Grèves des travailleurs américains en 2019: plus fréquentes qu’en 2018

Avec les nouvelles grèves survenues ce mois-ci dans les hôpitaux à Toledo en Ohio, parmi les enseignants en Orégon, au Tennessee et en Caroline du Nord et du Sud, ainsi que les grèves internationales et les protestations des chauffeurs Uber et Lyft, le nombre d'arrêts de travail majeurs aux États-Unis devrait dépasser celui de l'an dernier.

Après que les syndicats américains ont réduit les actions de grève à des niveaux historiquement bas au cours des neuf années qui ont suivi le krach financier de 2008, les travailleurs américains ont été impliqués dans 20 arrêts de travail majeurs en 2018, pour un total de 485.000 travailleurs, le plus grand nombre depuis 1986. La recrudescence du conflit de classe aux États-Unis a été l'un des éléments d'une résurgence marquée des grèves dans le monde entier, alors que les travailleurs se rebellaient contre une décennie de baisse des salaires réels, les programmes d'austérité du gouvernement et un transfert sans précédent de richesse de la classe ouvrière vers l'élite financière et patronale au pouvoir.

Grève des enseignants à Los Angeles

Depuis le début de l'année, il y a eu 17 grèves ou lock-out majeurs, impliquant au moins 229.000 travailleurs. De ce nombre, 120.900, plus de la moitié, étaient des enseignants, des employés d'école et des étudiants diplômés. Alors qu'un grand nombre des débrayages d'enseignants de l'an dernier – y compris en Virginie-Occidentale, en Oklahoma et en Arizona – ont été dirigés contre les gouvernements d'États républicains, des grèves importantes ont eu lieu cette année contre les gouvernements des villes et États dirigés par le Parti démocrate à Los Angeles, Oakland et Sacramento en Californie, Denver au Colorado, Chicago en Illinois et dans l'État d'Orégon. Bien que le syndicat tente de l'empêcher, une deuxième journée de grève des enseignants est prévue le 22 mai à Sacramento, en Californie, pour lutter contre les compressions budgétaires, les licenciements et la menace d'une mainmise de l'État sur les écoles publiques.

Sur près d'un demi-million de grévistes en 2018, 379.200, soit 78 %, étaient des éducateurs. Cette année, d'importants groupes de travailleurs de la santé, du commerce de détail et d'autres secteurs se joindront aux enseignants et aux employés des écoles. Cela comprend les 31.000 travailleurs des supermarchés Stop & Shop qui ont fait grève le mois dernier en Nouvelle-Angleterre, les 24.000 travailleurs des centres médicaux de l'Université de Californie qui ont eu des grèves d'une journée en mars et avril, et la grève en cours de 2000 infirmières, techniciens et membres du personnel de soutien au centre médical Mercy Health St. Vincent à Toledo en Ohio.

Le jeudi 16 mai, 39.000 techniciens de service et de soins aux patients de UC Medical Center seront en grève contre la sous-traitance.

Les conventions collectives d'un grand nombre de travailleurs du secteur public arrivent également à échéance cette année. À New York, l'accord couvrant plus de 40.000 travailleurs du métro et des bus expire le jeudi 16 mai. Quelque 46.000 travailleurs de la Californie ont des contrats qui expirent en juillet et sont confrontés à une bataille contre le gouverneur démocrate nouvellement élu Gavin Newsom, qui s'est engagé à poursuivre le programme d'austérité de son prédécesseur, Jerry Brown. La convention collective de la section locale 1000 du Service Employees International Union (SEIU), le plus grand syndicat de l'État, qui représente 95.000 employés, expire en janvier. La convention collective de 22.000 enseignants des écoles publiques de Chicago, dont la dernière grève remonte à 2012, expire le 30 juin.

Travailleurs des supermarchés Stop & Shop

Il n'y a eu qu'une seule grève importante cette année dans le secteur manufacturier, impliquant 1700 travailleurs qui construisent des locomotives à Érié, en Pennsylvanie, pour Wabtec, auparavant GE Transportation. Au bout de 10 jours, le syndicat United Electrical Workers (UE) a mis fin à la grève, capitulant devant les demandes de l'entreprise.

Malgré tous les efforts déployés par les Travailleurs unis de l'automobile (UAW), les Métallos et d'autres syndicats industriels, les travailleurs du secteur manufacturier qui ont souffert pendant des décennies de contrats de concession soutenus par les syndicats entrent également en lutte.

La semaine dernière, les travailleurs d'une ancienne usine de pièces automobiles Ford à Saline, au Michigan, qui appartient maintenant au conglomérat français Faurecia, ont voté à 97 % pour la grève. Le contrat de l’UAW, qui couvre 1400 travailleurs de l'usine, expire le 31 mai.

Le 14 septembre, les contrats de 150.000 travailleurs de General Motors, Ford et Fiat Chrysler expirent, les travailleurs étant déterminés à abolir les salaires à deux niveaux, à mettre fin aux fermetures d'usines et à récupérer des années de concessions, imposées avec l’appui de l’UAW, après presque une décennie de profits records pour les entreprises.

