Perspectives

Rejetez les accusations d'antisémitisme contre Jeremy Corbyn ! Chassez l'aile droite du parti travailliste !

Les dernières semaines ont vu l’accélération d’une campagne menée par l’aile droite du parti travailliste britannique pour peindre Jeremy Corbyn comme un antisémite, dans l’espoir de le faire démissionner de son poste de chef du parti.

Par leur ampleur et leur férocité, ces efforts ont toutes les caractéristiques d’une campagne de déstabilisation impliquant le MI5 britannique, le Mossad israélien et la Central Intelligence Agency (CIA) américaine.

L’élite britannique, ses représentants politiques et ses médias affirment clairement qu’ils ne toléreront pas l’élection d’un gouvernement travailliste dirigé par Corbyn. De plus, la portée internationale de l’escalade de cette chasse aux sorcières confirme que les États-Unis et les autres grandes puissances sont aussi déterminés que leurs homologues britanniques à le voir discrédité et évincé.

Les accusations d’antisémitisme répétées sans relâche depuis l’échec du coup de force de la droite du Parti travailliste en 2016 forment la corde avec laquelle Corbyn doit être pendu. Mais le but de cette campagne est de discréditer le socialisme dans l’espoir de prévenir tout défi de la classe ouvrière à l’austérité et à la poursuite croissante du militarisme et de la guerre au Moyen-Orient et dans le monde.

À cette fin, toutes les dénonciations possibles de Corbyn répandues par une cabale de travaillistes de droite, de sionistes et du parti conservateur sont publiées dans les journaux du monde entier — des Times, Sunday Times et Sun de Rupert Murdoch à leurs homologues «libéraux» du Guardian et du New York Times.

La campagne est illustrée par un éditorial indépendant du New York Times par Josh Glancy publié le 27 août, intitulé « Entrer dans la danse contre l’antisémitisme de Jeremy Corbyn ».

Glancy a affirmé qu’il ne voulait pas regarder cette « réalité » en face que le « Premier ministre britannique potentiel… trafique un ancien préjugé contre mon peuple » jusqu’à ce qu’il soit confronté à une vidéo du Daily Mail, diffusée le 23 août, et dont il affirme qu’elle montre Corbyn faisant à une conférence de 2013 une déclaration qui était de « l’antisémitisme classique ». La conversion de Saint-Paul de Glancy serait plus crédible s’il n’était pas le correspondant new-yorkais du Sunday Times, qui a joué un rôle de premier plan dans l’attaque menée contre Corbyn.

Pendant des semaines, Glancy a publié des documents affirmant que Corbyn détestait Israël « de manière troublante », qu’un parti travailliste « validant l’antisémitisme » était « mauvais, douloureux et valait la peine de protester » et qu’un gouvernement Corbyn serait « mauvais » pour les juifs.

Le Mail a affirmé que Corbyn s’exprimait lors d’une conférence « promue par le site de propagande du groupe terroriste Hamas » et déclaré qu’il avait dit que certains sionistes britanniques « ne veulent pas étudier l’histoire » et « ne comprennent pas non plus l’ironie anglaise ».

En réalité, Corbyn s’adressait à une réunion convoquée par le Centre de retour palestinien (PRC), un groupe de plaidoyer doté du statut consultatif aux Nations Unies en 2015. Il avait attiré l’attention sur un discours précédent du représentant britannique de l’Autorité palestinienne, Manuel Hassassian, qui avait dit ironiquement : « J’arrive à la conclusion que les Juifs sont les seuls enfants de Dieu et que la Terre promise est payée par Dieu. J’ai commencé à croire cela parce que personne n’arrête Israël de construire son rêve messianique au point où je crois que peut-être Dieu est de leur côté ».

Corbyn a déclaré que les détracteurs de Hassassian ne comprenaient pas l’histoire ni l’ironie, se référant au blogueur multimillionnaire Richard Millett, qui affirmait que Hassassian suggérait que « les Juifs ne contrôlent pas que la Réserve fédérale [une déclaration de Millett seulement] mais maintenant même l’argent de Dieu ».

