Washington ordonne au personnel américain de quitter l'Irak tandis que s’intensifient les préparatifs de guerre contre l’Iran

Washington a exacerbé les tensions de guerre dans le golfe Persique en ordonnant l'évacuation de tout le personnel américain non essentiel de son ambassade à Bagdad et de son consulat à Erbil, la capitale de facto de la région kurde d'Irak.

Un porte-parole du département d'État a déclaré que cette mesure draconienne avait été prise en réponse à la «multiplication des menaces que nous voyons en Irak», mais a refusé de fournir des détails sur le danger supposé.

Les États-Unis ont procédé à un renforcement militaire massif dans la région sous prétexte d'une menace supposée de l'Iran ou de prétendus «mandataires» iraniens parmi diverses milices chiites, depuis celles organisées dans les Unités de mobilisation populaire (UMP) formées pour combattre le groupe État islamique (EI) en Irak et maintenant intégrées dans les forces de sécurité irakiennes, à celles combattant l'EI en Syrie, le mouvement Hezbollah au Liban ou les rebelles Houthi au Yémen.

Un porte-parole du département d'État a déclaré à CNN mercredi que «toute attaque du régime iranien ou de ses mandataires contre les intérêts ou les citoyens américains sera suivie d'une réponse rapide et décisive des États-Unis».

Des sources à Bagdad ont rapporté que toute la journée de mercredi, des hélicoptères ont transporté du personnel américain de l'ambassade sur le Tigre – la plus grande installation américaine du genre au monde – vers une base militaire américaine à l'aéroport de Bagdad. La dernière fois qu'une telle évacuation fut ordonnée, c'était en 2014, après que l'EI eut capturé Mossoul, la deuxième ville d'Irak, et semblait prête à marcher sur Bagdad.

Au milieu de cette action spectaculaire des États-Unis, le plus haut général britannique déployé dans le cadre de l’«Opération Inherent Resolve» (OIR), l'intervention dominée par les États-Unis en Irak et en Syrie, a déclaré aux journalistes du Pentagone qu'il n'y avait aucune menace accrue aux forces occidentales de la part des milices soutenues par les Iraniens.

«Il n'y a pas de menace accrue de la part des forces soutenues par l'Iran en Irak et en Syrie», a déclaré le major général: Christopher Ghika, commandant adjoint de l'OIR en charge des renseignements et des opérations. «Il y a un nombre substantiel de milices en Irak et en Syrie, et nous ne voyons pas de menace accrue de la part de beaucoup d'entre elles à ce stade.» Officiellement, ces milices sont du même côté que les forces américaines et de l'OTAN dans la lutte pour vaincre l'EI. En réalité, les États-Unis gardent 5000 soldats en Irak et environ 2000 en Syrie dans le but de contrer l'influence iranienne dans la région.

La déclaration de Ghika va à l'encontre de la justification de l'intensification des préparatifs de la guerre américains, qui a vu le déploiement au large des côtes iraniennes d'un groupe d'attaque de cuirassés, dirigé par l'USS Abraham Lincoln, et d'une force opérationnelle de bombardiers, dont des B-52 à capacité nucléaire. Par la suite, le navire d'assaut amphibie USS Arlington transportant des marines, des avions de guerre et des péniches de débarquement américains, ainsi qu'une batterie de missiles Patriot, a été envoyé dans la région.

Des reportages récents révèlent que le Pentagone a élaboré des plans de bataille prévoyant l'envoi de 120.000 soldats américains dans la région en vue d'une guerre totale avec l'Iran.

La déclaration du général britannique a provoqué une réprimande tout à fait inhabituelle de la part du commandement central américain, qui supervise les opérations militaires américaines au Moyen-Orient. Un porte-parole a déclaré que les commentaires de Ghika «vont à l'encontre des menaces crédibles identifiées dont dispose le renseignement». La déclaration, une fois de plus, n'a fourni aucun détail sur ces «menaces».

Tout aussi importante a été la réponse du ministère britannique de la Défense, qui a soutenu l'évaluation du général, affirmant que «ses commentaires sont basés sur les opérations militaires quotidiennes».

En l'absence de toute menace crédible, l'évacuation d'Irak par les États-Unis ne peut avoir qu'un seul de deux objectifs. Soit elle vise à accroître les tensions dans la région et à intensifier les menaces militaires contre l'Iran, soit elle s'inscrit dans le cadre des préparatifs d'une attaque militaire directe imminente des États-Unis contre l'Iran, ce qui provoquerait probablement des représailles de la part des milices pro-iraniennes en Irak.

