Menacée par l’OTAN, la Russie lance les plus grands exercies militaires depuis 1945

Ce mois, des centaines de milliers de troupes russes, chinoises et de l’OTAN se mobilisent pour des exercices militaires rivaux à travers l’Eurasie. Ces exercices, les plus vastes en Russie depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, se déroulent sur fond d’une escalade de tensions et de conflits militaires qui posent le danger d’un affrontement direct entre les grandes puissances nucléaires.

Samedi, la marine russe a lancé son plus grand exercice en Méditerranée depuis des décennies, qui durera huit jours. 25 navires et 30 avions, dont des bombardiers stratégiques Tu-160, capables de réaliser des frappes nucléaires stratégiques à l’échelle continentale, y prendront part. Selon le ministère de la Défense russe, les zones en mer où se déroulera l’exercice seront interdites et «déclarées dangereuses pour la navigation et les vols.»

Le 11 septembre, Moscou et Beijing lanceront l’exercice Vostok-18 dans le trans-Baikal, dans l’est de la Russie. Vostok-18 dépassera même la taille de Zapad-81, le plus grand exercice militaire soviétique après la Deuxième Guerre mondiale. Un total de 300.000 troupes, 1.000 aéronefs, et 36.000 véhicules militaires russes y prendront part, ainsi que 3.200 troupes, 30 aéronefs et 900 véhicules chinois. Des troupes mongoles y participeront également.

Le 3 septembre, 2.270 troupes de l’OTAN participeront à l’exercice Rapid Trident 2018 en Ukraine, à la frontière russe. Ce sera le prélude à ce qui serait plus vaste exercice de l’OTAN en Europe depuis la fin de la Guerre froide: Trident Juncture 2018, du 25 octobre au 7 novembre en Norvège, aussi à la frontière russe. 40.000 troupes, 130 aéronefs et 70 navires y participeront, dirigées par une contribution allemande sans précédent de 80.000 troupes, de 100 chars et de 2.000 autres véhicules.

La vaste étendue de ces exercices est un avertissement aux travailleurs partout au monde. Dans les capitales des grandes puissances, dans le dos des peuples, des cabales politico-militaires préparent des guerres qui feraient des milliards de victimes. Avant même que les exercices ne commencent, des tensions dans différents conflits créés par des décennies de guerres lancées par l’OTAN soulèvent directement le danger de conflits entre l’OTAN, la Russie et la Chine. Il y a:

*L’effondrement des pourparlers américains avec la Corée du nord, voisine de la Russie et de la Chine, et que Trump a menacé de «feu et de colère comme le monde n’en a jamais vu», c’est-à-dire de guerre nucléaire. A présent, Washington laisse entendre qu’il pourrait recommencer les exercices avec la Corée du sud qui ont mobilisé 23.000 troupes américaines et 300.000 troupes sud-coréennes pour préparer une attaque «pré-emptive» contre la Corée du nord.

*Les avertissements russes que le renseignement britannique prépare une attaque chimique à Idlib en Syrie, région tenue par les milices islamistes liées à l’OTAN, qui servirait d’excuse à un nouveau bombardement par l’OTAN de la Syrie, comme en avril. «Nous avons fortement mis en garde nos partenaires occidentaux de ne pas jouer avec le feu», a dit le ministre russe des Affaires Étrangères, Sergueï Lavrov, alors que le contre-torpilleur américain USS Ross arrivait dans la région.

*L’assassinat d’Alexandre Zakhartchenko, chef de la République populaire de Donetsk séparatiste et prorusse dans l’est de l’Ukraine, dans un attentat à la bombe vendredi. Moscou a fait savoir qu’il considérait qu'il s'agissait d'un attentat mené par le régime ukrainien pro-OTAN à Kiev.

La responsabilité pour ce danger de guerre incombe surtout aux puissances impérialistes, à Washington et à l’Union européenne. Pendant un quart de siècle depuis la dissolution stalinienne de l’URSS en 1991, ils ont intensifié leurs interventions militaires à travers l’Eurasie, de Yougoslavie à l’Irak et la Syrie, jusqu’en Afghanistan et au-delà. Washington a tenté de préserver son hégémonie mondiale par des guerres qui ont fait des millions de victimes et dévasté des pays entiers.

