Non à l'interdiction de Chelsea Manning en Australie !

Dans une attaque directe sur les droits démocratiques et la liberté d’expression, le nouveau gouvernement de coalition libérale-nationale du Premier ministre Scott Morrison a déclaré son intention de refuser à Chelsea Manning, la courageuse dénonciatrice de l’armée américaine, le visa qui lui aurait permis de prendre la parole devant ce qui devait être un large public dans plusieurs grandes villes australiennes.

Peu de jours avant que Manning ne prenne la parole à Sydney, Melbourne et Brisbane, puis à Auckland et Wellington, en Nouvelle-Zélande, le gouvernement australien lui a adressé un «Avis d’intention» pour lui refuser un visa d’entrée. Cela a été fait sous le prétexte qu’elle aurait échoué un «test de personnalité» prévu dans la loi sur les migrations en raison d’un «casier judiciaire important». Des mesures similaires sont en cours pour lui interdire l’entrée en Nouvelle-Zélande.

Le Socialist Equality Party (SEP) condamne ce geste de censure politique et réclame son renversement immédiat. Manning n'est pas une «criminelle». L’acte héroïque qu’elle a posé en divulguant plus de 750.000 documents militaires et diplomatiques américains qui étaient classés secrets, et qui ont ensuite été publiés par WikiLeaks en 2010, a révélé les véritables criminels, qui sont toujours au pouvoir à Washington et à Canberra.

Manning se voit refuser son droit démocratique fondamental d’expliquer publiquement ses actes. La population de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande se voit refuser son droit démocratique fondamental de l’entendre parler et de discuter des implications politiques de ses révélations.

Chelsea Manning, anciennement le soldat Bradley Manning, a été incarcérée et torturée dans des prisons militaires et condamnée à 35 ans d’emprisonnement sous l’Administration Obama. Après avoir appliqué sa brutale punition, Obama a finalement commué sa peine en 2017 après qu’elle ait passé sept ans au total dans une cellule de prison, mais a maintenu exprès son casier judiciaire.

C’est parce que les séquences vidéo, les documents et les dossiers que la jeune analyste du renseignement américain a mis à la disposition de la population mondiale ont révélé les meurtres, crimes de guerre, violations des droits de l’homme et machinations politiques antidémocratiques de l'armée, des agences de renseignement et de l'establishment politique américains ainsi que ceux de ses alliés, y compris l'Australie.

Les fuites de Manning et leur publication dans WikiLeaks ont fourni des preuves essentielles pour que soient poursuivis en justice ceux qui sont responsables des invasions et occupations illégales d’Afghanistan et d’Irak, et de la mort de centaines de milliers de civils innocents.

Alors que le gouvernement Morrison se prépare à interdire Manning, les gouvernements australiens successifs, tant de la Coalition que du Parti travailliste, ont déployé le tapis rouge pour les criminels de guerre dont elle a dénoncé les atrocités.

On peut compter parmi ceux-ci, rien qu’au cours des 18 derniers mois, feu le sénateur John McCain qui était très influent au sein du Parti républicain, l’ancienne secrétaire d’État américaine Hillary Clinton et l’ancien directeur du renseignement national, James Clapper, ainsi qu’une longue liste d’amiraux et de généraux. Ce sont ces personnes qui auraient dû être traduites en justice avec les ex-présidents Bush et Obama et leurs partenaires australiens, y compris les anciens premiers ministres John Howard, Kevin Rudd et Julia Gillard.

Moins d’une semaine après l’installation de Morrison suite à une fronde au sein du parti libéral qui a renversé Malcolm Turnbull, l’interdiction d’entrée de Manning est un autre signal du gouvernement de coalition qu’il soutient entièrement les préparatifs de la classe dirigeante américaine pour de nouveaux crimes de guerre, surtout ses plans pour une confrontation militaire avec la Chine. Le message est clair: l’élite dirigeante australienne est prête à violer tous les droits démocratiques fondamentaux pour empêcher que l’opposition populaire au militarisme ne devienne un mouvement antiguerre de masse.