Les grèves ont également touché des sections de travailleurs de la haute technologie et des emplois précaires, notamment la grève coordonnée à l'échelle internationale la semaine dernière des conducteurs Uber et Lyft, qui combattent leur classification «d'entrepreneur indépendant», permettant aux entreprises d'autopartage d'éviter le salaire minimum, les heures supplémentaires payées, les accidents du travail et autres avantages, et transférant les frais liés au travail sur le dos des employés. Vers la fin du mois dernier, le département du Travail du président Trump a signalé qu'il soutiendrait la classification erronée de millions de travailleurs oeuvrant dans ces emplois précaires comme «entrepreneurs indépendants» au lieu d'employés.

La semaine dernière, plus de 200 travailleurs de l'industrie du jeu vidéo, employés par Riot Games, ont quitté le siège social de la société à Los Angeles pour protester contre une décision visant à forcer les travailleurs à régler des plaintes de harcèlement sexuel contre la société dans un arbitrage privé. La Cour suprême des États-Unis a récemment statué que les travailleurs ne pouvaient pas s'unir dans des recours collectifs pour s'opposer au harcèlement au travail, au vol de salaire ou à d'autres abus et devaient régler leurs griefs individuellement par arbitrage.

L'administration Trump et les démocrates du Congrès sont engagés dans un conflit amer, en grande partie à propos de la politique étrangère et de la meilleure façon de supprimer le sentiment anticapitaliste croissant, que l'aristocratie financière considère comme une menace existentielle. Les deux partis, cependant, sont unis dans leur engagement à intensifier la guerre de classe contre les travailleurs, qui a alimenté la hausse du marché boursier et canalisé des sommes incalculables dans les comptes bancaires des super-riches.

Plusieurs politiciens du Parti démocrate, dont Bernie Sanders et Sherrod Brown, membre du Congrès de l'Ohio, font semblant d’appuyer les infirmières à Toledo et d’autres travailleurs en grève. L'objectif est de renforcer la crédibilité de syndicats tels que le syndicat UAW, qui a été pris en flagrant délit de corruption pour signer des accords pro-entreprise. Les démocrates craignent que les travailleurs ne se libèrent des syndicats corrompus, qui ont longtemps réprimé l'opposition à la guerre bipartite contre la classe ouvrière.

Mais c'est précisément ce qui est nécessaire. De nouvelles organisations de comités de lutte – des comités d'usine et de travailleurs de la base, qui sont contrôlés démocratiquement par les travailleurs eux-mêmes – doivent être construites pour relier chaque section des travailleurs dans une lutte commune contre l'austérité et les inégalités sociales. Cela inclut la préparation d'une grève politique générale contre les partis du patronat et contre le système capitaliste qu'ils défendent.

Piquets de grève devant le Centre médical de Mercy Health à Saint-Vincent

Selon Trump, les démocrates et les médias de masse, les États-Unis connaissent un boom économique, avec les taux de chômage officiels les plus bas depuis 1969. Mais alors que les périodes d'expansion passées ont connu une hausse significative des salaires des travailleurs, le salaire horaire des travailleurs américains n'a augmenté que de six cents d’avril 2018 à avril 2019, selon le rapport sur l'emploi du ministère du Travail publié plus tôt ce mois-ci. Et cette augmentation dérisoire était en hausse par rapport à l'augmentation encore plus maigre de quatre cents en mars.

Compte tenu de l'inflation, les salaires réels n'ont augmenté que de 1,3 % au cours de la dernière année. En termes réels, si l'on tient compte de l'inflation, le salaire moyen actuel a à peu près le même pouvoir d'achat qu'il y a 45 ans.

Selon un sondage de la Réserve fédérale qui sera bientôt publié, cité par le Wall Street Journal, un tiers des adultes américains dits «de classe moyenne» ne peuvent se permettre une dépense surprise de 400 $, telle qu'une urgence médicale ou une facture de réparation automobile. Ces adultes confrontés à la «fragilité financière», selon les termes du gouverneur de la Fed, Lael Brainard, sont en fait des gens de la classe ouvrière, avec en 2018 des revenus des ménages entre 40.000 $ et 85.000 $.

Pendant ce temps, Wall Street a distribué des primes de 27,5 milliards de dollars l'an dernier alors que les bénéfices des entreprises, les rachats d'actions et les paiements de dividendes atteignaient des niveaux presque records. Le marché boursier oscille autour de 26.000, soit plus de quatre fois plus qu'il y a dix ans, au plus fort de la crise financière. Et ce, malgré les craintes de l'impact mondial de la guerre commerciale avec la Chine.

M. Trump demande à la Fed de réduire davantage les taux d'intérêt afin de faire grimper la moyenne Dow Jones de 10.000 points de plus, soit 40 % de plus. La seule façon pour les entreprises américaines de générer les niveaux de profit nécessaires pour soutenir ces valeurs boursières gonflées est «d'intensifier massivement les niveaux d'exploitation de la classe ouvrière», a déclaré David North, président du comité de rédaction international de WSWS et président national du Parti de l'égalité sociale (US) dans son intervention du 1er mai.

C'est l'impulsion objective qui sous-tend le virage de la classe dirigeante vers des formes autoritaires de gouvernement et la promotion du fascisme et de la guerre dans le monde. C'est aussi l'impulsion d'une croissance explosive de la lutte de la classe ouvrière, dont les statistiques actuelles de grève ne sont qu'une première et pâle expression. Ce mouvement objectif de la classe ouvrière internationale est à la base de la croissance du soutien à une alternative socialiste au système capitaliste.

(Article paru en anglais le 13 mai 2019)

Loading