Alors que les démocrates donnent à Trump des milliards de plus pour la guerre frontalière

L’image d’un père et d’une fille noyés suscite l’indignation mondiale face au déchaînement anti-immigrant des États-Unis

La photo d’un jeune travailleur salvadorien et de sa fille de 23 mois échoués sur les rives du Rio Grande est devenue virale sur les médias sociaux. Elle a déclenché l’indignation dans le monde entier envers l’agression sadique contre les immigrants menée par Trump, avec l’entière assistance du Parti démocrate.

La photo d’Oscar Alberto Martinez Ramirez et de sa fille Angie Valeria, prise lundi par la journaliste Julia Le Duc, résume le bilan humain des politiques fascisantes et dictatoriales de l’administration Trump. Les deux victimes ont succombé aux puissants courants de la rivière en crue un jour après avoir demandé l’asile au port d’entrée légal entre Matamoros (Mexique) et Brownsville (Texas). Ils étaient alors accompagnés de Tania Vanessa Avalos, l’épouse d’Oscar.

Óscar Alberto Martínez Ramiírez et Valeria, morts dans le Rio Grande[Crédit : Julia Le Duc]

Le père et sa fille faisaient partie des milliers de travailleurs d’Amérique centrale qui fuyaient la violence et la pauvreté dans leur pays d’origine, héritage d’un siècle de subversion et d’exploitation impérialistes américaines. La jeune famille s’est vue refuser une demande d’asile en raison de la politique de «comptage» de Trump, qui prive les immigrants de leurs droits d’asile internationalement garantis en les forçant à attendre au Mexique pendant des semaines ou des mois dans des camps sordides, semblables à des prisons. La famille a alors décidé de risquer la dangereuse traversée de la rivière. Vanessa Avalos n’a pu voir avec horreur, du côté mexicain, que son mari et sa fille se noyer.

L’image a été publiée dans les journaux du monde entier, intensifiant la haine populaire, y compris parmi les travailleurs et les jeunes Américains, pour le gouvernement Trump.

Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a publié une dénonciation de l’administration Trump. Il a comparé la photo à celle de l’enfant réfugié de trois ans Aylan Kurdi, qui s’est noyé en Méditerranée et dont le corps s’est échoué sur une plage en Turquie en 2015. La comparaison a souligné le caractère international de l’attaque menée contre les immigrés par les gouvernements capitalistes en Europe et ailleurs. Cela comprend le Mexique, où le président mexicain Lopez Obrador a mobilisé 20.000 gardes nationaux pour servir d’agents anti-immigrants de Trump du côté mexicain de la frontière.

Le commissaire Filippo Grandi a déclaré: «La mort d’Oscar et de Valeria représente un échec face à la violence et au désespoir qui poussent les gens à entreprendre des voyages dangereux pour espérer vivre dans la sécurité et la dignité».

Toujours en fin de semaine, des agents de la Patrouille de la frontière des États-Unis ont trouvé quatre corps le long du Rio Grande dans la vallée du Rio Grande au Texas, à environ 88 kilomètres à l’ouest de Brownsville: un enfant en bas âge, deux nourrissons et une femme de 20 ans.

Au cours du dernier exercice financier, il y a eu 283 décès de l’autre côté de la frontière sud des États-Unis, selon les autorités américaines. Le bilan réel est beaucoup plus lourd. Les agents des patrouilles frontalières américaines ont appréhendé 664.000 personnes le long de la frontière sud jusqu’à présent cette année, soit une augmentation de 144 pour cent par rapport à l’année dernière. Quelque 14.000 enfants immigrés non accompagnés restent dans les camps de concentration américains.

Le Parti démocrate a réagi à l’escalade de la guerre contre les immigrants en votant à une écrasante majorité pour accorder à Trump un montant supplémentaire de 4,5 milliards de dollars. Les fonds sont pour construire de nouveaux centres de détention, renforcer la présence militaire américaine à la frontière et renforcer les agences anti-immigrantes de type Gestapo, telles que le Service des douanes et de la protection des frontières (CBP) et la police de l’Immigration et des Douanes (ICE).

Le même jour où la photo d’Oscar Alberto Martinez Ramirez et de sa fille a été publiée, la Chambre des représentants sous contrôle démocrate a adopté un projet de loi de financement de 4,5 milliards de dollars qui prévoit 788 millions de dollars pour de nouvelles installations du CBP destinées aux familles et enfants demandeurs d’asile. Sont aussi prévus 866 millions de dollars pour des installations gérées par le département de la Santé et des Services sociaux (HHS) où les enfants non accompagnés sont envoyés après leur libération des prisons du CBP, ainsi que 128 millions de dollars pour l’ICE.

