Les séparatistes catalans accusés de rébellion risquent une peine de 25 ans de prison

Vendredi, le procureur espagnol a déposé son accusation écrite contre les dirigeants sécessionnistes catalans en détention provisoire pour leur rôle dans le référendum sur l’indépendance de la Catalogne l’année dernière et la déclaration unilatérale de l’indépendance qui a suivi.

Le référendum a été jugé illégal par le gouvernement central du Parti populaire à Madrid et utilisé pour exercer une répression brutale à Barcelone et dans toute la Catalogne.

Les procureurs cherchent à obtenir une peine de 25 ans d’emprisonnement pour l’ancien député, vice-premier ministre régional et dirigeant du Parti républicain de Catalogne (ERC) Oriol Junqueras, et à lui interdire d’exercer des fonctions officielles pendant les 25 prochaines années. Jordi Sànchez et Jordi Cuixart, anciens présidents de l’Assemblée nationale catalane et de Òmnium Cultural, sont passibles d’une peine de 17 ans d’emprisonnement et de 17 ans d’interdiction d’exercer des fonctions officielles, à l’instar de l’ancienne présidente du Parlement catalan, Carme Forcadell. Les anciens ministres régionaux Joaquim Forn, Dolors Bassa, Raül Romeva, Josep Rull et Jordi Turull risquent 16 ans de prison.

Ils sont tous accusés de rébellion pour avoir utilisé « la violence nécessaire pour que l’issue pénale recherchée soit atteinte » : l’organisation d’un référendum sécessionniste non autorisé. Ce crime est passible d’une peine maximale de 30 ans. Pour les trois anciens ministres régionaux non incarcérés, Carles Mundó, Maritxell Borrás et Santi Vila, la peine demandée a été ramenée à sept ans d’emprisonnement pour détournement de fonds.

Dans une affaire distincte, le Tribunal national a ouvert une enquête sur quatre responsables de la police catalane l’année dernière. Les procureurs ont annoncé qu’ils demandaient 11 ans d’emprisonnement pour l’ancien chef de la police régionale, Josep Lluis Trapero.

Les deux procès devraient commencer début 2019.

Au cours de la crise catalane, la véritable violence a été perpétrée par l’État espagnol, qui a déployé 16 000 policiers qui ont agressé violemment des électeurs, y compris des personnes âgées, faisant plus de 1000 blessés. Il a ensuite emprisonné des politiciens nationalistes catalans en détention provisoire et imposé un exécutif non élu à la région. Au plus fort de la crise, le gouvernement central du PP menaça d’une intervention militaire directe.

L’année dernière, 120 juristes, pour la plupart ouvertement hostiles à la cause sécessionniste catalane, ont signé un manifeste qualifiant l’accusation de rébellion et de sédition de fraude judiciaire. Le manifeste indiquait : « Ce n’est que si l’on viole très gravement les principes de la loi que l’on peut affirmer que l’accusé, compte tenu des faits qui lui sont imputés, aurait pu commettre ce crime ou un complot de rébellion ce qui requiert un accord commun de l’exécuter avec

violence. »

Des tribunaux extérieurs à l’Espagne ont également rejeté l’accusation de « rébellion ». Au début de l’année, la Haute Cour allemande du Schleswig-Holstein avait déclaré que l’ancien Premier ministre régional catalan, Carles Puigdemont, qui s’était enfui l’année dernière pour ne pas être arrêté, ne pouvait être extradé vers l’Espagne sur une accusation allemande équivalente. La cour a affirmé que « les affrontements violents avec les gardes civils ou la police nationale n’ont pas atteint un point où l’ordre constitutionnel était menacé en Espagne. »

Un mois plus tard, un tribunal belge a statué que les trois mandats d’arrêt européens contre trois ex-ministres catalans exilés, Meritxell Serret, Antoni Comin et Lluis Puig, étaient « irréguliers ». Depuis lors, pour éviter des décisions plus embarrassantes, la Haute Cour d’Espagne a retiré tous les mandats d’arrêt européens contre les séparatistes catalans qui ont fui l’Espagne.

En juin on a vu l’installation d’un gouvernement dirigé par le Parti socialiste minoritaire (PSOE), soutenu par le parti de pseudo-gauche Podemos et les partis nationalistes catalans et basques. Cependant, bien que le Premier ministre Pedro Sánchez ait exhorté au dialogue avec les séparatistes afin de résoudre la crise, la répression contre les dirigeants catalans se poursuit.

Le même jour où le parquet déposa ses accusations contre les sécessionnistes, des procureurs représentant le gouvernement Sánchez demandèrent que les accusés soient inculpés de sédition. Cette accusation est moins lourde pour les suspects accusés de subversion de la constitution ou de l’État espagnol, mais est passible d’une peine de 15 ans. Cela incarne le prétendu programme « progressiste » du PSOE : détenir des prisonniers politiques pendant 15 ans au lieu de 30 !

