Pour l’acte 30, les «gilets jaunes» réclament une transformation sociale

10.000 manifestants dans toute la France selon le ministère de l’Intérieur, et 19.654 selon les «gilets jaunes» qui contestent les chiffres officiels, se sont mobilisés samedia pour l’acte XXX. La mobilisation nationale était en légère hausse par rapport au samedi précédent, marquée pour la première fois par une mobilisation des banlieues d’Ile-de-France.

Des manifestations se sont tenues dans toute la France, à Marseille, Bordeaux, Nancy, La Rochelle, Dijon où encore Paris et sa banlieue rassemblant des centaines de personnes protestant contre les inégalités sociales réclamant la démission de Macron.

1.100 personnes selon la préfecture ont manifesté en Ile-de-France, où était organisée la première manifestation «Les gilets jaunes en banlieue, Acte 1». La manifestation s'est déroulée dans le calme depuis Saint-Denis jusqu'à Drancy, quand une compagnie de CRS qui bloquait la route a été prise à partie par des manifestants. Les forces de l'ordre ont réagi en tirant du gaz lacrymogène. À l'approche de la préfecture de Seine-Saint-Denis, à Bobigny, de nouvelles échauffourées ont éclaté.

Sur Marseille, les «gilets jaunes» ont rejoint le soutien des femmes de chambre d'Elior, en grève depuis avril contre la détérioration de leur condition de travail, et qui ont été délogées brutalement par la force ce samedi. Les «gilets jaunes» exigent leur libération devant le commissariat Noailles.

A Montpellier, où un appel national à manifester avait été lancé, plus de 2.000 personnes selon la préfecture, 5.000 selon les «gilets jaunes», se sont rassemblées dès midi place de la Comédie. Au départ du cortège, des heurts ont éclaté avec les forces de l’ordre, qui ont usé massivement des gaz lacrymogènes pour repousser les manifestants, ainsi que de lances à eaux, dans des rues très fréquentées. Les heurts ont fait une dizaine de blessés selon la préfecture, parmi les manifestants et parmi les forces de l’ordre. Seize personnes ont été interpellées selon la préfecture; des banques et du mobilier urbain ont été dégradé, rapporte 20 Minutes.

Les reporters du WSWS ont pu discuter avec des «gilets jaunes» à Paris, avec Michelle ayant perdu son emploi il y a cinq ans et depuis hébergée chez des amis. Elle est «gilet jaune» depuis le début de la lutte: «Ça fait des mois que j'ai toujours le même la même pancarte. 4 millions de mal logés. Ils sont morts à Marseille et à Nancy. On meurt à cause du mal logement dans les pays occidentaux qui sont toujours plus riches et des logements dans les grandes villes toujours plus chers. Le mal logement ça concerne énormément de personnes Ça tue à Londres, ça tue à Marseille, ça tue certainement dans d'autres villes aux Etats-Unis, en Inde et partout.»

Michelle s’est déclarée enthousiaste sur la nature du mouvement des «gilets jaunes», car «je n'avais pas l'impression qu'on était récupéré par tel ou parti politique ou tel syndicat. C'est ça qui m'a plu. C'est pour ça que dès le départ j'ai manifesté.»

Michelle ajoute ne pas avoir confiance dans les syndicats «qui défendent leurs propres intérêts. J'ai déjà manifesté contre la loi travail car ça touche tous les travailleurs même les chômeurs.»

Interrogé sur les violences policière, Michelle explique en colère: «D’avoir ciblé systématiquement les visages avec leur flash ball, d'avoir beaucoup tabassé des femmes qu'on voit dans des vidéos, des jeunes femmes et des femmes âgées qui sont matraquées, véritablement attrapées par les policiers, CRS, les policiers de la BAC beaucoup et peut être aussi certains gendarmes. On voit que ces types frustrés se défoulent sur nous littéralement. ... Moi je trouve que leur comportement est absolument dégueulasse. Je ne vais pas dire que j'étais pro-policier mais j'étais assez compatissante vis-à-vis de leur travail et particulièrement en banlieue. Aujourd'hui je les déteste, j'ai fini par les détester».

