Des milliers d'emplois menacés dans les usines Bombardier de Belfast et Casablanca

Des milliers d'emplois de travailleurs de l'aérospatiale sont menacés à la suite de la décision de Bombardier, une multinationale canadienne de l'aérospatiale et des transports, de vendre son usine de fabrication d'ailes à Belfast.

Quatre sites – Belfast, Newtownabbey, Dunmurry et Newtownards – emploient actuellement environ 3600 personnes.

Bombardier possède des installations en Irlande du Nord depuis 1989, année où l'entreprise a acquis l'historique Shorts Brothers de Belfast.

L'usine marocaine de l'entreprise, qui emploie environ 400 personnes dans la zone économique franche de Midparc à Casablanca, est également à vendre.

La décision de Bombardier fait partie de la prochaine étape d'une restructuration mondiale, rendue nécessaire par une concurrence féroce dans l'industrie aérienne mondiale. L'entreprise tente de défendre ses marges bénéficiaires et ses dividendes aux actionnaires au détriment de sa main-d’oeuvre internationale de 70.000 travailleurs.

L'annonce a été faite par Alain Bellemare, président et chef de la direction de Bombardier, dont le salaire annuel et les autres rémunérations se sont élevés à plus de 12,5 millions $ en 2018.

À la fin de l'année dernière, l'entreprise a annoncé que 5000 emplois allaient être éliminés, dont 2500 au Canada et 490 en Irlande du Nord. Ces licenciements ont fait suite à la décision de Bombardier de vendre à Airbus son avion commercial à fuselage étroit de 150 places de la C Series, qui a été rebaptisé Airbus 220. Les ailes de l'avion sont actuellement fabriquées à Belfast.

La C Series a été le dernier avion de ligne techniquement compétitif à défier le conglomérat américain Boeing et le conglomérat européen Airbus. Mais même avec un chiffre d'affaires de 16 milliards de dollars US, Bombardier n'était pas en mesure de financer les énormes coûts de développement requis. Bombardier a également vendu son programme d'avions-turbopropulseurs Q400 et sa marque de commerce de Havilland à Longview Aviation Capital.

Au cours de la même période, le concurrent brésilien Embraer, producteur d'avions de transport régional, a vendu 80 % de ses activités dans le domaine des jets commerciaux à Boeing.

Airbus et Boeing contrôlent à eux deux la majeure partie du marché mondial des avions de ligne commerciaux. Bombardier entend limiter sa production d'avions aux jets d'affaires privés et vise à intégrer les activités de Montréal, du Mexique et du Texas en une seule unité.

La fermeture des usines de Belfast et de Casablanca n’est pas certaine. On dit que les fabricants de composants aérospatiaux les regardent de près. Il s'agit notamment d'Airbus, GKN Aerospace, US Spirit AeroSystems et Triumph Group Inc. Selon JPMorgan, le site de l'usine de fabrication d'ailes de Belfast est considéré comme un «bien précieux», tandis que le site de Casablanca est déjà une concentration de production de composants aérospatiaux principalement européens. Aucun autre licenciement n'a été annoncé.

Les offres des entreprises chinoises sont possibles. Selon Stephen Kelly, président de Manufacturing Northern Ireland, l'Aviation Industry Corporation of China et la Commercial Aircraft Corporation of China sont censées explorer des options concernant l’acquisition.

Bombardier affirme que la paralysie du gouvernement britannique au sujet du Brexit – le Parlement n'ayant pas encore adopté l'accord de retrait de la première ministre Theresa May sur l'Union européenne (UE) – n'a pas été un facteur dans sa décision. Toutefois, l'impasse et l'avenir du Royaume-Uni après le Brexit auront une incidence sur toute décision des futurs acheteurs. La direction de Bombardier a fait pression sur le Parti unioniste démocratique (DUP) pro-Brexit pour qu'il soutienne l'accord proposé par May afin d'éviter une sortie de l'UE «sans accord» et la perturbation des chaînes logistiques d'Airbus, mais sans succès.

La menace qui pèse sur des milliers d'emplois est une condamnation cinglante des syndicats Unite et GMB et de leurs apologistes dans la pseudo-gauche.

Depuis la première annonce des licenciements l'année dernière, les responsables syndicaux ont, dans le cadre de leur intégration de longue date dans la gestion de l'entreprise, tout mis en œuvre pour éviter toute mobilisation en faveur de la défense des emplois et du niveau de vie.

