Les sociaux-démocrates allemands feignent une opposition à l’AfD fasciste

Dans les débats sur le budget la semaine dernière au Parlement allemand, les sociaux-démocrates (SPD) ont tenté frauduleusement de se présenter comme adversaires de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) néo-fasciste.

Après que Alexander Gauland le président de l’AfD a ouvert le débat mercredi avec une de ses tirades infâmes contre les réfugiés et les gens de gauche, l’ancien président du SPD et ancien candidat au poste de chancelier Martin Schulz est venu au micro. « Réduire les problèmes politiques complexes à un seul problème, faisant généralement référence à une minorité dans le pays, est un moyen traditionnel du fascisme », a-t-il déclaré. « Nous avons vu cela présenté encore aujourd’hui. Les immigrés sont coupables de tout. »

Puis il a ajouté, « Il y a eu le même langage dans cette Chambre avant, et il est temps de riposter contre ce genre de réarmement rhétorique, qui à la fin conduit à une désinhibition, dont le résultat est la violence dans les rues. » Schulz a commenté une déclaration antérieure du chef d’AfD,

« Hitler et les nazis sont juste une chiure d’oiseau dans plus de mille ans de succès de l’histoire allemande », en disant : « M. Gauland, une grande quantité de fiente d’oiseaux ça fait un tas de merde, et vous appartenez au sommet de cela dans l’histoire allemande. »

La prestation de Schulz, qui a été mise en évidence dans tous les médias et émissions d’actualités, a un objectif transparent. À la suite des émeutes d’extrême droite à Chemnitz, qui ont suscité un choc et l’indignation des travailleurs et des jeunes en Allemagne et partout dans le monde, les politiciens de l’establishment et les médias tentent de dissimuler leur propre responsabilité dans le comportement provocateur de l’AfD et des gangs néo-nazis organisés. Après la déclaration de Schulz, les représentants du SPD, du Parti de gauche et des Verts se levèrent de leurs sièges, ainsi que des parlementaires chrétiens-démocrates (CDU / CSU) et des démocrates libres (FDP), et ont donné une ovation à Schulz.

Au cours du débat les dirigeants de presque tous les partis de l’establishment ont feint l’indignation contre les attaques extrémistes de droite à Chemnitz et leur incitation par l’AfD. « Non, il n’y a aucune excuse ni justification pour l’incitation, l’utilisation de la violence, les slogans nazis, l’hostilité envers les gens à l’apparence différente, qui possèdent un restaurant juif, les attaques contre la police », a déclaré la chancelière Angela Merkel (CDU). Dans son discours, le politicien SPD Johannes Kahrs a remercié Schulz pour son « message clair » et a interpellé les députés AfD disant, « Regardez dans le miroir et voyez ce qui a conduit cette république dans la misère dans les années 1920 et 30. » En réponse, le groupe AfD s’est levé et a quitté la salle plénière en bloc pendant quelques minutes.

Toutes les gesticulations dans le Bundestag ne peuvent pas cacher le fait politique central : L’AfD n’est pas « combattue » par le gouvernement de la Grande coalition. Le gouvernement la fait monter consciemment. Les extrémistes de droite ne peuvent se comporter de façon si provocante que parce que les partis de l’establishment ont adopté de fait les politiques de l’AfD, ont conclu des pactes avec les extrémistes de droite et leur ont accordé une influence toujours plus grande dans l’appareil d’État, les forces de sécurité et dans les parlements fédérés et au parlement fédéral.

Le SPD a joué un rôle de premier plan dans la légitimation de l’AfD. Avec sa décision de poursuivre la grande coalition avec les démocrates-chrétiens, le SPD a mis l’AfD à la tête de l’opposition parlementaire officielle, alors qu’elle n’a reçu que 12,6 pour cent des voix aux élections législatives de l’automne dernier. C’est la seule raison pour laquelle Gauland et compagnie peuvent ouvrir des débats parlementaires avec des tirades fascisantes.

