Le Parti national cherche à empêcher Chelsea Manning d'entrer en Nouvelle-Zélande

L’opposition nationale néo-zélandaise a exigé que la lanceuse d’alerte Chelsea Manning ne soit pas autorisée à entrer dans le pays. Son porte-parole en matière d’immigration, Michael Woodhouse, a déclaré que s’il était toujours le ministre responsable, il n’accorderait pas de visa d’entrée à Manning.

Manning est censée donner des conférences publiques à Auckland et à Wellington les 8 et 9 septembre, après des apparitions prévues ce week-end en Australie. Manning s’est vue refuser l’entrée au Canada l’an dernier. Ce matin, le ministre australien de l’Immigration, David Coleman, a annoncé qu’il avait l’intention de refuser un visa à Manning quelques jours seulement avant les événements auxquelles elle devait prendre part.

Le gouvernement de coalition dirigé par le parti travailliste néo-zélandais n’a pas encore annoncé si Manning serait autorisée à entrer dans le pays. La Première ministre, Jacinda Ardern, et d’autres ministres ont refusé de commenter la question.

Le Socialist Equality Group (Nouvelle-Zélande) exige que Manning obtienne immédiatement un visa pour entrer en Nouvelle-Zélande. La pression du Parti national pour qu’elle soit exclue est une attaque dangereuse contre la liberté d’expression et les droits démocratiques à laquelle la classe ouvrière doit s’opposer. Cela fait partie des mesures croissantes des gouvernements à travers le monde visant à réprimer l’opposition à l’austérité et à la guerre, alors que l’élite dirigeante américaine intensifie ses menaces militaires contre la Syrie, l’Iran, la Corée du Nord, la Chine et la Russie.

Woodhouse a déclaré à Fairfax Media que Manning était un «criminel condamné... qui souhaitait être considéré comme un héros pour avoir volé des secrets militaires et des secrets d’État. Elle a été reconnue coupable de crimes très graves». Il a ajouté que «les relations très bonnes et amicales avec les États-Unis» dont jouissait la Nouvelle-Zélande «ne seraient pas renforcées» par la visite de Manning.

Ces commentaires ont été soutenus par des commentateurs de droite tels que Mike Hosking, du New Zealand Herald, qui a qualifié Manning d’«escroc» et a appelé à l’emprisonnement de son «co-conspirateur», le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange.

Ancien soldat de l’armée américaine, Manning a été emprisonnée par l’Administration Obama pour le prétendu «crime» d’avoir divulgué des documents militaires classifiés à l’organisation WikiLeaks, qui ont révélé des crimes de guerre en Irak et en Afghanistan. Il s’agit notamment de la vidéo bien connue «Meurtre collatéral» montrant un massacre en Irak de civils, y compris des journalistes, par des hélicoptères américains.

Manning a été libérée l’année dernière après plus de sept ans de prison, où elle a été soumise à des traitements brutaux, y compris un isolement prolongé, ce qui équivaut à la torture. Elle est devenue sévèrement déprimée et a tenté de se suicider. Bien que la peine de 35 ans de Manning imposée par une cour martiale militaire ait été commuée, elle n’a jamais été graciée par Obama.

L’Administration Obama a persécuté de nombreux lanceurs d’alerte, dont Edward Snowden et Assange, qui reste confiné à l’ambassade équatorienne à Londres sans accès à Internet ni communication avec le monde extérieur, à l’exception de ses avocats. Washington réclame l’extradition et l’emprisonnement d’Assange aux États-Unis.

Selon un communiqué de presse des organisateurs de sa tournée, Manning a l’intention de parler en Nouvelle-Zélande de «son temps en prison, de questions transgenres, de la confidentialité et de WikiLeaks».

Il ne fait aucun doute que l’appel du Parti national néo-zélandais à refuser l’entrée à Manning et l’avis d’intention du gouvernement australien ont été faits en consultation avec Washington, principal allié du pays. La déclaration de Woodhouse a coïncidé avec une réunion de deux jours en Australie du réseau de renseignement Five Eyes dirigé par les États-Unis, en présence du ministre néo-zélandais de l’Immigration, Iain Leeds-Galloway, et d’Andrew Little, ministre chargé des services de renseignement. Snowden a révélé que le réseau Five Eyes – les agences d’espionnage des États-Unis, de Grande-Bretagne, du Canada, d’Australie et de Nouvelle-Zélande – était engagé dans un espionnage massif de la population mondiale.

