Vingt-cinq ans après Oslo, une catastrophe grandissante pour les Palestiniens

Ce Jeudi a marqué le 25ᵉ anniversaire de l’adoption des Accords d’Oslo par le dirigeant de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Yasser Arafat, et le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin lors d’une réunion à Washington présidée par le président Bill Clinton.

Les Accords étaient censés initier un « processus de paix » qui aboutirait à un règlement négocié entre Israël et les Palestiniens sur des questions telles que les frontières entre Israël et un État palestinien, l’avenir des colonies sionistes illégales, le statut de Jérusalem et le droit de retour des réfugiés palestiniens.

L’accord a été présenté comme une voie vers la réalisation du « droit du peuple palestinien à l’autodétermination », censé être atteint par une « solution à deux États », créant une entité nationale palestinienne sur les terres occupées par Israël en 1967.

L’anniversaire a été à peine commémoré que ce soit en Israël, ou dans les territoires palestiniens occupés. Une petite réunion à l’hôtel American Colony à Jérusalem-Est, a mis en scène des responsables palestiniens et israéliens qui avaient soutenu les Accords, a été dispersée par un groupe de jeunes manifestants palestiniens en colère.

Certaines parties de la presse israélienne ont publié des articles déplorant les « occasions manquées » du soi-disant processus de paix, tout en attribuant de manière équitable la faute à chacun. En réalité, Oslo a précisément servi le but auquel il était destiné, à savoir de fournir une couverture à une agression israélienne incessante au cours du dernier quart de siècle.

Les responsables américains et israéliens ont commémoré cet anniversaire par la poursuite agressive d’une politique qui est déterminée, d’une façon éhontée par les éléments les plus à droite de l’État israélien. Elle est consacrée à forcer les responsables palestiniens à renoncer sans équivoque à toutes les revendications et à tous les droits du peuple palestinien, ce que le président Donald Trump décrit comme son « accord du siècle ».

Lundi, Trump a ordonné la fermeture de l’ambassade de facto de l’OLP à Washington. Cela fait suite à une série de mesures de plus en plus sévères prises par Washington pour soutenir le régime israélien du Premier ministre Benjamin Netanyahu et mettre les Palestiniens à genoux en les affamant.

Il s’agit notamment de la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël et du transfert de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem, des actes qui répudient la politique américaine antérieure et les prétentions palestiniennes au statut de la ville. Le département d’État, quant à lui, a abandonné le mot « occupé » dans ses références aux territoires palestiniens.

Plus important encore, Washington a coupé près de 600 millions de dollars d’aide aux Palestiniens appauvris de Cisjordanie, de Gaza et des camps de réfugiés dans le monde arabe, tout en répudiant l’existence même des réfugiés palestiniens ainsi que l’agence des Nations Unies qui les aide, l’UNRWA. Les États-Unis ont mis fin à tout financement de l’UNRWA, qui s’élevait l’an dernier à 350 millions de dollars, éliminant également une aide de 200 millions de dollars via l’USAID et, dans un acte particulièrement mesquin et vindicatif, annoncé qu’ils mettraient fin à 25 millions de dollars d’aide précédemment accordée aux six hôpitaux qui répondent principalement aux besoins des populations palestiniennes à Jérusalem. Les conséquences seront une population affamée, des enfants privés d’éducation et des malades qu’on laissera mourir.

Trump a laissé tomber la façade usée du « processus de paix » promu par les administrations américaines successives depuis celle de Clinton, alors même que les négociations se révélaient de plus en plus inutiles et se sont soldées par une rupture irrévocable il y a plus de dix ans.

Avec le soutien inconditionnel de Washington, le gouvernement Netanyahu a récemment adopté une loi déclarant qu’Israël était « l’État-nation du peuple juif », renonçant à la reconnaissance formelle de l’égalité de tous les citoyens et faisant de l’apartheid un principe constitutionnel.

Au cours du quart de siècle écoulé depuis qu’Arafat, Rabin et Clinton se retrouvèrent dans la roseraie de la Maison-Blanche, les conditions de vie des masses palestiniennes se sont fortement détériorées. Entre temps, Israël, soutenu par Washington, a utilisé le prétendu « processus de paix » comme écran de fumée pour saisir des quantités toujours plus importantes de terres palestiniennes, étendre la vaste expansion des colonies en Cisjordanie occupée et consolider ce qui équivaut à un État d’apartheid.

Le nombre d’Israéliens vivant en Cisjordanie eut presque doublé à la fin des années 90. Aujourd’hui, ils sont trois fois plus nombreux qu’en 1993, avec près de 700 000 personnes vivant en Cisjordanie et 200 000 autres installés sur des terres palestiniennes à Jérusalem-Est.

Ces « faits sur le terrain » ont été complétés par la séparation militaire israélienne de la Cisjordanie de Gaza et de Jérusalem et le découpage de la Cisjordanie en un ensemble de Bantoustans isolés par des murs, des routes de sécurité et des centaines de postes de contrôle israéliens.

À Gaza, gouvernée par le mouvement islamiste du Hamas, les conditions sont « catastrophiques » après 11 ans de « siège économique », selon les termes d’un nouveau rapport publié par une agence des Nations Unies. Ce siège comprenait des attaques militaires israéliennes répétées qui ont détruit des milliers de vies et des infrastructures de base.

L’agence de développement des Nations Unies, la CNUCED, a imputé les conditions à la fois à l’étranglement économique imposé par l’occupation et le blocus israéliens et à la forte réduction de l’aide internationale qui a chuté de plus de 10 pour cent en 2017 par rapport à l’année précédente, bien avant les réductions massives du gouvernement Trump.