Dans les deux cas, l'évacuation de l'ambassade est une autre provocation de la part d'un gouvernement américain qui poursuit sans relâche le changement de régime en Iran et qui est prêt à utiliser tout prétexte pour atteindre cet objectif.

Parmi ces prétextes figurent les allégations obscures d'actes de sabotage contre quatre pétroliers au large des côtes des Émirats arabes unis (EAU) au cours du week-end. Les médias capitalistes américains, agissant en tant qu'agence de propagande servile pour l'intensification de la guerre, ont cité des responsables militaires américains anonymes attribuant le prétendu sabotage à l'Iran, sans fournir aucune preuve à l'appui de cette affirmation.

Les responsables iraniens ont répondu que le sabotage présumé est probablement le fait de ceux qui cherchent à provoquer une attaque américaine contre l'Iran, y compris l'Arabie saoudite et Israël, sinon les forces spéciales des États-Unis elles-mêmes. Le ministre des Affaires étrangères Javad Zarif s'est présenté aux côtés de son homologue en Inde et a déclaré aux médias qu'ils avaient discuté «des activités suspectes et du sabotage qui ont lieu dans notre région». Il a ajouté: «Nous avions prévu antérieurement qu'ils mèneraient ce genre d'activités pour exacerber les tensions.»

Les tensions se sont encore aggravées après l'attaque d'un drone contre les installations de pompage de Saudi Aramco, la compagnie énergétique publique de la monarchie au pouvoir en Arabie saoudite. Les rebelles houthis au Yémen ont assumé la responsabilité de l'action, en représailles à la poursuite de la guerre quasi génocidaire menée par l'Arabie saoudite contre le Yémen, qui a tué quelque 80.000 civils et amené 10 millions de personnes au bord de la famine.

En reconnaissance de la menace de guerre, l'Allemagne, qui compte 160 soldats en Irak, et les Pays-Bas, qui en comptent 169, ont suspendu leurs opérations d'entraînement militaire, invoquant les tensions régionales croissantes. Dans le même ordre d'idées, l'Espagne a retiré sa frégate du groupe d'intervention des porte-avions américains envoyés dans le golfe Persique.

Un autre prétexte potentiel pour une intervention militaire américaine est le programme nucléaire iranien. Il y a un an, l'administration Trump a unilatéralement déchiré l'accord nucléaire signé en 2015 entre l'Iran et six grandes puissances: les États-Unis, la Chine, la Russie, l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni.

L'Iran s'est conformé à un régime strict de restrictions et d'inspections de son programme nucléaire, mais Washington a néanmoins réimposé des sanctions économiques punitives, qualifiées par les responsables américains de «pression maximale», ce qui équivaut à un état de guerre. Les sanctions visent à réduire à zéro les exportations pétrolières du pays et à créer des conditions de privation économique et de chaos pour faciliter une opération de changement de régime.

Alors que les puissances européennes – l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni – ont formellement déclaré leur soutien continu à l'accord nucléaire, elles n'ont pas contesté de manière crédible le régime de sanctions américain, privant ainsi l'Iran des avantages promis de l'accord en termes de normalisation du commerce et des investissements.

En réponse, Téhéran a suspendu ses engagements de plafonnement pendant 60 jours de la production d'uranium enrichi et d'eau lourde à son installation d'Arak afin de faire pression sur les puissances européennes pour qu'elles tiennent leur promesse de lancer un Instrument de soutien aux échanges commerciaux (INSTEX) pour contourner les sanctions américaines en facilitant les échanges avec l'Iran évitant d'utiliser le dollar américain.

Bien que les actions de l'Iran le laissent toujours en conformité avec le Plan d'action global conjoint (JCPOA), l'accord nucléaire signé par Téhéran et les grandes puissances en juillet 2015, et que le gouvernement iranien ait constamment nié avoir continué à développer une arme nucléaire, les changements annoncés concernant le programme nucléaire pourraient être utilisés par Washington pour justifier une attaque militaire.

Une telle guerre d'agression n'entraînerait pas seulement toute la région dans un conflit sanglant, elle pourrait devenir l'antichambre d'une troisième guerre mondiale impliquant les États-Unis et leurs «grandes puissances» nucléaires rivales, la Russie et la Chine.

(Article paru en anglais le 16 mai 2019)

Loading