Sur la base de l’indignation fabriquée autour de cette fragile concoction, la Campagne contre l’antisémitisme a lancé une pétition en ligne sur Change.org, appelant les députés travaillistes à évincer Corbyn, soit en organisant « un vote de non-confiance », soit en créant « leur propre parti politique ».

Le Parti conservateur a exhorté le Commissaire parlementaire aux normes à enquêter pour savoir si Corbyn avait « jeté le discrédit » sur la Chambre des communes. L’ancien grand rabbin Lord Jonathan Sacks a décrit démagogiquement le discours de Corbyn comme « le plus choquant » d’un politicien depuis le discours du conservateur raciste Enoch Powell contre l’immigration parlant de « fleuves de sang » en 1968.

Des rapports paraissent chaque jour de députés travaillistes parlant de lancer un autre parti en avril 2019, après le vote pour accepter ou rejeter l’accord négocié par le Premier ministre Theresa May sur le départ de la Grande-Bretagne de l’Union européenne (UE). La droite travailliste collabore avec des sections pro-européennes du parti conservateur et des libéraux-démocrates alors que des personnalités du monde des affaires ont fourni au moins 50 millions de livres. Le Sun a rapporté que le chef adjoint du Parti travailliste, Tom Watson, a assisté à des réunions au domicile du conseiller principal de Tony Blair, Peter Mandelson, avec d’autres « députés modérés » pour « comploter sur la façon d’évincer Jeremy Corbyn ».

Les allégations d’un antisémitisme de gauche endémique sont une calomnie ignoble dans un but tout aussi ignoble.

La discrimination à l'égard des juifs a de profondes racines historiques, mais l'émergence de l'antisémitisme moderne en tant que mouvement politique de masse en Allemagne et dans d'autres pays européens était liée aux efforts de la bourgeoisie pour mobiliser les couches petites-bourgeoises contre la menace révolutionnaire venant du mouvement ouvrier socialiste.

L’identification des Juifs avec les maux du capitalisme moderne a apporté le ciment populiste pour la création des partis racistes et nationalistes opposés à la lutte de classe et à l’internationalisme socialiste, dont le parti nazi d’Hitler qui identifiait le socialisme à « la juiverie internationale ».

Les sionistes, les Blairistes et les conservateurs tentent à présent de redéfinir l’antisémitisme et de l’assimiler à une critique de gauche d’Israël et de sa subjugation brutale des Palestiniens, axée sur l’exigence que les travaillistes acceptent pleinement la définition de l’Association internationale de commémoration de l’Holocauste de l’antisémitisme. Cette organisation définit comme antisémite toute description de la fondation de l’État d’Israël comme une « entreprise raciste ».

Cela se produit dans des conditions où Israël continue de massacrer les Palestiniens presque quotidiennement et a adopté la loi « État-nation » qui affirme que « le droit d’exercer l’autodétermination nationale dans l’État d’Israël » est « uniquement pour le peuple juif ».

De plus, c’est le premier ministre Benjamin Netanyahu et son gouvernement qui s’associent librement à des antisémites tels que le premier ministre hongrois Viktor Orbán et le Chancelier autrichien Sebastian Kurz. L’extrême droite de l’Europe repaye l’affection de Netanyahu. Geert Wilders, du Parti néerlandais pour la liberté, proclame son « opposition à un Etat palestinien en Judée-Samarie », tandis que Filip Dewinter du Vlaams Belang de Belgique loue Netanyahu pour avoir compris « que l'islamisation constitue le premier danger pour l'Europe ».

Deux considérations fondamentales déterminent l’opposition de l’élite dirigeante britannique à Corbyn.