Michelle dit au WSWS qu’ «A Paris on ne peut plus manifester dans certains endroits. C'est terrible. C'est la première fois je crois en 68 y'a pas eu ça même avant. On ne peut plus manifester comme c'est la première fois de la société française. On ne peut plus manifester on n'a plus le droit de manifester. Oui, mais vous vous rendez compte qu’il faut remonter à Vichy? C'est quand même inquiétant, et c'est symptomatique mais inquiétant. Macron, pour moi il est d'extrême droite. Il a un comportement d'extrême droite».

Le WSWS a fait la connaissance de Jean Michel, conducteur de train venu pour protester contre les salaires et retraites de misère: «Le salaire ne sert plus qu'à payer les factures, on s'en sort plus. Je suis là pour les gens qui sont les retraités qui ne touchent que 700 euros. Je suis là pour les infirmières. Je suis là pour exprimer ma colère.»

Sur le rôle des syndicats à la SNCF, Jean Michel explique qu’ «il n'y a plus personne qui croit aux syndicats. C'est toujours les mêmes qui se débrouillent, toujours ceux qui sont en bas de l'échelle qui doivent se démerder. En haut, ils sont protégés. Donc il y a un ras le bol, on en a marre.»

Le WSWS a aussi discuté avec un «gilet jaune» manifestant dans l’acte 1 des banlieues inquiet pour «l’avenir de ses enfants et la réforme des retraites»: «ils continuent à nous entuber avec la retraite à 64 ans en faisant croire qu'on reste à 62. Mais si on part à 62 ans on n'aura pas notre retraite complète. Les petits salaires seront obligés de continuer.»

Ce «gilet jaune» espère que ce rassemblement en banlieue sera suivi d’autres actes: «On espère ça va attirer les gens de banlieue et donc là en effet notre but est de rien casser puisque on est chez nous quelque part. Ça va continuer. Mais pour les médias forcément le mouvement s'essouffle, depuis fin novembre le mouvement s'essouffle. Et voila, il est toujours là. Vous remarquerez qu'ils ne parlent quasiment plus de nous. Depuis les européennes ils ne parlent plus des gilets jaunes, un petit bol samedi comme ça en disant que ça s'essouffle. Même le samedi matin à 9 heures ils sont capables de dire le mouvement s'essouffle.»

Ce manifestant a fait part de sentiments qui pénètrent parmi des couches de plus en plus larges de «gilets jaunes», qui commencent à s’interroger sur comment les travailleurs pourraient prendre le pouvoir dans le cas où Macron était forcé à abandonner son poste.

Il a dit souhaiter lutter jusqu’à la démission du gouvernement et poser la réflexion de changer le système: «Il y a des gens qui sont là aujourd'hui qui ne seront pas là la semaine prochaine. Chacun notre tour en fait, c'est ça qu'il faut qu'ils comprennent. Ça va continuer jusqu'à sa démission. Sa démission ne suffira pas. Parce que là on le fait démissionner, ok, mais qui prend sa place? D'autres capitalistes c'est pas la peine, il faut changer le système.»

Interrogé si Mélenchon représente cette alternative, ce «gilet jaune» répond par la négative: «Mélenchon, malheureusement il n'est pas mieux que les autres. Il aurait gagné, il aurait fait le score qu’a fait les Verts, je pense qu'il sera aussi allié à Macron. Ils veulent tous une place, en fait je pense que c'est ça. C'est pour ça qu’il faut tout mettre à plat et changer tout le système. Je ne sais pas comment, on n'a pas la solution. Vraiment, ce qui est sûr c'est qu'il faut changer tout ce système de capitaliste.»

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