Des musulmans victimes de violence au Sri Lanka s'adressent au WSWS

Mercredi, des reporters du WSWS en visite à Minuwangoda, une ville habituellement animée du district de Gampaha au Sri Lanka, ont découvert une ville fantôme. La ville, qui compte de nombreux magasins appartenant à des musulmans, est située à 50 kilomètres de Colombo, dans la Province de l’Ouest. Elle a été dévastée par un déchaînement anti-musulman de brutes racistes cingalaises.

Des soldats de l'armée sri-lankaise entièrement armés et des officiers des forces spéciales de police «protègent» désormais cette ville le long de l'autoroute de Colombo, après un saccage mené avec le soutien direct ou indirect de la police et de l'armée. L'attaque a duré plusieurs heures lundi soir dernier, avant et après un couvre-feu imposé par le gouvernement.

Les secteurs de Chilaw, Nikaweratiya, Kuliyapitiya, Hettipola, Bingiriya, Kobeigane et Wariyapola figurent parmi les autres zones qui ont été attaquées. Kotramulla et Thummodera dans la région de Naththandiya ont subi de graves violences. Tous sont situés dans la Province du Nord-Ouest. Un musulman de 45 ans a été tué par des voyous à Kotramulla. Beaucoup ont été blessés.

Alors que les reporters du WSWS visitaient Minuwangoda, le ministre de la Défense par intérim Ruwan Wijewardena faisait le tour de la région avec des ministres musulmans, un jour après que le premier ministre Ranil Wickremesing ait également visité la ville. Les habitants de la ville ont parlé avec mépris de leurs promesses de «protection du peuple».

La ville de Minuwangoda est déserte. À part la police et les soldats, il ne reste que quelques commerçants. Deux cafés nommés Halal et Faus et plus de 50 boutiques appartenant à des musulmans vendant des vêtements, des chaussures et des appareils électroniques ont été totalement détruits, ainsi que les boutiques Siripathi Dress Point et Echo, propriétés d’un Cingalais. Les fenêtres et les portes d'une mosquée au centre de la ville ont été brisées. L'usine «Diamond Pasta», la plus grande usine de production de pâtes du Sri Lanka employant 500 ouvriers, a également été saccagée. Une trentaine de personnes dans l'usine ont sauté par les fenêtres pendant l'attaque pour sauver leur vie.

Presque tous les magasins musulmans étaient fermés pour les prières du ramadan lorsque l'attaque a eu lieu. Les brutes ont brisé les serrures des magasins, pillé les objets de valeur et finalement les ont brûlés.

Le propriétaire du Mohideen Shoe Palace a déclaré au WSWS: «La plupart des attaquants venaient de l'extérieur. Des marchandises valant des centaines de milliers de roupies sont maintenant réduites en cendres. À Amra Tex, près de notre magasin, des pantalons en denim d'une valeur de plusieurs dizaines de millions de roupies ont été pillés avant que le magasin ne soit brûlé.»

Le propriétaire de Jewel Moon déplore ce qui est arrivé: «La plupart de nos affaires se font pendant la période des fêtes. Maintenant, une énorme somme d'argent doit être payée aux grossistes à qui nous avons acheté les marchandises.»

Tous les commerçants ont demandé comment ils allaient rembourser leurs emprunts bancaires après la destruction.

Les commerçants et ouvriers musulmans vivent pour la plupart à Galoluwa, à environ un kilomètre de la ville. Après l'attaque, les forces de sécurité ont encerclé la zone et intimidé la population. Autour de la zone «Eksath Junction», 30 maisons de familles musulmanes ont été endommagées par des brutes.

Un ouvrier a dit: «Des soldats sont venus vêtus de noir, couvrant leurs visages de noir. Frappant aux portes avec leurs fusils, ils criaient des obscénités en disant “Thambio” (musulmans). Quand nous sommes sortis, ils ont tiré sur le sol pour nous intimider. Tous les enfants du village sont encore sous le choc.»

La police a fouillé toute la région de Galoluwa il y a deux semaines, mais n'a rien trouvé de suspect. L'ouvrier a ajouté: «Les musulmans ordinaires n'ont aucun lien avec une quelconque violence. Les attentats à la bombe ont été perpétrés par ceux qui ont des liens avec ISIS. Nous condamnons entièrement leur attaque.»

Le déchaînement a fait suite à l'attentat terroriste à la bombe perpétré le 21 avril contre trois églises – deux à Colombo et une en périphérie – et trois hôtels de luxe, faisant plus de 250 morts et 500 blessés, qui auraient été perpétrés par ISIS et le groupe islamiste national Thowheeth Jamma'ath (NTJ).

Sahabdeen, 65 ans, qui subvient aux besoins de ses enfants et petits-enfants en vendant de la nourriture pas chère, a déclaré que sa maison avait été attaquée avec des pierres: «J'ai deux filles et un fils. Ils sont mariés. L'un des mariés a un trois-roues, mais il n’a pas assez de clients. Je supporte la plupart des dépenses de la famille. Notre maison n'a même pas l'électricité nécessaire. Qu'attend-on de nous en nous attaquant?»

