Perspectives

Bernie Sanders intègre la campagne anti-Russie

Le sénateur du Vermont, Bernie Sanders, a participé dimanche à l’émission d’entretiens du dimanche de la chaîne CBS, Face the Nation, et a pleinement adhéré à la campagne anti-Russie de l’appareil militaire et des services de renseignement américain, soutenu par le Parti démocrate et une grande partie des médias.

En réponse à une question de Margaret Brennan, présentatrice de CBS, Sanders a lâché un torrent de dénonciations de la réunion et de la conférence de presse à Helsinki entre Trump et le président russe Vladimir Poutine. Voici une première transcription :

SANDERS : « Je vais vous dire que j’ai été absolument outragé par son comportement à Helsinki, où il a vraiment vendu le peuple américain. Et cela me fait penser que Trump ne comprend pas ce que la Russie a fait, non seulement par rapport à nos élections, mais aussi en utilisant des cyberattaques contre toutes les parties de notre infrastructure, soit il ne le comprend pas, soit la Russie lui fait du chantage, peut-être parce qu’ils ont des informations compromettantes à son sujet.

« Ou vous avez peut-être aussi un président qui a vraiment de fortes tendances autoritaires. Et peut-être qu’il admire le genre de gouvernement que dirige Vladimir Poutine en Russie. Et je pense que tout cela est une honte et un mauvais service pour le peuple américain. Et nous devons nous assurer que la Russie n’interfère pas, non seulement dans nos élections, mais dans d’autres aspects de notre vie. »

Ces commentaires, qui font écho aux remarques qu’il a faites lors du rassemblement au Kansas la semaine dernière, signalent la pleine adhésion de Sanders à la campagne de droite lancée par les démocrates et soutenue par les sections dominantes de l’appareil de renseignement militaire. Leur opposition à Trump est centrée sur les questions de politique étrangère, opposition fondée sur la crainte que Trump, en raison de sa propre version de la stratégie impérialiste, « l’Amérique d’abord », n’aille à l’encontre d’impératifs géostratégiques qui sont considérés comme inviolables – en particulier le conflit avec la Russie.

Sanders n’a pas utilisé son temps dans une émission télévisée diffusée à échelle nationale pour condamner la persécution par Trump des immigrants et la séparation des enfants de leurs parents, ni pour dénoncer sa désignation du juriste d’extrême-droite Brett Kavanaugh comme juge à la Cour suprême, ni pour attaquer la déclaration de la Maison Blanche la semaine dernière selon laquelle « la guerre contre la pauvreté » aurait pris fin victorieusement afin de justifier la destruction des programmes sociaux pour les travailleurs pauvres. Il n’a pas non plus cherché à faire progresser son prétendu programme de gauche sur des questions de politique nationale telles que les soins de santé, l’emploi et l’éducation.

L’adhésion de Sanders à la campagne anti-Russie n’est pas surprenante, mais elle est instructive. Après tout, c’est un individu qui s’est présenté comme étant « de gauche », voire « socialiste ». Pendant la campagne électorale de 2016, il a gagné le soutien de millions de personnes attirées par son appel à une « révolution politique » contre la « classe de milliardaires ». Pour Sanders, qui a une longue histoire de politiques opportunistes et pro-impérialistes dans l’orbite du Parti démocrate, l’objectif de sa campagne était toujours de diriger le mécontentement social vers les canaux de l’establishment, aboutissant à son soutien à la campagne de Hillary Clinton.

Au lendemain de sa campagne électorale, Sanders a été élevé à un poste de haut niveau du groupe

du Parti démocrate au Sénat américain. Sa première réponse à l’inauguration du Trump était de déclarer sa volonté de « travailler avec » le président, ce qui se conformait de près aux remarques d’Obama selon lesquelles l’élection de Trump faisait partie d’une « mêlée intra-muros » dans laquelle tous les côtés se trouvaient dans la même équipe. Cependant au fur et à mesure que la campagne des agences de renseignement militaire s’intensifie, Sanders suit la même ligne.

L’expérience est instructive non seulement par rapport à Sanders, mais à tout un milieu social et à la perspective politique à laquelle elle est associée. C’est ce que cela signifie de travailler au sein du Parti démocrate. La campagne de Sanders n’a pas poussé les démocrates vers la gauche, mais plutôt l’appareil d’état de la classe dirigeante a laissé entrer Sanders pour donner un vernis « de gauche » à un parti complètement à droite.

De nouvelles personnalités politiques, souvent associées au groupe Democratic Socialists of America (DSA), sont intégrés dans le même but. Alors que Sanders donnait sa diatribe anti-russe, Alexandria Ocasio-Cortez assise à ses côtés opinait de la tête. Cette adhérente des DSA âgée de 28 ans a remporté le mois dernier l’investiture démocrate dans le 14ᵉ district du Congrès de New York, détrônant le titulaire démocrate, Joseph Crowley, quatrième de la hiérarchie de la direction démocrate à la Chambre des représentants.

Depuis, Ocasio-Cortez reçoit une publicité massive et en grande partie dépourvue de toute critique dans les médias capitalistes, résumée dans un éditorial élogieux du New York Times qui l’a décrite comme « une lumière brillante dans le Parti démocrate qui a rapporté une énergie dont la politique de New York avait désespérément besoin ».

Ocasio-Cortez et Sanders ont été interviewés conjointement depuis le Kansas, où les deux ont apparu vendredi lors d’un rassemblement de campagne pour James Thompson, qui cherche à obtenir l’investiture démocrate pour la Chambre des représentants du quatrième district du Congrès, à Wichita, à l’élection primaire qui aura lieu le 4 août.

Thompson pourrait apparaître comme un allié inhabituel pour le « socialiste » Sanders et la membre de l’AVD Ocasio-Cortez. Sa campagne célèbre son rôle en tant que vétéran de l’armée, et son site Web s’ouvre sous le slogan « Rejoignez l’armée Thompson », suivi des engagements que le candidat « se battra pour l’Amérique ». Dans un entretien avec l’Associated Press, Thompson a indiqué que, malgré son soutien à l’appel de Sanders pour « l’assurance-maladie pour tous », et malgré le fait que les DSA lui ont donné leur soutien, il se méfiait de toute association avec le socialisme. « Je n’aime pas le terme socialiste, parce que les gens associent cela avec de mauvaises choses dans l’histoire », a-t-il dit.

Un tel anticommunisme s’inscrit parfaitement dans la campagne anti-russe, qui est le thème principal du Parti démocrate aux élections de 2018. Comme le World Socialist Web Site le souligne depuis plusieurs mois, le véritable but de la campagne du Parti démocrate est démontré par son recrutement en tant que candidats pour les élections au Congrès de dizaines d’anciens agents de la CIA et du renseignement et militaires, des commandants qui ont participé aux combats des guerres d’Irak et d’Afghanistan, et des gens responsable de la préparation de ces guerres au Pentagone, au Département d’État et à la Maison Blanche.

Il n’y a pas de contradiction entre l’entrée dans le Parti démocrate des candidats provenant du renseignement et de l’armée et l’utilisation par les démocrates des services de Sanders et Ocasio-Cortez pour donner au parti une couverture de « gauche ». Tant les démocrates de la CIA et leurs « camarades » de pseudo-gauche sont d’accord sur les questions les plus importantes : la défense des intérêts généraux de l’impérialisme américain et une intervention plus agressive dans la guerre civile syrienne et d’autres zones où Washington et Moscou sont en conflit.

(Article paru en anglais le 23 juillet 2018)

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