Perspectives

Grandes manifestations contre la visite de Trump au Royaume-Uni

Les manifestations énormes à Londres et ailleurs au Royaume-Uni hier étaient une vague de colère et de répulsion contre le président américain Donald Trump.

Les organisateurs estimaient qu’un quart de million de personnes ont inondé Trafalgar Square et les rues avoisinantes. La police en avoue plus de 100 000 personnes. Des dizaines de milliers de gens ont également protesté dans des grandes villes comme Manchester, Sheffield et Glasgow.

Ce fut la première opportunité pour les travailleurs européens d’exprimer leur point de vue sur le président américain, après une semaine de menaces de guerre commerciale contre les puissances européennes et d’exigences qu’ils accélèrent leur propre réarmement.

Et bien que les dirigeants européens aient déploré leur fierté blessée par les insultes de Trump tout en cherchant à maintenir des relations de travail, les manifestations au Royaume-Uni prouvent que des millions et des millions de travailleurs méprisent Trump et tout ce qu’il représente – l’enrichissement des milliardaires, l’éviscération de la protection sociale, le racisme anti-immigrés et anti-musulmans et le bellicisme éhonté.

Il ne fait aucun doute que le voyage de Trump en Europe fut un élément qui a galvanisé les manifestations de vendredi, y compris sa diatribe xénophobe dans le Sun contre les immigrés et l’immigration qui détruiraient la culture britannique et européenne.

La Première ministre Theresa May a invité Trump à rendre visite au Royaume-Uni, malgré le fait que plus d’un million de personnes aient signé une pétition d’opposition à sa visite. Elle espérait obtenir son soutien pour un d’accord commercial post-Brexit avec les États-Unis, en promettant au président au Palais de Blenheim « l’opportunité d’abattre les barrières bureaucratiques qui frustrent les chefs d’entreprise des deux côtés de l’Atlantique. »

Au lieu de cela, dans les pages du Sun Trump l’a traitée avec un mépris flagrant pour avoir osé rechercher une relation continue avec l’Union européenne, il l’a brutalisée publiquement comme il l’avait fait avec la chancelière allemande Angela Merkel. Pendant ce temps, son chien d’attaque fasciste, Steve Bannon, organisait des réunions avec des personnalités d’extrême droite à son hôtel de Mayfair afin d’avancer la dissolution de l’UE.

Mais les protestations à l’échelle nationale n’ont donné qu’une expression partielle de l’opposition à Trump. Il s’est plaint du fait il ne se sentait pas le bienvenu à Londres. Mais, si quelqu’un avait appelé à des grèves ou à des boycotts contre sa visite, il se serait fait envoyer promener.

Personne n’a lancé un tel appel – ni les syndicats, ni le chef du parti travailliste, Jeremy Corbyn.

Corbyn a parlé à Trafalgar Square, a donné des interviews de presse et a fait une vidéo fustigeant Trump pour ses abus contre les immigrants et ses attaques contre les droits de l’homme. Mais il a pris soin de déclarer : « Nous sommes engagés dans le dialogue, y compris bien sûr avec ceux avec qui nous sommes fortement en désaccord et étant au gouvernement, nous trouverions un moyen de travailler avec son gouvenrement tout en défendant nos valeurs.

Que signifie une telle déclaration ? Que, au pouvoir, le Parti travailliste chercherait à travailler avec Trump parce qu’il représente l’impérialisme américain. Et à la tête d’un gouvernement qui représente l’impérialisme britannique, Corbyn maintiendrait également les missiles nucléaires britanniques et collaborerait activement avec les impérialistes américains et européens au sein de l’OTAN.

Le caractère de l’opposition affichée de l’establishment politique à Trump a été énoncé dans l’éditorial du Guardian. Il soutient les manifestations et il compare le voyage de Trump à la première visite d’un président américain en Europe, Woodrow Wilson, à la suite de la Première Guerre mondiale, « pour faire la paix en Europe ravagée par la guerre et diriger la construction d’un ordre international libéral basé sur les lois et des droits. » Mais il l’a fait sans proposer aucune explication à l’accession à la présidence de Trump et en insistant pour dire que les puissances européennes continuent à représenter un phare pour ces mêmes valeurs.

