Québec: le Syndicat des Métallos fait parader les partis de l’establishment devant les travailleurs d’ABI

Après plus de huit mois de lock-out à l’Aluminerie de Bécancour, le président de la section locale 9700 des Métallos, Clément Masse, s’est vanté d’avoir reçu l’appui des quatre principaux chefs de parti durant la campagne pour l’élection québécoise du 1er octobre.

Ceux qu’il a présentés aux travailleurs d’ABI comme étant leurs alliés dirigent en fait des partis de l’establishment qui ont soit directement imposé des mesures draconiennes d’austérité (le Parti libéral et le Parti québécois), soit exigé une accélération des attaques anti-ouvrières (la Coalition Avenir Québec), ou bien travaillé étroitement avec la bureaucratie syndicale (dans le cas de Québec solidaire) pour étouffer la colère sociale des travailleurs, isoler leurs luttes et les subordonner politiquement au PQ.

Le Syndicat des Métallos accueille le soutien hypocrite de ces représentants de l’élite dirigeante parce qu’il est foncièrement opposé à la seule stratégie capable de rompre l’isolement des travailleurs d’ABI en lock-out, à savoir de lancer un appel aux autres sections de la classe ouvrière pour venir à leur défense dans le cadre d’un vaste mouvement d’opposition à toutes les attaques patronales contre les emplois, les salaires, les pensions et les services publics.

Le parti libéral, un parti traditionnel de l’élite dirigeante québécoise qui a gouverné presque sans interruption depuis 2003, a imposé sous Philippe Couillard des mesures d’austérité sauvages ayant dévasté les services publics. En plus d’avoir adopté des lois spéciales pour criminaliser des grèves dans la construction, les libéraux ont imposé – avec la collaboration des syndicats – des reculs significatifs à plus d’un demi-million de travailleurs du secteur public en 2015-2016.

La Coalition Avenir Québec (CAQ), dirigée par l’ancien homme d’affaires millionnaire et ex-ministre péquiste François Legault, réclame un démantèlement plus rapide de ce qui reste de l’État-Providence et des réductions d’impôts plus importantes pour les grandes entreprises et les riches. Encourageant le chauvinisme québécois de manière éhontée, la CAQ propose d’expulser les nouveaux immigrants qui échouent après trois ans un test de langue française et de «valeurs québécoises».

Le Parti québécois, qui gouverne depuis les 50 dernières années en alternance avec le PLQ, a sauvagement attaqué les travailleurs lors de la récession du début des années 1980 et à partir de 1996, sous Lucien Bouchard puis Bernard Landry, il a sabré massivement dans les dépenses sociales au nom du «déficit zéro». Un proche allié politique de la bureaucratie syndicale, le PQ camoufle également son programme de droite derrière des appels nationalistes et xénophobes.

Pour sa part, malgré ses prétentions «de gauche», Québec Solidaire est un parti pro-capitaliste des classes moyennes aisées. Orbitant depuis sa création autour du PQ, son principal objectif est de se tailler une plus grande place dans l’establishment politique. Sa co-porte-parole, Manon Massé, a récemment déclaré que son parti serait prêt, s’il détenait la balance du pouvoir, à soutenir un gouvernement minoritaire du PQ, ou même de la CAQ. Alors que QS cherche à faire revivre le programme discrédité de l’indépendance du Québec (c’est-à-dire la formation d’une république capitaliste du Québec), il a défendu le débat autour de la «laïcité» comme étant légitime, donnant ainsi une couverture «progressiste» aux efforts de l’élite dirigeante pour faire des immigrants et des minorités religieuses les boucs émissaires pour la crise du capitalisme.