En outre, pour apaiser les accusations de droite selon lesquelles le gouvernement « apaiserait » les nationalistes catalans, le ministre de la Justice Dolores Delgado a déclaré : « Ce n’est pas une affaire de gestes [envers les séparatistes]. C’est une question judiciaire et technique d’application de la loi de manière professionnelle. »

Le Président catalan, Quim Torra, a accusé Sánchez d’avoir manqué « une occasion en or de retirer le conflit catalan des tribunaux et de le remettre sur la scène politique, comme il se doit ». Il a ajouté que Sánchez avait « décidé de ne pas agir, ce qui revient à complicité avec la répression. »

Les partis séparatistes ont annoncé qu’ils ne soutiendraient plus le budget du gouvernement au parlement espagnol. Sans leur soutien, le budget ne sera pas adopté, car il se heurtera à l’opposition des partis de droite, les Ciudadanos [Citoyens] et le PP.

La droite politique, y compris VOX d’extrême droite, est néanmoins en train de monter une offensive politique, utilisant le cabotinage creux du PSOE et le refus de toute défense véritable des droits démocratiques afin de préparer sa base sociale à une nouvelle offensive contre la classe ouvrière.

S’attaquant à la décision de Sánchez d’abandonner les accusations de rébellion pour trahison, le dirigeant du PP, Pablo Casado, a tweeté : « Il y a quelques mois, Sánchez a affirmé que les séparatistes avaient commis le crime de rébellion. Il utilise maintenant la loi de l’État pour rendre service au chef catalan Torra. Otage des meneurs du coup d’État, il est trop discrédité pour continuer à présider le gouvernement et doit organiser des élections. »

Le secrétaire général des Ciudadanos, José Manuel Villegas, a accusé Sánchez d’avoir « agi comme un avocat de la défense des putschistes » dans un entretien avec la radio SER.

Les éditoriaux des principaux journaux de droite ont également attaqué le gouvernement. El Mundo a appelé à des élections anticipées « au plus vite », affirmant que « la grave crise institutionnelle ouverte par ce gouvernement irresponsable menace de saper la crédibilité du pouvoir judiciaire et d’affaiblir l’action de l’État face à la plus sérieuse tentative de détruire notre démocratie. »

Pour El Español, « il ne fait aucun doute que l’exécutif utilise ce procès pénal comme un élément de troc et de marchandage politique avec les séparatistes […] bien que pour les séparatistes insatiables, leurs cadeaux ne suffisent jamais. »

Pour le journal de droite ABC, « la réaction du séparatisme catalan à la suite des inculpations […] prouve au Premier ministre que la tactique d’apaisement est stérile vis-à-vis des auteurs de coups d’État séparatistes incontrôlables. »

Comme on pouvait s’y attendre, le parti de pseudo-gauche, Podemos, a déposé une plainte polie relative à la continuation des poursuites contre les dirigeants séparatistes par le PSOE, tout en précisant que leur collusion avec Sanchez ne sera pas affectée.

Le secrétaire général de Podemos Pablo Iglesias a déclaré que « ceux d’entre nous qui défendons le dialogue devons continuer à œuvrer pour une solution politique et mettre un terme à la judiciarisation du conflit. C’est difficile, mais c’est possible et nous devons continuer sur cette voie ». Il a soigneusement omis de mentionner les accusations de sédition du procureur du gouvernement du PSOE.

Le lendemain, Iglesias a précisé que sa principale préoccupation était le sort du gouvernement PSOE. Il a présenté ses remarques comme une défense du budget du gouvernement, qui comprend une poignée de réformes sociales, dans le cadre d’une austérité continue, tellement minimes qu’elles ont même été approuvées par l’Union européenne. Il a attaqué les sécessionnistes pour avoir annoncé qu’ils ne soutiendraient pas le budget, demandant : « Pourquoi les travailleurs doivent-ils payer pour l’autoritarisme du PP et le manque de courage du PSOE ? »

Cette posture de préoccupation pour les travailleurs est une fraude. Lors d’un événement organisé par Reuters le 27 septembre, Sanchez a clairement indiqué qu’il était prêt à renoncer à son projet d’augmentation minimale des dépenses et à respecter les objectifs de déficit fixés précédemment par le Parti populaire, si cela permet d’éviter des élections législatives anticipées. « Si nous sommes obligés de présenter un projet avec les engagements antérieurs, nous le ferons », a-t-il déclaré.

Iglesias déclare sa loyauté envers le PSOE pour la promotion d’une place pour Podemos dans un gouvernement de coalition après une élection anticipée de plus en plus probable. Au cours de ce processus, il indique clairement que son parti est prêt à contribuer à la mise en œuvre de la répression et de l’austérité de l’État.

(Article paru en anglais le 5 novembre 2018)

Loading