Le gouvernement Macron annonce de nouvelles mesures de démolition sociale

Mercredi, pour sa rentrée, le gouvernement d‘Emmanuel Macron a annoncé toute une série de nouvelles mesures d‘austérité pour étendre et renforcer ses attaques de la première année contre la population travailleuse. Les syndicats ayant empêché les travailleurs de recourir à la lutte des classes contre la privatisation de la SNCF, Macron se sent libre d’intensifier ses attaques et à détruire les droits sociaux acquis à la Libération en 1945.

S‘il a affiché sa détermination à « aller jusqu‘au bout », le gouvernement est isolé. Les médias, y compris internationaux se sont ouvertement inquiétés de ce qu’il était fragilisé et qu’il faisait face à une résistance accrue dans le pays, de surcroît dans une situation de croissance en berne.

Selon un sondage Elabe publié mercredi, une infime minorité de 16 pour cent juge que les mesures de Macron ont un effet positif sur la situation du pays et 6 pour cent seulement pensent que l’action du président de la République et du premier ministre améliorent leur situation personnelle.

Tout en annonçant des mesures s’attaquant aux acquis fondamentaux de la Libération, le gouvernement a déclaré qu‘il allait s‘appuyer encore plus fortement sur les syndicats. « Désireux de montrer qu’il entend les critiques sur son... isolement, l’exécutif entend... soigner sa relation avec les syndicats, que le président s’est engagé… à davantage associer aux réformes sociales », commente Le Monde.

Rien n‘a cependant été révélé de vraiment concret sur le contenu des mesures, du à la crainte d’une tempête sociale, Le Monde parlant mercredi de « Rentrée sociale à hauts risques ».

Le gouvernement Macron impose une austérité profonde décidée par l’UE. La Cour des Comptes, l‘institution qui veille à la stricte imposition des diktats budgétaires de l‘UE a estimé dans un rapport mercredi que, « En 2017, l’amélioration très limitée du déficit [du budget de l’État atteignant 67,7 milliards d’euros en 2017] résultait d’une forte hausse, tant des dépenses que des recettes», due à une conjoncture favorable. Elle insiste à présent pour plus de coupes dans les dépenses sociales mais dans des conditions de net ralentissement économique en France.

Alors que la dette de l’État reste à un très haut niveau – 96,8 pour cent du PIB, une des plus hautes de l‘UE – une des mesures les plus pressées du gouvernement Macron avait été d‘éliminer l’impôt sur la fortune (ISF) et de démolir l’impôt sur les sociétés, faisant aux super-riches des cadeaux de dizaines de milliards d‘euros.

Le gouvernement compte supprimer, dans un premier temps, selon Le Monde «autour de 10 000 postes de fonctionnaires en 2019 et davantage encore en 2020‚ ‘au fur et à mesure que les réformes se mettront en place’». Durant sa campagne électorale, Macron avait annoncé la suppression de 120 000 postes dans la fonction publique.

Outre de nouvelles coupes budgétaires, l‘attaque de deux secteurs clés de la vie sociale impactera massivement la population travailleuse: le système de santé, la soi-disant « réforme de l’hôpital », et les retraites. La réforme des retraites a été préparée avec les syndicats dans la première moitié de l‘année. La Tribune l’appelle une «réforme systémique» et Le Monde «la plus risquée pour l’exécutif».

Ce qui se cache derrière la formule démagogique du gouvernement «Un système universel où un euro cotisé donne les mêmes droits, quel que soit le moment où il a été versé, quel que soit le statut de celui qui a cotisé», est une remise en cause totale du système actuel dont les fondements datent encore de la Libération, malgré des remaniements successifs en faveur de l‘aristocratie financière depuis les années 1990.

Elle est axée sur l‘introduction d‘un système «par points» par opposition au système «par répartition» actuel. Le seul critère d‘une retraite seront les points accumulés sur un «compte virtuel» individuel, et convertis en argent au moment de la retraite. Les périodes de chômage, de précarité ou d‘incapacité de travail ne rapporteront pas de points. Comme le dit lui-même Jean-Paul Delevoye, chargé par le gouvernement de mettre la réforme sur pied, «il n’y aura pas de points gratuits».

La conversion des points en argent se fait selon des critères variables comme l‘espérance de vie. Si par exemple l‘espérance de vie augmente, la pension, calculée sur une plus longue période, diminue. L‘acquis essentiel d‘un montant stable et légalement garanti du retraité, disparaît, puisque la valeur du point peut changer.

L‘âge légal de départ à la retraite, devenu inutile, disparaît lui aussi. Le salarié devra simplement continuer à accumuler des points jusqu‘à ce qu‘il en ait assez pour partir en retraite. Pour des millions de salariés, cela signifie travailler indéfiniment, l’âge de 62 était toutefois maintenu comme date minimale de départ. Delevoye explique que « dans un système à points, la notion de durée disparaît. C’est votre nombre de points qui vous permet un arbitrage personnel : j’ai assez de points, ma retraite me paraît suffisante, donc je pars. À l’inverse, je n’ai pas assez de points, je reste.»

Le système de la réforme «par répartition» est la base des réformes successives mises en œuvre depuis les mesures du CNR en 1945 et qui sont la principale cause du fort recul de la pauvreté des travailleurs âgés à partir des années 1970, pauvreté qui était quasi automatique autrefois.

De plus, la retraite par points ouvre la porte à un système par capitalisation, dans lequel le salarié met de côté lui-même l‘argent de sa retraite, un système qui favorise les plus hauts revenus et qui est lié à l‘existence de fonds de pensions privés. Lors de la crise de 2008 de nombreux retraités européens ont perdu leurs pensions de cette manière.

Macron n‘exclut pas une capitalisation, qui pourrait devenir la règle comme l’avoue Delevoye: «Dans notre futur régime universel, la question [de la capitalisation] se pose pour les plus gros salaires.... Plusieurs scénarios sont sur la table : faut-il alors un régime complémentaire obligatoire ? Ou une épargne individuelle, éventuellement en capitalisation?»

La réforme de Macron remet aussi en question les «pensions de réversion», versées au conjoint d‘un salarié défunt. Fin 2016, 4,4 millions de personnes touchaient ce genre de pension, soit un quart des 17,2 millions de retraités. Parmi celles-ci 1,1 million de personnes ne touchaient pas d’autre pension.

Un des principaux effets de cette réforme est de faire porter aux seuls retraités la charge d‘une

réduction des sommes disponibles ou de l‘impact d‘une crise, sans que l‘État ou les « partenaires sociaux » aient à combler les sommes manquantes.

Pour faire passer sa réforme, le gouvernement doit casser aussi les « régimes spéciaux » en particulier dans la fonction publique, liés eux aussi à la sécurité sociale de 1945, privant dans le même temps 5 millions de salariés de droits acquis sur tout un siècle.

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