En novembre, Susan Fitzgerald, coordinatrice régionale de Unite et membre du Comité pour un parti socialiste affilié à l'Internationale ouvrière (Irlande du Nord), a semé l'illusion que les syndicats allaient organiser une riposte. Elle a déclaré à Belfast Live: «Unite s'engage déjà avec les syndicats représentant les travailleurs sur les sites de Bombardier en Europe et en Amérique du Nord pour apporter une réponse mondiale des travailleurs à ce programme de la course vers le bas.»

Comme pour toute promesse d'action transfrontalière de la part des syndicats nationalistes, cela n'a rien donné. Au lieu de cela, les syndicats ont simplement cherché à limiter les pertes d'emplois aux «départs volontaires». Il s'agit d'une méthode éprouvée utilisée par la bureaucratie syndicale partout dans le monde pour collaborer avec les entreprises afin d'imposer des pertes d'emplois. Le résultat est toujours le même: l'entreprise obtient les pertes d'emplois qu'elle veut tandis que les syndicats consolident leur position en tant que partenaires fiables en faisant respecter l’ordre dans la main-d’oeuvre.

Début avril, sous la pression des travailleurs de Bombardier qui ont organisé des manifestations à la porte de l'usine, les responsables syndicaux ont accepté à contrecœur de participer à un scrutin de grève contre 30 à 35 licenciements obligatoires. Le 29 avril, Bombardier a mis fin aux mises à pied obligatoires. Les syndicats ont revendiqué une grande victoire. Le secrétaire général adjoint de Unite, Steve Turner, a salué «la grande nouvelle pour les travailleurs touchés et une victoire formidable pour l'ensemble du personnel; ce succès démontre le pouvoir de nos syndicats lorsque nous sommes unis pour les emplois et les compétences».

C'était juste trois jours avant l'annonce de la vente. Les responsables syndicaux se sont immédiatement engagés à travailler avec n’importe quel acheteur potentiel. «Peu importe qui porte le nom au-dessus de la porte, ce qui compte, c'est de préserver les emplois et les compétences dans cette industrie essentielle», a déclaré Jackie Pollock, secrétaire régionale de Unite.

Steve Turner a admis qu'Unite était déjà «en contact étroit avec d'autres entreprises aérospatiales mondiales qui pourraient se porter acquéreur potentiel des structures aérospatiales de Bombardier».

Turner et Pollok s'adressent directement aux équipes de direction de l'industrie aérospatiale pour mettre leurs compétences au service de la paix industrielle en cas de vente. Le rôle de la pseudo-gauche, comme Fitzgerald et le Parti socialiste, est de préparer la voie et d'aveugler les travailleurs quant au rôle que jouent maintenant les syndicats.


Au cours des quatre dernières décennies, les syndicats ont cessé d'être les organisations défensives limitées qu'ils étaient autrefois, lorsque les travailleurs ont pu obtenir des employeurs de tel ou tel pays de meilleures conditions. Cela a été totalement sapé par l'évolution objective de l'économie mondiale qui a mondialisé tous les domaines de la vie économique.

L'industrie aérospatiale et le sort de Bombardier en sont un exemple central. Confrontés à des entreprises géantes, organisées à travers les continents et employant des dizaines et des centaines de milliers de travailleurs dans de nombreux pays et régions, les syndicats ne sont pas en mesure d'obtenir des concessions basées sur la pression exercée sur les entreprises au sein de l'État-nation. Aujourd'hui, le rôle des syndicats est transformé, leur fonction étant d'aider les entreprises et d'attirer les investissements en offrant aux entreprises de meilleurs taux d'exploitation de la main-d'œuvre et la paix sociale.

Alors que les travailleurs ont vu leurs emplois, leurs conditions de travail et leur sécurité s'évaporer, l'appareil syndical est devenu un partenaire loyal et un conseiller de la direction des entreprises. Les syndicats sont composés au sommet d'une couche de fonctionnaires bien rémunérés, et comme dans Unite, beaucoup d'entre eux sont membres d'organisations de la pseudo-gauche.

Les travailleurs de Bombardier doivent de façon urgente adapter leur lutte à l'évolution objective de la situation internationale.

De nouvelles organisations des travailleurs de la base – indépendantes des syndicats, cherchant à unifier les luttes nationales et internationales – sont nécessaires pour mener la lutte en défense des emplois et du niveau de vie. En réponse à la course mondiale vers le bas des niveaux de vie que mènent les entreprises et qui est facilitée par les syndicats, les travailleurs doivent agir comme une force internationale et unifier leur lutte avec celle des autres employés de l'aérospatiale menant les mêmes batailles.

(Article paru en anglais le 7 mai 2019)

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