A la rentrée scolaire, les enseignants américains devant une lutte nationale en défense de l'éducation

Au début de la nouvelle année scolaire américaine, les enseignants sont résolus et en colère. Aucune des revendications des enseignants et des employés d’école lors des grèves et manifestations du printemps dernier en Virginie-Occidentale, Oklahoma, Caroline du Nord Arizona, au Kentucky et au Colorado n’a été satisfaite. Bon nombre des supposées avancées proclamées par les syndicats d'enseignants se sont révélées fictives, et à peu près rien n'a été fait pour restaurer les milliards de dollars de coupes budgétaires des dix dernières années dans l'éducation.

Enseignants de Virginie-Occidentale manifestant sur le parvis du Capitole à Charleston

Il n’a pas fallu longtemps pour que les affirmations de la Fédération américaine des enseignants (AFT) et de l’Association nationale de l’Education (NEA) et de leurs alliés de la pseudo-gauche, comme les Socialistes démocrates d’Amérique (DSA) et l’Organisation socialiste internationale (ISO), selon lesquelles les luttes du printemps dernier ont été « victorieuses », s’avèrent être des mensonges.

Dans chaque État, les enseignants font la rentrée pour retrouver des promesses non tenues. En Virginie-Occidentale, il n'y a pas de solution pour le financement des soins de santé dans le cadre de la mutuelle d'assurance maladie des employés du secteur public. En Arizona, le financement scolaire d’un milliard de dollars n’a pas été rétabli et les augmentations de salaire pour de nombreux enseignants sont loin de respecter les accords promus par les syndicats.

Alors que débute la nouvelle année scolaire, des conflits sur les accords salariaux se poursuivent à Seattle et à Spokane, dans l'État de Washington. Les enseignants du district scolaire de Los Angeles, le deuxième plus grand des États-Unis, travaillent sans convention depuis un an et les négociations sont dans l’impasse. À New York, la Fédération unie des enseignants a accepté de travailler dans le cadre d’une convention expirée jusqu’à la fin des élections de mi-mandat, évitant ainsi toute action en novembre qui pourrait être embarrassante pour les candidats du Parti démocrate. De même, les syndicats obligent les éducateurs à travailler dans le cadre d’accords expirés ou prolongés dans d’autres villes comme Denver, Colorado et Oakland, en Californie.

Les conditions sont en train d'émerger pour que les enseignants joignent leurs luttes à celles de centaines de milliers d'autres travailleurs aux États-Unis et dans le monde. Quelque 230 000 travailleurs de United Parcel Service, qui ont voté à plus de 90 pour cent à l'expiration de leur accord le 31 juillet, luttent contre un complot de l'entreprise et du syndicat des Teamsters, qui a prolongé indéfiniment l’accord pour essayer de faire passer un accord au rabais qui établit une catégorie « hybride » de chauffeur-magasinier à plus bas salaire, et maintient les salaires de misère pour la majorité de la main-d'œuvre.

En septembre, quelque 200 000 travailleurs des services postaux seront confrontés à l’expiration de leur convention, et les accords prendront fin bientôt pour les travailleurs de la sidérurgie, des télécommunications et du spectacle.

Un rapport de la Brookings Institution a examiné les salaires des enseignants et les dépenses par élève pour chaque État et a conclu que les conditions étaient « favorables » cet automne pour de grèves d’enseignants dans des États en grande partie non-syndiqués comme le Mississippi, la Caroline du Nord. l’Alabama, la Géorgie, l’Idaho, le Nouveau-Mexique, la Caroline du Sud, le Dakota du Sud et l’Utah. Brookings a ajouté que des appels croissants à la mobilisation ont été signalés en Indiana et au Texas. Un blog sur Education Week prédit que la Louisiane serait le prochain Etat en grève.

A l’instant où les portes des écoles s'ouvrent, dans quel état est l'éducation en Amérique?

• Selon Education Week, l’enseignant moyen dans 30 États gagne moins qu’un «salaire de subsistence». Un sur cinq occupe un deuxième emploi pour joindre les deux bouts; beaucoup ont trois emplois. Dans les districts ruraux du Colorado, les revenus de 95 pour cent des enseignants sont inférieurs au coût de la vie.

• En plus de dépenser des centaines de dollars de leur propre poche pour les fournitures scolaires, les enseignants utilisent les appels de charité en ligne afin de subvenir aux besoins des étudiants. DonorsChoose.org rapporte un nombre record de 76 000 demandes d'enseignants dans ce sens pour cette année.

• Les districts scolaires de Los Angeles, Milwaukee, Arizona et Asheville, en Caroline du Nord, construisent des dortoirs, des « mini-maisons » ou de petits appartements pour tenter d'attirer ou de retenir des enseignants à si bas salaire qu’ils ne peuvent pas se permettre de payer un logement. Le nombre de sans-abris chez les enseignants est un phénomène croissant.

• Le temps alloué à l'enseignement diminue. En Géorgie, 70 pour cent des districts ont raccourci l'année scolaire et 20 pour cent des écoles de l'Oklahoma n'ont qu'une semaine de quatre jours.