Les gouvernements successifs du parti national et du parti travailliste néo-zélandais ont participé pendant plus de 15 ans aux guerres criminelles menées par les États-Unis en Irak et en Afghanistan. Un des câbles publiés par WikiLeaks en 2010 par l’ambassade américaine à Wellington a révélé que le gouvernement travailliste d’Helen Clark avait envoyé des troupes en Irak en 2003 au moins en partie pour protéger les contrats d’exportation lucratifs de la société laitière néo-zélandaise Fonterra.

L’actuel gouvernement de la Première ministre Jacinda Ardern a gardé une centaine de soldats en Irak et augmenté les dépenses militaires afin d’intégrer la Nouvelle-Zélande aux préparatifs des États-Unis contre la Chine.

Le Parti vert a critiqué hypocritement l’appel du Parti national à interdire Manning. Le député vert Golriz Ghahraman a écrit dans une tribune de Fairfax Media que Manning avait révélé «des crimes graves commis par des personnes au pouvoir… Dans quel cauchemar surréaliste une personne qui révèle des crimes de guerre contre des civils et des journalistes subit-elle une peine à perpétuité?»

Les Verts font cependant pleinement partie du gouvernement actuel dirigé par les travaillistes, qui continue de participer aux guerres et à la surveillance de masse menées par les États-Unis. Ghahraman et d’autres députés verts ne se sont pas opposés à la persécution d’Assange, emprisonné depuis six ans et maintenant bâillonné par le gouvernement équatorien.

Les Verts ont contribué à ouvrir la voie à la censure. En juillet, la co-dirigeante verte, Marama Davidson, a approuvé la décision du maire d’Auckland, Phil Goff, d’interdire aux conférenciers canadiens d’extrême droite, Stefan Molyneux et Lauren Southern, de louer des salles de conférence gérées par le conseil de ville durant leur visite dans la ville.

La décision prise par Goff, un ancien dirigeant du parti travailliste, a attiré l’attention des médias sur ces deux individus qui ont eu l’occasion, durant de longues interviews télévisées, de débiter leurs opinions racistes et anti-musulmanes. Au même moment, l’action de Goff a créé un précédent pour interdire l’accès à des salles du conseil de ville à d’autres conférenciers ayant un autre point de vue politique.

Davidson a écrit sur Facebook le 7 juillet: «Il est bon d’utiliser notre liberté d’expression pour dire que vos opinions racistes ne seront pas tolérées ici. Merci Phil. Ces deux personnes peuvent sortir.» Ghahraman a déclaré mardi à TVNZ: «Je ne leur aurais probablement pas donné de visa.»

Auckland Peace Action, une organisation de la pseudo-gauche qui soutient les Verts, est allée encore plus loin. Son porte-parole, Valerie Morse, une anarchiste autoproclamée, souvent citée dans les médias, a exigé que le gouvernement travailliste empêche Molyneux et Southern d’entrer dans le pays. Morse a promis que «s’ils venaient, nous bloquerions l’entrée au lieu où ils devraient prendre la parole».

Contrairement à ces groupes de protestation de la classe moyenne, le Socialist Equality Group (NZ) s’oppose par principe à toute tentative de renforcer le pouvoir de l’État de restreindre la liberté d’expression, la liberté de mouvement au-delà des frontières et d’autres droits démocratiques. L’histoire démontre que de telles mesures, quelles que soient les cibles initiales, sont inévitablement utilisées contre des organisations et des individus de gauche, antiguerre et anticapitaliste.

Sous prétexte de combattre les «fake news» et «l’ingérence russe», les géants de la technologie Google et Facebook, en alliance avec le gouvernement américain et d’autres gouvernements, mènent une campagne de censure d’Internet. Ils ciblent plusieurs sites Web de gauche, y compris le World Socialist Web Site, qui a connu une forte baisse du trafic venant des recherches Google au cours de l’année écoulée (voir: Facebook intensifie la censure des organisations de gauche et antiguerre).

La classe ouvrière doit se porter à la défense de Chelsea Manning dans le cadre d’une campagne internationale contre la censure et pour la défense les lanceurs d’alerte, notamment Julian Assange et WikiLeaks. Une telle campagne demandera une lutte politique contre tout l’establishment politique, y compris le parti travailliste, les Verts et leurs partisans de la pseudo-gauche, qui soutiennent la guerre impérialiste et sont hostiles aux droits démocratiques.

(Article paru en anglais le 30 août 2018)

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Pour une coalition internationale contre la censure d'Internet

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