Une autre personne a déclaré: «Le président du conseil municipal de Minuwangoda, les ministres du gouvernement et de l'opposition et les députés se sont accusés les uns les autres d’être responsables des attaques. Mais personne n'est venu quand on nous a attaqués, et les magasins ont été brûlés.»

Un groupe de travailleurs a expliqué leur point de vue de la situation internationale au WSWS. L'un d'eux a dit que les impérialistes américains bâtissent des organisations terroristes comme Al-Qaïda et ISIS et les utilisent pour manipuler des pays du Moyen-Orient riches en ressources comme l'Irak: «L'Amérique a dit qu'il y avait des armes de destruction massive en Irak. Ce n'étaient que des mensonges. Récemment, la Libye et la Syrie ont été détruites. Des millions de personnes ont été transformées en réfugiés. Dans l'histoire, il y a eu des conspirations pour amener des gouvernements proaméricains au pouvoir.»

Lorsqu'un autre travailleur a demandé pourquoi le gouvernement sri-lankais invite des agences de renseignement américaines comme la CIA et le FBI au Sri Lanka pour enquêter sur les attentats, le premier a répondu: «Ce gouvernement travaille aussi avec les États-Unis».

Les journalistes du WSWS ont discuté de la campagne de guerre de Washington contre la Chine et de son opération de changement de régime en 2015 pour chasser le régime de l'ancien président Mahinda Rajapakse, qu'ils considéraient comme trop proche de la Chine. Rajapakse n'est pas un opposant à l'impérialisme, cependant, et il tend maintenant la main à Washington.

«Nous pensions que les forces de sécurité étaient là pour préserver la paix», a déclaré un petit entrepreneur. «Mais on nous a tirés dessus. Les enfants étaient terrorisés par des mots dégoûtants qui étaient criés. Les médias ne montrent pas ces choses. »

Les journalistes du WSWS ont expliqué la politique chauvine de l'élite dirigeante sri-lankaise. La discrimination contre les Tamouls a culminé dans une guerre communale de 30 ans avec les Tigres de libération séparatistes de l'Eelam tamoul. Maintenant, chaque gouvernement capitaliste envoie notoirement des forces d'État, de la police et des voyous contre les travailleurs et les opprimés, en utilisant la méthode du «diviser pour mieux régner» pour réprimer les luttes des travailleurs et des masses opprimées.

Après les attentats du 21 avril, la propagande communale de l'establishment politique bourgeois et des médias capitalistes a encouragé les attaques anti-musulmanes à travers le Sri Lanka pour diviser les travailleurs selon des lignes communales.

Ces attaques ont été bien organisées avec le soutien en coulisse des partis politiques établis. Dayasiri Jayasekera, éminent député du district de Kurunegala et secrétaire du Sri Lanka Freedom Party du président Maithripala Sirisena, a été filmé se rendant à la police de Bingiriya et garantissant la libération de plusieurs personnes arrêtées. Il a ensuite tenu une conférence de presse, affirmant qu'il n'était là que pour apaiser l’agitation.

Madumadhawa Aravinda, un allié de Rajapakse et leader de Pivithuru Hela Urumaya (PHU), a également été filmé. Plus tard, il a dit qu'il était en route vers un autre endroit.

Namal Kumara, un chauviniste notoire lié à l'establishment, et Amith Weerasinghe de la milice Mahasohon Balakaya, impliquée dans les violences racistes à Digana en mars dernier, ont été arrêtés par la police. Près de 100 personnes ont été arrêtées au cours des derniers jours. Dans le passé, ce genre de personnes était rapidement libéré.

Dans un message Twitter de mercredi, Rajapakse a «exhorté tous les membres de tout parti politique, y compris le sien, à maintenir l'ordre public et à ne pas aggraver la situation déjà sensible.» Il s'agit en fait d'un aveu de l'implication des partis de la classe dirigeante.

Comme les classes dirigeantes de tous les pays confrontés à une recrudescence de la lutte des classes, l'élite dirigeante sri-lankaise se tourne rapidement vers des formes autoritaires de gouvernement. Le président Sirisena, le gouvernement et l'establishment de la défense n'ont pas tenu compte des avertissements concernant l'attaque terroriste, qui est maintenant utilisée pour imposer des mesures antidémocratiques, y compris un état d'urgence draconien, et pour réprimer les luttes de classe et les agitations dans les campagnes.

Tous les partis établis ont approuvé ces mesures, fondées sur leur propre programme d’État policier. L'armée prend alors le dessus. Les travailleurs doivent s'opposer à la violence et à la propagande anti-musulmane, à l'état d'urgence, s'unir au-delà des frontières ethniques, construire leurs propres comités d'action et lutter pour un gouvernement ouvrier et paysan sur la base de la lutte pour le socialisme international.

(Article paru en anglais le 17 mai 2019)

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