Les tensions commerciales augmentent alors que les pourparlers entre les États-Unis et le Canada dépassent la date limite

Les pourparlers entre les représentants des États-Unis et du Canada au sujet d'un Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) renouvelé ont été rompus vendredi sans qu'un accord ait été conclu, ne respectant pas ainsi l'échéancier fixé par l'administration Trump.

Le président Trump a maintenant officiellement informé le Congrès de «l'intention de signer un accord commercial avec le Mexique, et le Canada s'il le souhaite, dans les 90 jours». Le représentant américain au commerce Robert Lighthizer a déclaré que les pourparlers avaient été «constructifs» et que du progrès avait été réalisé. La partie canadienne a seulement mentionné que les discussions reprendraient la semaine prochaine.

Des tensions ont surgi à la réunion suite à la publication dans le Toronto Star de commentaires faits en privé par Trump lors d'une entrevue avec Bloomberg dans le bureau ovale jeudi. Il a dit que tout accord possible avec le Canada serait «totalement à nos conditions», mais il ne pouvait pas le dire publiquement parce que «ce sera tellement insultant qu'ils ne pourront pas conclure une entente». Au cours de l'entrevue, Trump a indiqué que la principale menace contre le Canada est l'imposition d'un tarif de 25% sur les importations d'automobiles si un accord de l'ALENA n'est pas conclu.

L'une des principales différences entre les deux parties est que les États-Unis demandent que le Canada abolisse ou, à tout le moins, modifie considérablement son système de gestion de l'offre agricole, lequel limite les importations de produits laitiers et de volaille américains.

À la suite de la signature d'un nouvel accord de l'ALENA avec le Mexique lundi, Trump a averti que si le Canada n'acceptait pas les conditions des États-Unis, «la chose la plus facile que nous pouvons faire est de tarifer leurs voitures qui entrent», une menace qu'il a répétée dans ses remarques vendredi. D'autres points de divergence portent sur la question de savoir s'il devrait y avoir un système de règlement des différends dans lequel les pays membres peuvent contester les tarifs imposés par l'un des autres. Dans l'accord avec le Mexique, les États-Unis se sont assurés d’éliminer cette disposition qui, selon eux, porte atteinte à leur souveraineté nationale. Ils veulent que cette disposition soit aussi retirée de tout accord avec le Canada.

La pression intense exercée par l'administration Trump sur le Mexique et le Canada est due en grande partie au fait qu'elle considère les négociations de l'ALENA comme faisant partie d'une lutte mondiale dans laquelle les États-Unis sont opposés à la fois à la Chine et à l'Union européenne. Elle veut mener cette bataille à partir d'une position où elle a sécurisé une «Forteresse Amérique du Nord et Amérique centrale».

Écrivant sur l’accord entre les États-Unis et le Mexique mardi, le chroniqueur du Washington Post, David Ignatius, a souligné la signification plus large de celle-ci. «L'importance réelle de l’accord de Trump avec le Mexique est qu'il fait le ménage pour que la Maison-Blanche puisse se concentrer sur la plus grande bataille qui vaille la peine être menée – un commerce plus juste avec une Chine qui grandit en puissance et qui tente depuis des décennies de truquer le jeu en sa faveur.»

La prochaine étape dans la guerre commerciale contre la Chine, après l'imposition de tarifs douaniers sur des biens d'une valeur de 50 milliards de dollars, pourrait avoir lieu dès ce mois-ci. L'administration Trump pourrait aller de l'avant avec sa menace de percevoir des droits de douane allant jusqu'à 25% sur 200 milliards de dollars d’importations chinoises.

L'opinion qui prévaut dans les milieux d'affaires américains et dans des sections clés de l'establishment politique est que les États-Unis devraient chercher le soutien de l'Europe dans la lutte contre la Chine. Comme Ignatius l’a mentionné dans sa chronique, «l'Europe et les autres partenaires commerciaux» devraient être les «alliés naturels» des États-Unis parce qu'eux aussi souffrent des politiques égoïstes de la Chine».

Trump a fait des pas dans cette direction, concluant un accord avec le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker en juillet pour une action commune au sein de l'Organisation mondiale du commerce contre la Chine et pour des discussions sur la réduction à zéro des droits de douane sur les produits industriels, à l'exclusion de l'automobile.

Cependant, l'administration n'a pas retiré sa menace d'imposer un tarif de 25% sur les importations automobiles en vertu de l'article 232 de la Trade Expansion Act de 1962 pour des raisons de sécurité nationale – la même disposition qui a été utilisée pour augmenter les tarifs sur les importations d'acier et d'aluminium.

Les tensions au sujet de la menace de tarifs douaniers sur les véhicules automobiles ont repris suite aux remarques de Trump dans son entrevue avec Bloomberg. Il a rejeté une proposition de la commissaire européenne au commerce Cecilia Malmström pour un tarif zéro sur les voitures en disant qu'il n'était «pas assez bon» et a dénoncé l'UE dans la même interview comme étant «presque aussi mauvaise que la Chine», mais à plus petite échelle, lorsqu'il s'agit de commerce.

Ces commentaires ont provoqué une réponse immédiate de Juncker qui a déclaré vendredi dans une interview télévisée allemande que l'UE ne laisserait personne déterminer ses politiques commerciales et que si les États-Unis imposaient des droits de douane sur les véhicules, «alors nous le ferons aussi».

Un examen de l'accord avec le Mexique, lequel implique des changements importants dans les règles régissant l'accès sans tarif des voitures et des camions de ce pays aux États-Unis, indique qu'à moins d'une augmentation générale des droits de douane, il sera inefficace pour protéger la position des producteurs nord-américains.

Le Wall Street Journal a rapporté cette semaine que le Mexique et les États-Unis avaient négocié une lettre d'accompagnement à l'accord de l'ALENA qui «atténuerait le choc d'éventuels tarifs de sécurité nationale que l'administration Trump envisage pour les importations d'automobiles».

Le ministre mexicain de l'Économie, Ildefonso Guajardo, a déclaré qu'aux termes de la lettre d'accompagnement, si les États-Unis appliquaient un tarif automobile général, le Mexique aurait toujours un accès libre de tarifs douaniers pour les voitures conformes aux nouvelles règles de l'ALENA jusqu'à certaines limites, qui seraient supérieures aux niveaux actuels des exportations mexicaines d'automobiles vers les États-Unis.

L'article du WSJ a cité Daniel Ujczo, un avocat travaillant pour un cabinet représentant les grands constructeurs automobiles et fabricants de composants américains, qui a déclaré: «Ce qu'il faut retenir ici, c'est que ces tarifs de l'article 232 ne sont pas du théâtre ou une tactique de négociation pour l'administration Trump; ils constituent un principe central de la politique commerciale des États-Unis.»

Il a indiqué que le Mexique s'était donné beaucoup de mal pour essayer d'assurer le maintien de la production existante et qu'il avait des plans d'urgence en cas d'adoption des tarifs douaniers. Ujczo a conclu: «Cela montre que le Canada, l'UE et le Japon devraient savoir que ces tarifs sont une réalité.»

(Article paru en anglais le 1er septembre 2018)

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