D’abord, en dépit des renoncements qu’il a faits pour soutenir l’OTAN et pour conserver le système de missiles sous-marins nucléaire Trident, Corbyn n’est pas acceptable en tant que chef d’un important allié de l’OTAN des États-Unis. Une semaine seulement après son élection au poste de leader du parti travailliste, le Sunday Times de Murdoch a annoncé la menace d’une « mutinerie » de la part d’un « général senior en service » s’il devenait premier ministre. Lord West, ancien premier lord de la Mer [à la tête de la Royal Navy] et ancien ministre du Travail, a averti que Corbyn « ne devait pas diriger la nation » car ses critiques du militarisme pourraient amener « les masses irréfléchies à voter pour lui ».

Plus important encore, Corbyn, malgré le caractère minimal de ses réformes proposées, est associé aux yeux de nombreux travailleurs et jeunes à la fin de l’austérité, à la défense du Service national de santé et à la redistribution des richesses des grandes sociétés. Ces sentiments sont un anathème pour l’élite dirigeante dans des conditions où la crise grandissante du Brexit exige une escalade de l’assaut social brutal contre la classe ouvrière.

Le Parti de l’égalité socialiste s’oppose à l’attaque droitière menée contre Corbyn. Mais nous insistons sur le fait que cette lutte doit être poursuivie jusqu’au bout, à commencer par l’expulsion de l’aile droite du Parti travailliste, partout où elle se manifeste. C’est pourquoi nous prévenons également que le refus de Corbyn et de ses alliés comme chancelier fantôme John McDonnell, de mener une telle lutte désarme les travailleurs et les jeunes face aux conspirateurs politiques au plus haut niveau de l’État dans leur défense de l’oligarchie financière.

Lorsque Corbyn a été élu pour la première fois en 2015, le Parti de l’égalité socialiste a prévenu que son affirmation que le parti travailliste pourrait être transformé en un parti anti-austérité et anti-guerre était une dangereuse erreur. « Le Parti travailliste », écrivions-nous, est « un parti bourgeois de droite… complice de tous les crimes de l’impérialisme britannique, et a été le principal opposant politique du socialisme pendant plus d’un siècle… »

En 1935, Leon Trotsky a écrit une lettre ouverte intitulée « À tous les groupes et organisations de la classe ouvrière révolutionnaire ».

Observant le monde suite à l’arrivée au pouvoir d’Hitler, à la défaite de la révolution espagnole et à la montée des forces d’extrême droite en Europe, Trotsky a déclaré que « la désintégration de l’économie mondiale avait impérieusement imposé la tâche de la révolution socialiste à l’ordre du jour ».

Le plus grand danger pour la classe ouvrière, a averti Trotsky, était l’impuissance et la trahison de ses dirigeants réformistes et staliniens. Dans un passage exceptionnellement pertinent pour la situation actuelle, il a écrit :

« Si les succès électoraux du parti travailliste le ramenaient au pouvoir, le résultat ne serait pas une transformation socialiste pacifique de la Grande‑Bretagne, mais la consolidation de la réaction impérialiste, c'est‑à‑dire une époque de guerre civile, face à laquelle la direction du parti travailliste ne manquerait pas de révéler sa complète carence. » [Pour la IV° Internationale : Lettre ouverte aux organisations et groupes révolutionnaires prolétariens (Juin 1935) marxists.org]

Alors que le capitalisme britannique et mondial entre dans une nouvelle période de crise révolutionnaire, c’est là l’avertissement le plus prescient des dangers liés au refus de Corbyn de chasser la droite, insistant pour préserver l’unité du parti afin de former un gouvernement « des masses, non pas d’une petite minorité ».

Tout gouvernement avec la droite travailliste serait le gouvernement d’une minorité — celle de l’oligarchie patronale et financière — contre les intérêts du plus grand nombre. Tout dépend du rejet de tous ces appels au compromis de classe et d’une lutte politique implacable de la classe ouvrière pour l’internationalisme et le socialisme, sous la direction du Parti de l’égalité socialiste.

(Article paru d’abord en anglais le 31 août 2018)

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