• Des dizaines de milliers de jeunes sont formés par des suppléants et du personnel non certifié ou accrédité en urgence. En Oklahoma, l’année dernière, 1 400 personnes ont reçu une accréditation d’urgence, un fait sans précédent, dont 84 pour cent ont été intégrés dans les classes sans aucune expérience scolaire préalable. Cette année scolaire, la situation est pire.

• L’éducation spécialisée est en train de s’effondrer. Selon un nouveau rapport, la majorité des États américains ne se conforment pas à la loi sur l’éducation des personnes handicapées. En raison de la pénurie d’enseignants, un grand nombre de classes d’éducation spécialisée, confrontées aux défis les plus difficiles en matière d’éducation, sont dirigées par des personnes sans formation spécialisée et uniquement titulaires d’un diplôme bac plus 3.

• La pénurie générale d’enseignants a atteint des proportions d’urgence dans la plupart des États, à mesure que l’écart de rémunération entre enseignants et autres diplômés universitaires s’accroît. Chaque année, de moins en moins de jeunes intégrant les universités suivent la filière enseignement en raison des salaires de misère, de la détérioration des conditions de travail et du poids inévitable de milliers de dollars de dettes d'études.

• Sous le gouvernement Obama, soutenu à deux reprises par l'AFT et l'AEN, on estime que la réduction net du financement de l’éducation publique s’élève à 19 milliards, en tenant compte de l'inflation.

Les conditions auxquelles sont confrontés les enseignants et les élèves à travers les États-Unis sont le résultat d'une contre-révolution sociale de plusieurs décennies – une politique de compressions budgétaires accompagnées de cadeaux fiscaux massifs aux riches mis en place par les démocrates et les républicains. Les deux partis ont présidé à la privatisation de l'éducation et à sa transformation en nouvelle source de profit pour les dirigeants de grandes entreprises et les grands investisseurs.

Cela fut rendu possible par les trahisons menées par les syndicats AFT et NEA. Ils ont concentré leurs efforts sur la suppression et la trahison des grèves. Le soutien indéfectible des syndicats à Obama et à son programme de privatisation a ouvert la voie à Trump et à la milliardaire ministre de l’éducation Betsy DeVos, une opposante de l'éducation publique et défenseur féroce des écoles privées et à but lucratif.

Enseignants de Virginie-Occidentale

La vague de grèves d’enseignants l'hiver dernier et du printemps dernier a été organisée par des enseignants de base, indépendamment des syndicats et en opposition à eux. En Virginie-Occidentale, en Oklahoma et en Arizona, les enseignants ont défié les responsables démocrates et républicains et ont fermé les écoles, pour finalement être trahis par les syndicats. Ceux-ci ont pu exploiter l'absence de direction politique consciente et d’organisations de base véritablement démocratiques parmi les enseignants, pour reprendre le contrôle des luttes afin de les trahir.

Les syndicats ont reçu une aide cruciale de la part des forces en charge de la gestion des sites Facebook de la base qui ont soutenu les trahisons syndicales et se sont opposées à toute contestation politique de la domination des partis politiques de la grande entreprise. Ils ont mis sur liste noire le World Socialist Web Site et interdit la circulation du WSWS Teacher Newsletter (Bulletin des enseignants du WSWS), qui appelait les enseignants à former des comités de base indépendants des syndicats pour mobiliser des sections plus larges de la classe ouvrière et soulignait la nécessité d’une politique socialiste pour défendre l’éducation.

Ils ont travaillé main dans la main avec des groupes tels que les Socialistes démocratiques d’Amérique et l'Organisation socialiste internationale qui ont couvert les syndicats et leur exigence que les enseignants mettent fin aux grèves, et ont canalisé leur combativité dans l’impasse d’un soutien aux démocrates lors des prochaines élections de mi-mandat.

Le Parti de l'égalité socialiste encourage vivement les enseignants et les travailleurs de l’éducation à former des comités de lieu de travail et des comités de quartier composés d'enseignants, de parents et d'élèves pour défendre et élargir l'éducation publique et garantir à tous les travailleurs un salaire décent, des soins de santé et une retraite sécurisée. Il faut déjouer la conspiration anti-éducation et anti-enseignants du gouvernement, du patronat et des syndicats en unifiant la lutte des enseignants à celle des travailleurs d'UPS, des travailleurs des postes et de la classe ouvrière dans son ensemble!

La lutte pour le droit à l'éducation se résume à ceci: quelle classe – les banquiers capitalistes et les propriétaires de grandes entreprises ou bien la classe ouvrière, dont le travail collectif produit toutes les richesses – déterminera comment seront réparties les ressources de la société?

La classe ouvrière, la grande majorité de la population, doit prendre le pouvoir politique et mettre fin à la dictature des banques et du grand patronat. Les banques de Wall Street et les grandes sociétés doivent être transformées en entreprises publiques et contrôlées démocratiquement par des travailleurs. La fortune de l'oligarchie financière doit être expropriée et utilisée pour fournir des emplois bien rémunérés, de l'éducation, des soins de santé et des logements pour tous. Ce programme, défendu par le Parti de l’égalité socialiste, est la seule réponse au retrait du financement de l’éducation et des services sociaux de base dont dépendent les travailleurs.

(Article paru en anglais le 20 août 2018)

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