Le responsable politique de l’AfD, Stephan Brandner, doit son poste de président de la puissante commission parlementaire des affaires juridiques au SPD. C’est le vice-président social-démocrate du Bundestag Thomas Oppermann qui y avait nommé Brandner, un représentant de l’aile völkisch-nationaliste de l’AFD et un proche collaborateur du dirigeant AfD ouvertement d’extrême droite de Thuringe Björn Hocke, dans un scrutin secret.

Jeudi, les médias ont confirmé des reportages dans les médias selon lesquels Brandner avait rencontré Hans-Georg Maaßen, le président du service secret de l’Allemagne (BFV) pour discuter de son « rapport de protection constitutionnelle » annuel.

« Après mon élection à la présidence du comité, j’ai reçu une lettre de M. Maaßen disant qu’il souhaitait une rencontre pour une discussion bilatérale », a déclaré M. Brandner. La réunion a ensuite eu lieu le 13 juin dans le bureau de Brandner. La discussion a porté sur « non seulement le nombre d’acteurs islamistes, mais les acteurs politiques, les acteurs dans leur ensemble » et aussi

« le rapport de protection constitutionnelle. » D’autre part, il n’y eut « aucune discussion du tout » sur le AfD, a-t-il dit.

Ce que cela signifie est clair. Le rapport sur la protection constitutionnelle, publié par la grande coalition et avec une introduction du ministre de l’Intérieur, Horst Seehofer (CSU), a été préparé en étroite coopération avec l’AfD. Déjà mardi, Gauland s’est félicité du fait que Maaßen l’avait même rencontré trois fois.

Alors que l’AfD et sa périphérie d’extrême droite ne figurent dans le rapport qu’en tant que

« victimes » de prétendus « extrémistes de gauche », toute opposition au capitalisme, au nationalisme, à l’impérialisme et au militarisme est stigmatisée comme « d’extrême gauche » et « anti-constitutionnelle ». Entre autres, le Sozialistische Gleichheitspartei (SGP, Parti de l’égalité socialiste) est répertorié comme un « parti d’extrême gauche » et « objet d’observation ».

Toute la critique hypocrite du SPD concernant Maaßen et l’AfD ne peut cacher le fait que les sociaux-démocrates aient non seulement appuyé pleinement cette décision, mais l’ont activement prônée. À la suite des protestations de masse contre le sommet du G20 à Hambourg l’année dernière, les dirigeants du SPD ont participé à la campagne de diffamation contre l’opposition0 à l’AfD venant de la gauche. Par exemple, l’ancien ministre social-démocrate de la justice et actuel ministre des affaires étrangères, Heiko Maas, a appelé à un concert « Rock contre la gauche » et à la création d’une base de données européenne pour les gens de gauche supposés radicaux.

À l’Université Humboldt de Berlin (HU), la présidente social-démocrate de l’Université, Sabine Kunst, cherche à supprimer « 'extrémisme de gauche » en étroite coopération avec l’AfD. Suite à une demande du vice-président de l’AfD Berlin, Martin Trefzer, Mme Kunst a poursuivi le conseil étudiant de l’HU en juillet afin d’obtenir les noms complets de tous les orateurs et de leurs adjoints. Les listes requises par elle et par l’AfD permettraient aux cercles d’extrême droite d’intimider et d’attaquer les étudiants qui les dénoncent. En outre, Kunst cherche à défendre le professeur de Humboldt Jörg Baberowski, de la droite radicale, contre les critiques croissantes des étudiants. Baberowski est un porte-drapeau idéologique de l’AfD qui s’attaque agressivement aux réfugiés et minimise les crimes des nazis. Au début de 2014, il a déclaré à l’hebdomadaire Der Spiegel : « Hitler n’était pas brutal ».

