurité est le premier pilier» de l’ordre «républicain» et évoqué le mantra de la «lutte contre le terrorisme».

Il a annoncé le renforcement des forces de police dans les banlieues ouvrières qu’il a assimilées à des zones de non-droit: «La police de sécurité du quotidien reconstitue cette proximité de la population et de la police qui donne un visage à l'autorité et qui conjure le sentiment d'abandon ou d'oubli de populations livrées à des lois qui ne sont plus celles de la République.» Il a rendu un hommage vibrant à la police et remercié le parlement d’avoir «commencé à donner de nouveaux moyens à nos forces de l'ordre».

Macron a repris le thème ultra-réactionnaire de la lutte contre l’«immigration illégale», cher au RN, au nom de l’«ordre républicain» qui imposerait «des règles précises à ceux qui, pour des raisons économiques, quittent leur pays pour rejoindre le nôtre», et qui selon lui n’ont pas le droit d’asile. Il a repris la politique de l’UE, qui repousse les réfugiés aux frontières de l‘Europe en les laissant se noyer en Méditerranée, en les internant, en les faisant mourir dans le désert, ou en les enfermant dans des camps de concentration en Europe, privés de tous les droits.

Il a précisé à la fin de son discours qu’ainsi, «la France a les moyens de devenir de nouveau une puissance du XXIème siècle».

Son discours fut accueilli par les longs applaudissements des parlementaires qui se sont tous levés pour saluer sa prestation.

Mais l’enthousiasme des parlementaires pour son militarisme répressif, qui le distingue à peine des néo-fascistes français, n’est pas partagé par les travailleurs. La force qui va émerger en tant qu’opposition à la conversion de la France en régime militariste et autoritaire sera la classe ouvrière. Pour s’opposer aux mesures d’austérité que veut imposer Macron, elle ne trouvera d’autre issue que de mener une lutte contre la poussée des puissances impérialistes, dont la France, vers la guerre.

Ce discours d’extrême-droite prononcé par Macron, qui ne fait finalement qu’exposer les grandes lignes de la politique de toutes les principales puissances européennes, donne raison aux positions du Parti de l’égalité socialiste (PES) pendant l’élection présidentielle de 2017. Le PES avait entièrement raison d‘avertir entre les deux tours que Macron ne représentait pas un moindre mal par rapport à Le Pen. Le mot d’ordre du PES pour lancer un boycott actif du second tour de la présidentielle était le seul moyen d’assurer l’indépendance politique de la classe ouvrière.

Le NPA et Mélenchon qui ne voulaient pas affronter Macron, ont préconisé directement ou indirectement son élection et se sont fait les complices de sa politique. Ils ont fait alliance avec les syndicats qui ont accompagné sa destruction du statut des cheminots et la privatisation de la SNCF.

Dans la lutte contre Macron les comités d‘action avancés par le PES sont essentiels pour assurer l’indépendance des travailleurs et une action de classe au niveau international en s‘appuyant sur un programme internationaliste et socialiste. Ce sont eux qui doivent mener la lutte contre la politique fascisante de la bourgeoisie en France et à travers l’Europe.

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