Le rapport indique que la population de la bande de Gaza a été « réduite à un cas humanitaire de souffrance profonde et de dépendance à l’aide ». Il note que le taux de chômage dans les territoires palestiniens occupés est le plus élevé de la planète – environ 27 pour cent au total et 44 pour cent à Gaza. La moitié des Palestiniens de moins de 30 ans n’ont pas de travail dans les territoires occupés.

La seule création durable des Accords d’Oslo est la monstruosité connue sous le nom d’Autorité palestinienne (AP) dirigée par Mahmoud Abbas, un président non élu qui gouverne par décret. L’Autorité palestinienne a enrichi une mince couche de la bourgeoisie palestinienne de pots-de-vin, tout en servant à contrôler la population de Cisjordanie dans l’intérêt d’Israël et de l’impérialisme. Le territoire a le ratio le plus élevé de forces de sécurité par rapport à la population de tous les territoires de la planète, et les prisons sont construites à un rythme plus rapide que les écoles.

Alors même que Trump faisait ses gestes démonstratifs pour fermer le bureau de l’OLP à Washington et interrompre l’aide humanitaire, le financement américain pour la police militarisée de l’AP s’est poursuivi sans interruption et une délégation de responsables de la sécurité et du renseignement de l’AP s’est rendue à Washington au début de ce mois-ci pour des négociations avec la CIA.

Le chemin de l’OLP vers les Accords d’Oslo comprenait une série de négociations secrètes organisées par la Norvège, et la déclaration publique d’Arafat à Genève en 1988 selon laquelle l’OLP renonçait au terrorisme et reconnaissait « le droit de toutes les parties au conflit à exister en paix et en sécurité. »

Pressé par les médias occidentaux pour aller plus loin et reconnaître Israël, Arafat a répondu amèrement : « Cela suffit. Voulez-vous que je fasse un strip-tease ? Ce serait inconvenant. »

Le strip-tease a finalement été consommé sur la pelouse de la Maison Blanche cinq ans plus tard.

L’héroïsme et le don de soi des combattants de l’OLP avaient inspiré les travailleurs et les jeunes du Moyen-Orient. L’OLP était cependant un mouvement qui représentait en fin de compte les aspirations nationalistes d’une bourgeoisie palestinienne en exil et était incapable, et peu disposé, à lancer un véritable appel à la classe ouvrière arabe et aux masses opprimées. Elle restait tributaire des régimes réactionnaires d’Égypte, de Syrie, de Jordanie, du Liban et d’autres pays, alors même qu’ils collaboraient à la persécution des Palestiniens par Israël et menaient des attaques directes contre eux, notamment le massacre de « septembre noir » en 1970 des Palestiniens par la Jordanie et la complicité de la Syrie dans le massacre par les phalangistes libanais des Palestiniens dans les camps de Karantina et de Tel al Zaatar en 1975.

Au bout du compte, il y avait une logique inexorable à la capitulation de l’OLP face à l’impérialisme et à sa transformation – qui comprenait l’isolement forcé et la mort inexpliquée d’Arafat en 2004 – en un instrument ouvert d’oppression des personnes qu’il prétendait libérer. Son évolution a suivi un parcours emprunté à maintes reprises par d’autres mouvements qui avaient promis la libération nationale par la lutte armée, notamment le Congrès national africain en Afrique du Sud, les sandinistes au Nicaragua, le FMLN au Salvador et d’autres.

L’OLP avait cherché à assurer sa survie au moyen de manœuvres entre les différents régimes arabes et en exploitant le conflit de la guerre froide entre Washington et la bureaucratie stalinienne de Moscou. Un élément de ce marché faustien était une neutralité explicite en relation avec la lutte de classe au sein des États arabes.

À la fin des années 1980, le prix à payer pour ce marché tomba à échéance à mesure que de profonds changements dans le capitalisme mondial, fondés sur une intégration mondiale de la production toujours croissante, sapaient les forces mêmes dont avait dépendues l’OLP. Le passage de la bureaucratie stalinienne à la restauration du capitalisme et à la liquidation de l’Union soviétique s’est accompagné du virage des régimes arabes supposément nationalistes vers une collaboration toujours plus étroite avec l’impérialisme.

Dans les territoires palestiniens eux-mêmes, ce processus a été accompagné par la première Intifada. Cette rébellion spontanée a éclaté parmi les travailleurs et les jeunes indépendamment et finalement contre l’opposition des dirigeants de l’OLP, qui craignaient que cette lutte d’en bas ne menaçât son projet de création d’un État bourgeois indépendant.

L’impasse et la dégénérescence indéniables auxquelles est confronté ce projet nationaliste, 25 ans après les Accords d’Oslo, ont apporté une nouvelle confirmation de la théorie de la révolution permanente développée par Léon Trotsky. Dans les pays opprimés, les tâches démocratiques et nationales qui dans le passé ont été associées à la montée de la bourgeoisie ne peuvent être réalisées à l’époque de l’impérialisme que par la mobilisation révolutionnaire indépendante de la classe ouvrière basée sur une perspective socialiste et internationaliste.

La libération du peuple palestinien ne sera jamais réalisée par des négociations arrangées par les impérialistes pour une « solution à deux États ». Mettre fin à des décennies d’oppression, de pauvreté et de violence ne peut être réalisé que par l’unification de la classe ouvrière juive et arabe dans la lutte pour une fédération socialiste du Moyen-Orient dans le cadre de la lutte pour mettre fin au capitalisme dans le monde entier.

Voir aussi :

Yasser Arafat : 1929-2004

(Article paru en anglais le 14 septembre 2018)

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