Le contraste ne peut être plus frappant. L’une des premières initiatives de Morrison, en tant que Premier ministre, était de réaliser un appel téléphonique «chaleureux» avec le président américain Donald Trump et de l’inviter à se rendre en Australie.

Les va-t-en-guerre sont les bienvenus. Ceux qui ont cherché à s’opposer à la guerre ne le sont pas.

Il ne fait aucun doute que la décision de bloquer la visite de Manning a été prise en consultation étroite avec l’Administration Trump et les services de renseignement américains. Sur le plan politique, toutefois, le gouvernement a osé interdire Manning parce qu’il ne craint aucune opposition sérieuse du parti travailliste, qui a déclaré que WikiLeaks avait mené des «activités criminelles» en publiant les fuites de Manning en 2010.

De plus, la quasi-totalité des anciennes figures dites «de gauche» ou «progressistes» de la classe politique et des médias australiens a abandonné toute défense de Julian Assange, rédacteur en chef de WikiLeaks.

Assange, un citoyen australien, reste coincé dans une petite pièce de l’ambassade de l’Équateur à Londres, coupé de toute communication avec le monde. Le refus de gouvernements successifs du parti travailliste et de la coalition d’utiliser leur pouvoir diplomatique et leur autorité légale pour obtenir sa libération – avec la complicité silencieuse pendant des années des Verts et des parlementaires indépendants tels qu’Andrew Wilkie – a laissé Assange sous la menace constante d’arrestation et d’extradition vers les États-Unis pour y faire face à des accusations d’espionnage.

Mis à part le journaliste bien connu John Pilger et un petit nombre d’autres personnalités de principe, aucun parti politique, syndicat, organisation civile ou publication n’a donné suite à l’initiative du SEP qui a exigé le 17 juin, lors d’un rassemblement tenu à Sydney sur la Place de l’Hôtel de Ville et retransmis sur internet pour un auditoire mondial, que le gouvernement de la coalition agisse immédiatement pour garantir le droit inconditionnel d’Assange à retourner en Australie.

C’est dans cette atmosphère fétide de mépris des droits démocratiques et de la liberté d’expression que Manning se voit interdire l’entrée en Australie.

L’attaque contre Chelsea Manning, en plus du rôle central de Canberra dans la persécution d’Assange, a des implications inquiétantes pour les droits démocratiques de la classe ouvrière.

Alors que s’intensifient les préparatifs pour participer à de nouvelles guerres menées par les États-Unis, qui sont accompagnés de mesures croissantes d’austérité et d’une forte hausse des inégalités sociales, l’État utilisera son appareil de répression contre les troubles sociaux et les dissensions politiques, en particulier l’opposition antiguerre. Il y a deux mois à peine, le parti travailliste s’est joint à la coalition pour faire adopter par le parlement des lois sans précédent sur «l’ingérence étrangère» visant à criminaliser tout lien présumé avec la Chine et toute opposition à l’implication de l’Australie dans les agressions militaires menées par les États-Unis.

L’interdiction d’entrée contre Manning est un autre avertissement que le gouvernement Morrison représente un nouveau tournant de tout l’establishment politique vers des préparatifs de guerre et des efforts visant à créer un mouvement d’extrême droite pour détourner le mécontentement social et politique vers le poison du nationalisme.

Le SEP exige qu’un visa soit immédiatement accordé à Chelsea Manning et revendique de nouveau la liberté inconditionnelle pour Julian Assange. Leur sort ne peut être laissé aux mains des gouvernements et des tribunaux capitalistes. Les travailleurs et les jeunes d’Australie, de Nouvelle-Zélande et du monde entier doivent se porter à la défense de ces deux figures courageuses, en tant que composante essentielle de la lutte pour tous les droits démocratiques et sociaux de la classe ouvrière.

(Article paru en anglais le 30 août 2018)

Voir aussi :

Le rassemblement de Sydney pour défendre Julian Assange: un pas en avant important

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