La tentative du chef des Métallos à ABI de semer des illusions dans les partis de l’establishment est la suite logique de la stratégie vouée à l’échec qui a été mise de l’avant par le Syndicat des Métallos depuis le début du conflit. Non seulement la section locale 9700, mais toute la bureaucratie syndicale des Métallos et de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) à qui ils sont affiliés, ont tout fait pour isoler les travailleurs de Bécancour. Les syndicats ont plutôt lancé des appels futiles aux politiciens bourgeois et aux actionnaires de l’entreprise pour leur démontrer que le lock-out est néfaste pour l’image et les profits de la multinationale. C’est d’ailleurs la seule raison pour laquelle les Métallos au Québec ont osé discuter de la grève qui prend place actuellement parmi les travailleurs d’Alcoa en Australie.

Clément Masse sème des illusions dans les partis politiques bourgeois alors que les chefs syndicaux gardent les travailleurs dans le noir par rapport aux discussions qui prennent place avec la compagnie derrière des portes closes.

Une rencontre a eu lieu le 6 septembre dernier au siège social d’Alcoa à Pittsburgh, rassemblant autour de la table des représentants des Métallos du Québec, de la United Steelworkers (USW) des États-Unis et de la haute direction d’Alcoa ainsi que le médiateur nommé par le gouvernement, Lucien Bouchard. Fait significatif, les dirigeants de la section locale étaient exclus de ces discussions.

Sans donner aucun détail sur le contenu des rencontres, le président des Métallos au Québec, Alain Croteau, a dit que les parties en présence avaient discuté de «pistes de solution pour tenter de dénouer l'impasse» et que le syndicat demeurait «disposé à négocier en bonne et due forme» lorsque le médiateur convoquera les parties.

Clairement, le syndicat s’apprête à imposer des reculs majeurs aux travailleurs d’ABI. Masse a indiqué à plusieurs reprises que le syndicat avait déjà fait d’importantes concessions et accepté des changements fondamentaux dans les régimes de retraite et les droits d’ancienneté. Malgré l’intransigeance de la multinationale, le syndicat continue de réclamer une entente négociée de «bonne foi».

Les géants de l’aluminium Alcoa et Rio Tinto, qui dirigent conjointement l’Aluminerie de Bécancour Inc., veulent faire des employés de Bécancour un exemple pour le reste de sa main-d’oeuvre dans leurs usines à travers le monde. ABI a mis ses quelque 1000 travailleurs en lock-out le 11 janvier dernier lorsque ceux-ci ont rejeté les offres patronales pour la nouvelle convention collection. Alcoa tente actuellement d’imposer des reculs similaires à ses employés en Australie, lesquels ont récemment reconduit la grève déclenchée en août dernier pour s’opposer aux demandes de concessions de la compagnie.

Les manœuvres des Métallos s’inscrivent dans la politique de longue date des syndicats, qui vise à subordonner la classe ouvrière à la classe dirigeante et au système capitaliste, et particulièrement au Parti québécois et au mouvement souverainiste. Depuis des décennies, les syndicats québécois encouragent l’idée que les travailleurs du Québec ont plus en commun avec des chefs d’entreprise francophones comme le multimillionnaire Pierre-Karl Péladeau (qui fut brièvement chef du PQ) qu’avec la classe ouvrière canadienne, américaine et internationale.

Masse a d’ailleurs ouvertement invité les travailleurs à voter PQ: «Pour moi, c’est sûr que le Parti québécois est l’un des partis qui va aider les travailleurs», a-t-il récemment déclaré. Il a également fait l’éloge de QS devant ses membres. Les principaux syndicats du Québec mènent actuellement une campagne visant à présenter les libéraux et les caquistes comme deux partis jumeaux pro-austérité, tout en gardant un silence coupable sur le PQ et son lourd bilan anti-ouvrier.

Les travailleurs d’ABI et l’ensemble de la classe ouvrière ne doivent pas tomber dans le piège de la collaboration de classe. Le conflit à Bécancour soulève l’urgente nécessité d’unir la classe ouvrière en défense des travailleurs d’ABI dans le cadre d’une lutte plus vaste pour la défense des salaires, des emplois et des conditions de vie de tous.

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