Les tensions sur la Syrie s’aggravent après le sommet d’Helsinki

Au milieu des dénonciations hystériques du président Donald Trump par les médias américains, les démocrates et les républicains, et celles des porte-parole de l’appareil de renseignement américain pour son refus d’accuser Vladimir Poutine d’ingérence dans les élections de 2016, le sommet d’Helsinki était célébré dans au moins un endroit.

Le gouvernement du président Benjamin Netanyahu et la presse israélienne ont salué les déclarations de Trump et de Poutine à l’appui de la sécurité et des intérêts israéliens en Syrie comme un triomphe diplomatique.

Au cours de leur conférence de presse conjointe, Trump et Poutine, représentant des gouvernements qui ont soutenu des côtés opposés dans la guerre sanglante de sept ans soutenue par les États-Unis pour le changement de régime, ont exprimé leur engagement envers la sécurité d’Israël et ses intérêts dans le conflit syrien.

Se vanta, t qu’aucun gouvernement américain n’a jamais eu des relations aussi étroites avec le gouvernement israélien que son Administration, Trump a continué : « Le président Poutine aide également Israël. Et nous avons tous deux parlé avec Bibi Netanyahu, et ils aimeraient faire certaines choses concernant la Syrie en rapport avec la sécurité d’Israël. Donc, à cet égard, nous aimerions absolument travailler pour aider Israël, et Israël travaillera avec nous. Donc les deux pays travailleraient ensemble. »

Pour sa part, Poutine a déclaré que lui et Trump avaient accordé une « attention particulière » à la question lors de leurs entretiens en tête-à-tête, ajoutant que : « l’écrasement des terroristes » dans le sud-ouest de la Syrie « doit être imposé avec le plein respect du Traité de 1974 sur la […] séparation des forces d’Israël et de la Syrie. Cela apportera la paix sur les hauteurs du Golan et apportera une relation plus pacifique entre la Syrie et Israël, et aussi pour assurer la sécurité de l’État d’Israël. »

Netanyahu s’était rendu à Moscou à la veille de la réunion de Trump-Poutine à Helsinki, apparemment pressant Moscou de réduire la présence des forces soutenues par l’Iran en Syrie et particulièrement dans le sud du pays près de la frontière israélienne.

L’appel de Poutine à l’accord de cessez-le-feu qui a mis fin à la guerre israélo-arabe de 1973, laissant la majeure partie des hauteurs du Golan sous occupation israélienne tout en créant une zone démilitarisée surveillée par l’ONU, semblait viser les exigences d’Israël.

Israël a mené une campagne militaire de plus en plus agressive visant ostensiblement des sites liés à l’Iran en Syrie. Un tir de missile dimanche soir a coûté la vie à au moins 22 personnes sur la base aérienne d’al-Nayrab près de la ville syrienne d’Alep. Neuf des morts seraient des citoyens iraniens. La frappe, la troisième attribuée à Israël pendant à peine une semaine, s’est produite beaucoup plus au nord que les attaques précédentes.

Si Moscou et Téhéran ont fourni une aide militaire au gouvernement syrien du président Bachar al-Assad contre les milices liées à Al-Qaïda qui ont été armées et financées par les puissances américaines et autres puissances occidentales, avec l’Arabie Saoudite, la Turquie et le Qatar, les intérêts iraniens ne sont en aucun cas identiques. Et c’est clair qu’Israël doit avoir un certain niveau de coordination avec la Russie pour mener ses attaques en Syrie afin d’éviter les systèmes de défense aérienne russes.

Le quotidien gouvernemental syrien Al Watan a publié lundi une chronique affirmant que « les priorités des dirigeants syriens pourraient être différentes de celles de leurs alliés iraniens et russes. Ce n’est plus de secret qu’il y a eu un désaccord entre la Russie et l’Iran sur les priorités de la Syrie. C’était grave à un moment donné […] À la fin, les deux parties ont accepté de laisser l’opinion des dirigeants syriens être l’arbitre. »

En même temps, ni Washington ni Tel-Aviv ne se sont opposés à la campagne du gouvernement syrien soutenue par la Russie pour reprendre le contrôle du le sud de la Syrie aux « rebelles », y compris dans la province de Daraa qui était auparavant déclarée zone de cessez-le-feu.