« L’Amérique de M. Trump ne peut plus être considéré avec certitude comme une alliée fiable pour les pays européens qui sont voués à la défense de la démocratie libérale », a-t-il déclaré, alors que le chroniqueur Jonathan Freedland a insisté pour dire que les Britanniques « ont besoin de choisir notre position sur ce qui émerge comme définissant la fracture globale [avec l’UE ou] avec le monde de Poutine, Viktor Orbán et Trump […] dans lequel vous baisez ou vous vous faites baiser ».

Il y a un fossé politique entre ces apologistes des puissances impérialistes britanniques et européennes et la grande masse des travailleurs et des jeunes. Les gouvernements européens leur ont imposé une austérité brutale et ils ont vu qui éviscérait les libertés démocratiques et présidait collectivement au traitement des réfugiés tout aussi brutal que celui de Trump, tout en se vantant de leurs propres programmes de réarmement, et en se tournant vers le militarisme.

La puanteur du fascisme qui planait sur Trump et ses attaques de mafioso contre May et d’autres leaders européens n’est pas une question de personnalité aberrante. Au contraire, sa grossièreté et sa brutalité sont l’incarnation de toutes les caractéristiques violentes de l’impérialisme américain à l’époque de son déclin.

Qu’ils soient dirigés par Trump et les Républicains, ou par Hilary Clinton et les Démocrates, les États-Unis ne reculeront devant rien pour préserver leur domination politique, économique et militaire mondiale. En effet, l’ascension de Trump au pouvoir confirme la prescience de Léon Trotsky quand il insistait sur l’idée qu’« En période de crise, l’hégémonie des États-Unis se fera sentir plus complètement, plus ouvertement, plus impitoyablement que durant la période de croissance. »

Il y a cent ans, en 1918, le président Woodrow Wilson est venu en Europe, brandissant ses « Quatorze points » et se présentant, lui et l’Amérique comme sauveurs de « la démocratie, la fraternité universelle et la paix ». Les prétentions de Wilson comprenaient une bonne dose de tromperie et d’hypocrisie, mais l’ascension de l’impérialisme américain a doté les proclamations du président d’une certaine crédibilité. Wilson, un ancien président d’université, était même capable d’articuler les ambitions de l’impérialisme américain avec une éloquence considérable.

Mais un siècle plus tard, la figure grotesque de Trump marche pesamment à travers l’Europe, menaçant tout le monde avec des « offres que l’on ne peut refuser ». Les différences d’apparence, de culture, de comportement et de langage reflètent différentes étapes de la trajectoire historique de l’impérialisme américain. Wilson représentait l’ascension des États-Unis. Trump personnifie leur descente et leur putréfaction.

Les mêmes processus – l’aggravation de la crise économique du capitalisme mondial, la lutte féroce pour contrôler les marchés et les ressources du monde – poussent aussi les puissances européennes à répliquer sur le même mode au défi américain. Surtout Trump, May, Merkel, Macron et les autres partagent la même hostilité de base envers la classe ouvrière, qui doit être contrainte à payer pour la guerre commerciale et militaire par la destruction de ses emplois et de ses conditions de vie.

Un véritable mouvement contre la promotion des inégalités sociales, du nationalisme, de la xénophobie, du militarisme et de la guerre qui est maintenant associée au nom Donald J. Trump requiert l’unification de la classe ouvrière britannique, européenne, américaine et internationale contre l’ordre mondial impérialiste et tous ses gouvernements. Cela signifie la construction d’une nouvelle direction pour avancer la lutte pour une réponse socialiste fondée sur l’égalité, l’internationalisme et la paix.

(Article paru en anglais le 14 juillet 2018)

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