A Rome, Salvini et Le Pen lancent une campagne pour une Europe néofasciste

Sur fond de crise aiguë des principaux gouvernements de l’Union européenne (UE), les dirigeants néofascistes Matteo Salvini et Marine Le Pen, respectivement ministre de l’Intérieur italien et dirigeante du Rassemblement national (RN, ex-FN) se sont rencontrés à Rome lundi. La presse leur a offert une large couverture médiatique.

Lors d’une conférence de presse au siège du syndicat UGL, proche de la Ligue de Salvini, ils ont présenté un «projet commun pour l’Europe» visant à installer une majorité néofasciste au parlement européen. Ils ont affirmé qu’ils allaient défaire l’actuelle Union européenne (UE) et inverser la politique d’austérité de Bruxelles.

Ils ont profité de la politique d’austérité réactionnaire instaurée par des partis sociaux-démocrates et de pseudo-gauche à travers l’Europe pour se poser en défenseurs des peuples. Promettant de créer une Europe qui ne serait «pas esclave de la rigueur budgétaire qui n’épargne pas les droits sociaux», Salvini a dit: «Le Pen et moi, nous sommes en train de recueillir l’héritage social de la gauche qui a trahi ses valeurs. Nous défendons les précaires que la gauche a oubliés.»

Se posant en défenseurs de la population laborieuse et des pauvres, les deux dirigeants ont aligné les promesses démagogiques comme l‘investissement dans l’emploi et la défense des droits sociaux «piétinés par Bruxelles». «Le vrai défi est la lutte contre le malheur et la précarité», a lancé Salvini. Marine Le Pen s‘est insurgée contre le «carnage social» organisé par Bruxelles.

Le Pen a ajouté, «L'UE a piétiné les valeurs de la solidarité: maintenant nous sommes dans un moment historique. Au mois de mai nous réussirons à arriver à une union qui parte de nouvelles valeurs contre la mondialisation. C’est une lutte que nous portons avec Matteo Salvini, convaincus de la nécessité d'une alternance en Europe.» Elle a dénoncé les commissaires de l’UE, «enfermés dans le bunker de Bruxelles.»

Si les descendants politiques du fascisme italien et du collaborationnisme de Vichy se posent en héritiers des traditions de la gauche, c’est surtout grâce à l’hostilité avérée et largement reconnue des partis sociaux-démocrates et de leurs alliés envers la classe ouvrière. En 1991, la bureaucratie stalinienne a dissous l’Union soviétique et restauré le capitalisme, ce qui a spolié la classe ouvrière et dévasté l’économie soviétique. Depuis lors, le pillage des travailleurs européens et la répudiation des acquis sociaux et démocratiques obtenus au 20e siècle continue sans relâche.

Discrédités par leurs politiques d’austérité et d’État policier, Syriza (la «Coalition de la gauche radicale») et le Pasok grecs, le Parti socialiste (PS) français, le Parti social-démocratie allemand (SPD) ou encore la Rifondazione comunista italienne se sont effondrés.

A présent, sur fond de crise des marchés financiers internationaux et de montée de luttes ouvrières en Amérique et en Europe, de puissantes sections de la bourgeoisie européenne réfléchissent à l’opportunité d’installer des régimes néofascistes tels que celui de Salvini en Italie. En France, où Macron et le gouvernement Philippe sont aux abois face à la colère ouvrière contre leur programme d’austérité, Le Pen se prépare à diriger un éventuel gouvernement alternatif.

Au Corriere della Sera, elle a dit que le gouvernement Ligue-M5S (Mouvement 5 étoiles) italien est la preuve qu’elle peut arriver au pouvoir. «Nos idées peuvent arriver au pouvoir et une fois au pouvoir, nous pouvons réellement changer les choses. Matteo Salvini, à travers une politique de fermeté a été en mesure de réduire l’immigration et de secouer l‘UE», a-t-elle expliqué.

L’Europe néofasciste voulue par Salvini et Le Pen ne ferait qu’accélérer la ruée de toute la classe dirigeante européenne vers l’extrême-droite, car les deux néofascistes représentent les mêmes intérêts de classe fondamentaux que Macron ou la Grande Coalition au pouvoir à Berlin. Salvini a d’ailleurs souligné la continuité entre les intérêts défendus par l’UE et ceux défendus par lui et Le Pen en disant que dans ses projets, «l’euro n’est pas en question.»

Le vice-premier ministre italien, Luigi di Maio du M5S, a aussi fait signe aux banques sur la négociation du budget italien que Salvini veut rester dans les limites fixées par l’UE: «Maintenant débute le dialogue avec l'UE et avec les grands investisseurs privés et nous n'avons pas l'intention d'aller au conflit»

Déjà en 2017 Marine Le Pen s’était ravisée pendant la campagne présidentielle, pour abandonner sa proposition d’une sortie de l’euro, après s’être réunie avec les grandes banques françaises.

Salvini et Le Pen représentent tous les deux des partis qui ont joué un rôle majeur dans la classe politique de leurs pays depuis des décennies, essentiellement depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, même s‘ils ont longtemps opéré sur ses franges. Que ce soit le MSI héritier de Mussolini et son successeur l’Allianze Nationale, ou le FN pétainiste, on les a cultivés à coup de manœuvres politiques, de subventions d’État et de promotion médiatique.

Le Pen a aussi souligné que l’Europe néofasciste qu’elle propose avec Salvini serait l’émanation des classes dirigeantes en Europe, pas forcément celle voulue par l’ancien conseiller politique de Donald Trump, Steve Bannon, qui veut lancer un mouvement néo-fasciste international.

Elle a déclaré: «Monsieur Bannon n'est pas issu d'un pays européen, c'est un Américain. Il a suggéré une fondation qui vise à offrir aux partis souverainistes européens des études, des sondages, des analyses. Mais la force politique qui naîtra des élections en Europe, c'est nous, et nous seuls, qui la structurerons car nous sommes attachés à notre liberté, à notre souveraineté.»

A présent que la bourgeoisie européenne est confrontée à une colère sociale sans précédent, après une décennie d’austérité profonde et de guerres impérialistes depuis le krach boursier de 2008, elle met en avant une extrême-droite populiste qui prépare des États policiers dirigés contre les travailleurs.

La question centrale dans la lutte contre la montée du néo-fascisme est l’alternative posée par Léon Trotsky et par le Comité international de la Quatrième Internationale à la dissolution stalinienne de l’URSS et à la faillite de la «gauche» européenne officielle.

La décision de Marine Le Pen d’organiser en 2011 son premier congrès en tant que dirigeante du FN à Tours, lieu du congrès fondateur du Parti communiste, était un calcul conscient. Elle exploitait l’absence d’une alternative au stalinisme et à la social-démocratie sur leur gauche, visible pour les larges masses de gens, et laissait entendre que la seule alternative serait à l’extrême-droite. Elle voulait mettre en avant son parti et prétendre qu’il représentait la continuité du PC en tant que parti de masse de la classe ouvrière.

Mais cela est un mensonge historique, l’extrême-droite nationaliste ayant toujours été l’ennemi le plus acharné des travailleurs en lutte. En fait, c’est le trotskysme qui représente l’alternative à l’effondrement des PC, des partis sociaux-démocrates, et de leurs alliés, y compris ceux comme Rifondazione ou le Nouveau parti anticapitaliste qui descendent de divers renégats du mouvement trotskyste.

C’est la marée montante de luttes ouvrières à travers l’Europe, et la lutte pour les unifier et leur donner une direction révolutionnaire et trotskyste qui représentent une alternative à la vague brune qui déferle dans l’élite dirigeante européenne.

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