Washington a ouvertement menacé Moscou et Beijing en janvier dans sa National Security Strategy, qui abandonnait la fiction selon laquelle il existe une «guerre contre la terreur» et traitait la Russie et la Chine de cibles. Le secrétaire à la Défense américain, James Mattis, les a dénoncées en tant que «puissances révisionnistes» qui menaçaient l’ordre mondial pro-USA et a déclaré: «La rivalité entre grandes puissances, pas le terrorisme, est l’objet principal de la sécurité nationale américaine.»

Moscou et Beijing déclarent à présent que ces exercices sont une réponse à la National Security Strategy et à l’activité militaire mondiale de Washington. Les médias russes citent le commentateur russe Mark Sleboda, selon lequel ces exercices interpellent Washington et sont «une réponse à leur stratégie de sécurité nationale, ainsi qu’aux postures américano-otaniennes dans la mer de Chine méridionale, dans les détroits du Taïwan, et avec ... le positionnement permanent de troupes que l’on voit sur les frontières occidentales de la Russie.»

Sleboda a carrément déclaré que Moscou et Beijing lancent des exercices militaires antimissiles conjoints pour se préparer à une guerre nucléaire mondiale, car ils «considèrent que tout conflit stratégique nucléaire incluant l’un inclurait naturellement l’autre.»

Beijing a déclaré que ces exercices ont vocation à «renforcer le partenariat militaire stratégique entre les deux pays, intensifier l’amitié et la coopération entre les deux armées et accroître encore la capacité conjointe des deux pays à répondre aux menaces sécuritaires.»

L’ampleur des exercices russo-chinois semble être un signal lancé aux stratèges et aux hauts responsables des puissances impérialistes, que Moscou et Beijing craignent sérieusement être au bord d’un conflit nucléaire.

Sur Twitter, François Heisbourg de la Fondation de recherche stratégique et de l’International Institute for Strategic Studies à Londres écrit: «Ce nouvel exercice dépasse ce qui serait utile à des fins de prestige. 30 pour cent des forces russes d’active y participent, ce qui coûte cher alors que le budget militaire russe est sous pression. Cela n’a de sens que si l’on considère une guerre majeure comme une éventualité à haute probabilité.»

Le South China Morning Post a cité Jonathan Holslag de l’Université libre de Bruxelles, pour qui ces exercices sont «un signal de dissuasion». Il a ajouté: «Cela démontre que même si une défiance réelle persiste entre Moscou et Beijing, Moscou n’a pas d’autre choix que de travailler avec la Chine, surtout vu que les relations avec Washington sont toujours instables et que seul le soutien financier chinois atténue l’impact des sanctions occidentales.»

La politique russo-chinoise, fondée dans le nationalisme réactionnaire des oligarchies capitalistes post-soviétiques des deux pays, n’offre aucune perspective de lutte contre la guerre impérialiste. Ces régimes ne peuvent faire appel à l’opposition à la guerre du prolétariat mondial. Ils oscillent entre risquer un conflit total avec les puissances impérialistes qui pourrait anéantir l’humanité, et implorer Washington et ses alliés (que Moscou traite de «partenaires occidentaux») de négocier.

Alors que Trump menace l’Europe d’une guerre commerciale, Moscou espère diviser l’OTAN et mobiliser les impérialistes européens contre Washington. Berlin a indiqué un certain intérêt aux propositions russes de pourparlers sur la Syrie avec la Turquie et la France, principale alliée du projet allemand de militariser l’UE, qui excluraient Washington. Cette stratégie russe est toutefois condamnée, car elle signifie applaudir aux dépenses de centaines de milliards d’euros pour renforcer des appareils militaires dirigés, comme le démontrent les exercices de l’OTAN, contre la Russie.

Comme au début du 20e siècle, les régimes capitalistes rivaux titubent au bord d’une guerre mondiale, cette fois avec des armes nucléaires. Rien n’arrêtera cette poussée vers la guerre sauf une intervention consciente de la classe ouvrière. Le principal danger est les masses de gens ne sont pas pleinement conscients de l’immédiateté du risque; c’est pour cela que le WSWS souligne l’urgence de constuire un mouvement international anti-guerre dans la classe ouvrière, fondé sur une perspective anti-capitaliste et anti-impérialiste.

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