Tout cela est conforme au fait que la dirigeante du SPD Andrea Nahles ait été d’accord avec Merkel et le ministre de l’Intérieur, Horst Seehofer jeudi pour ne pas limoger Maaßen mais continue à vaquer aux affaires du gouvernement, au moins pour le moment, avec quelqu’un qui est de facto l’homme de l’AfD à la tête du service secret. Ce fut « une bonne et sérieuse conversation dans le but de poursuivre la coopération », a déclaré le porte-parole du ministère fédéral de l’intérieur. En d’autres termes, la grande coalition intensifiera encore son virage à droite !

Les travailleurs et les jeunes qui cherchent à affronter la résurgence du fascisme doivent comprendre ses causes politiques et historiques. Le débat au Bundestag a mis en lumière les raisons pour lesquelles la formation et le renforcement des forces extrémistes de droite redeviennent un objectif politique pour la classe dirigeante. En fin de compte, la promotion de l’extrême droite est motivée par les mêmes problèmes qui ont mené à la catastrophe dans les années 1930. Les élites allemandes réagissent à la crise historique du capitalisme, aux mouvements de guerre globaux et aux tensions croissantes entre les grandes puissances en retournant à une politique étrangère de grande puissance agressive et à une augmentation massive des dépenses militaires.

Dans le débat budgétaire, la grande coalition a présenté un programme militariste qui ne peut être imposé qu’en établissant une dictature. Le ministre social-démocrate des finances, Olaf Scholz, a justifié son budget d’austérité par la nécessité des plans de réarmement et de guerre les plus complets en Allemagne depuis la fin de la seconde guerre mondiale. « C’est aussi une question de politique de sécurité. Ici, dans ce budget, nous discutons des questions que nous devons mettre en mouvement ensemble afin que l’aide au développement et la Bundeswehr (Forces armées) soient mis en place afin de pouvoir relever les défis internationaux ». Il a dit qu’il profiterait de davantage de liberté pour « organiser une assistance supplémentaire en matière de défense et de développement ».

Dans ses remarques, Mme Merkel a confirmé les plans du gouvernement pour une mission de combat contre le gouvernement syrien. « Le simple fait de dire qu’on peut détourner les yeux lorsque des armes chimiques sont utilisées quelque part et qu’une convention internationale n’est pas respectée, ne peut pas être la solution ». Et « dire simplement “non” dès le départ, peu importe ce qui se passe dans le monde, ne peut pas être l’attitude allemande, mes chers amis. »

Les partis d’opposition « de gauche » au Bundestag soutiennent la politique de droite de la grande coalition. Dans leurs discours, les représentants du Parti de gauche et des Verts se sont rangés derrière Merkel et l’ont applaudie, ainsi que d’autres porte-parole du gouvernement, encore et encore. Leur principale critique était que le gouvernement ne mettait pas suffisamment en œuvre son propre programme. « Prenez cette responsabilité enfin ! Dans chacun de vos bureaux ministériels, affichez les titres de votre accord de coalition : « Une nouvelle cohésion pour notre pays », « Une nouvelle dynamique pour l’Allemagne" », a déclaré le dirigeant du Parti de gauche, Dietmar Bartsch, à la fin de son discours à lui.

L’unique force sociale capable de stopper l’offensive de droite de la classe dirigeante et de ses partis est la classe ouvrière internationale. Le Sozialistische Gleichheitspartei organisera dans les prochaines semaines des événements dans toute l’Allemagne pour armer politiquement l’opposition massive chez les travailleurs et les jeunes contre la résurgence du fascisme avec un programme socialiste. Nos demandes sont :

*Arrêtons la conspiration de la grande coalition, de l’appareil d’État et des extrémistes de droite !

*Plus de guerre ! Arrêtons le retour de l’Allemagne la politique de grande puissance militariste !

*Abolition des services secrets et arrêt immédiat de la surveillance du SGP et des autres organisations de gauche !

*Défense du droit d’asile ! Non à l’augmentation des pouvoirs et de la surveillance de l’État !

*Mettons fin à la pauvreté et à l’exploitation – pour l’égalité sociale ! La richesse de l’oligarchie financière, des banques et des grandes entreprises doit être expropriée et placée sous contrôle démocratique !

(Article paru en anglais le 15 septembre 2018)

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