Il ne fait aucun doute que la principale raison de la rencontre de Trump avec Poutine était une tentative de Washington d’assurer la collaboration russe dans la campagne américaine contre l’Iran à travers le Moyen-Orient.

Poutine a défendu l’accord nucléaire iranien dans ses remarques, tandis que Trump a déclaré qu’il avait souligné avec Poutine « l’importance de faire pression sur l’Iran pour qu’il mette fin à ses ambitions nucléaires, et arrêter sa campagne de violence dans toute la région ».

Trump a également déclaré que Washington « ne permettra pas à l’Iran de bénéficier de notre campagne réussie contre l’État islamique ».

Cette déclaration semble indiquer que les troupes américaines resteront déployées en Syrie, malgré la suggestion de Trump en avril qu’elles seraient retirées après la défaite de l’État islamique.

Cette position a été rendue explicite par le conseiller à la sécurité nationale de Trump, John Bolton, à la veille du sommet d’Helsinki dans un entretien accordé à ABC News. « Je pense que le président a clairement fait savoir que nous sommes là jusqu’à ce que le califat territorial de l’État islamique soit levé et tant que la menace iranienne continue à travers le Moyen-Orient », a-t-il dit.

Quelque 2200 soldats américains sont déployés en Syrie, ayant établi une série de bases dans la partie orientale du pays, où ils entraînent des milices antigouvernementales et refusent à Damas l’accès aux champs de pétrole et de gaz syriens.

Des personnalités du Parti démocrate et des militaires et des services de renseignement dénoncent toute collaboration avec la Russie en tant que trahison des intérêts impérialistes américains et de l’objectif initial de Washington de renverser le gouvernement de Bachar al-Assad et d’instaurer un régime fantoche américain plus souple.

C’était le sens d’une déclaration commune publiée le jour du sommet d’Helsinki par les membres des commissions des relations extérieures du Sénat et de la Chambre, Bob Menendez et Eliot Engel, qui exhortait que Trump « rejette toutes les demandes russes vis-à-vis de la Syrie » en insistant que : « Si Assad reste en Syrie, la lutte contre l’État islamique et d’autres groupes extrémistes ne cessera jamais ».

Pendant ce temps, les groupes de réflexion de Washington ayant des liens étroits avec le Pentagone et la CIA ont publié des déclarations avant la réunion d’Helsinki, exigeant une escalade de l’intervention américaine en Syrie.

Jennifer Cafarella, de l’Institut pour l’étude de la guerre, un groupe de réflexion financé par de grandes sociétés d’armement américaines et dirigé par Kimberly Kagan, conseillère de longue date du Pentagone, a écrit un article intitulé « Ne quittez pas la Syrie » qui plaide pour la relance d’une guerre qui a fait des centaines de milliers de victimes et la reconstruction les groupes rebelles islamistes qui ont été vaincus.

De même, le Washington Institute, un groupe de réflexion pro-guerre et pro-israélien, a publié un article de Dennis Ross, ancien conseiller d’Obama au Moyen-Orient, et de deux anciens ambassadeurs déconseillant tout retrait militaire américain en insistant pour que la Syrie soit le point de départ pour un face-à-face militaire avec l’Iran.

L’article appelle à une présence militaire « à la hauteur de la tâche et complétée par une zone d’interdiction de vol et de véhicules », avec une nouvelle « entente avec la Turquie dans le nord qui permettrait aux États-Unis et à leurs alliés d’exercer un contrôle sur quarante pour cent du territoire syrien, y compris la région la plus riche en ressources du pays ».

Quels que soient les accords partiels entre Trump et Poutine concernant la Syrie, la tendance de l’impérialisme américain est de mener une guerre beaucoup plus large et plus sanglante au Moyen-Orient qui forcera inévitablement les deux plus grandes puissances nucléaires du monde à entrer en conflit.

(Article paru d’abord en anglais le 18 juillet 2018)

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