Lors du vote sur le projet de loi de la Chambre, tous les démocrates, sauf quatre, ont voté «oui». Les quatre soi-disant «progressistes» qui ont voté «non» – Alexandria Ocasio-Cortez, Ilhan Omar, Ayanna Pressley et Rashida Tlaib – ne l’ont fait qu’après avoir assuré l’adoption de la mesure en votant pour qu’elle soit soumise à un vote par anticipation. Parmi les quatre membres de la Chambre qui n’ont pas voté, trois étaient des candidats démocrates à la présidence – Tulsi Gabbard (Hawaii), Eric Swalwell (Californie) et Tim Ryan (Ohio) – qui ont évité un vote pour des raisons purement électorales.

De même, au Sénat, qui a adopté sa version du projet de loi de 4,59 milliards de dollars mercredi par un vote bipartite de 84 voix contre 8, huit sénateurs n’avaient pas voté. Les démocrates ont donné un appui massif à l’administration Trump. Seuls six démocrates ont voté contre ce projet de loi.

Sept des huit non-votants étaient des candidats démocrates à la présidence, dont Bernie Sanders, Elizabeth Warren, Kamala Harris, Cory Booker, Michael Bennet, Amy Klobuchar et Kirsten Gillibrand. Aucun d’entre eux n’était prêt à s’opposer à des pratiques qui répugnent des millions de travailleurs et de jeunes. Ces derniers, qui n’auraient jamais pensé que de telles méthodes de type nazi seraient vues aux États-Unis restent profondément attachés aux droits démocratiques, contrairement aux politiciens bourgeois des deux partis.

Le projet de loi du Sénat est encore plus ouvertement répressif que la version de la Chambre. Il comprend moins de restrictions symboliques sur la brutalisation des immigrants et 145 millions de dollars supplémentaires pour les opérations militaires américaines à la frontière. Ceci est une légitimation tacite du déploiement illégal et indéfini par Trump de troupes en service actif pour aider les opérations policières à l’intérieur des frontières américaines.

Mercredi, la présidente de la Chambre, Nancy Pelosi, a téléphoné à Trump pour l’assurer que les démocrates de la Chambre étaient prêts à accepter la plupart des dispositions du projet de loi du Sénat, voire la totalité. Elle l’a fait afin d’éviter une menace de veto présidentiel. Les démocrates sont impatients de parvenir à un accord avant l’ajournement d’une semaine du 4 juillet, qui commence jeudi.

Alors que le Sénat adoptait sa version bipartite, Pelosi a déclaré à la presse: «Il y a des améliorations que nous pensons pouvoir concilier. Charles Schumer, leader de la minorité démocrate au Sénat, a dit: «Nous pourrions rapidement tenir une conférence. On peut parler de ces quatre changements et essayer de les inclure dans le projet de loi. On peut terminer cela rapidement et j’espère que c’est ce qui va se produire.»

Les démocrates sont impatients de payer à Trump le prix du sang sous le prétexte absurde que la mesure est un effort «humanitaire» pour aider les enfants et les familles pris dans sa campagne anti-immigrés. Dimanche, Pelosi a téléphoné à Trump pour le supplier de retarder son projet de procéder à des rafles d’expulsion contre 2.000 immigrants dans les villes des États-Unis, l’assurant qu’elle ferait adopter un projet de loi sur le financement de la frontière à la Chambre.

Elle et le reste du Parti démocrate sont pétrifiés à l’idée que de telles rafles de type militaire à New York, Chicago, San Francisco, Los Angeles et dans d’autres villes puissent déclencher des manifestations de masse et une résistance qui pourraient dégénérer.

Trump a accepté d’attendre deux semaines pendant que Pelosi et Schumer faisaient son offre au Congrès. Suite à l’appel lancé dimanche, Pelosi a déclaré: «En tant que membres du Congrès et en tant qu’Américains, nous avons la responsabilité morale sacrée de protéger les droits humains et la vie des enfants et des familles vulnérables». Elle a ajouté que son projet de loi prévoyait une «forte protection des frontières».

Cette frénésie des «droits de l’homme» pour justifier les attaques de type Gestapo contre les travailleurs et les enfants étrangers sans défense est complètement hypocrite. Elle reflète les justifications utilisées pour soutenir une guerre néocoloniale après l’autre au Moyen-Orient et en Afrique: des guerres qui ont détruit des pays entiers, tué des millions de personnes et créé les conditions de la plus grande vague de réfugiés depuis la Deuxième Guerre mondiale.

Trump n’a pas perdu de temps pour briser les prétextes mensongers sur la défense des droits de l’homme. Il montre clairement ce que des millions de personnes dans le monde savent déjà. À savoir: il n’a pas l’intention d’utiliser un sou de l’argent alloué par le Congrès pour mettre un terme à la brutalisation des immigrants. Au contraire, il a l’intention d’intensifier cette attaque comme un élément central de sa campagne de réélection et de ses efforts pour mobiliser sa base fasciste.

Mardi, le CBP a annoncé qu’il avait renvoyé 100 enfants au centre de détention de Clint, au Texas, qu’il avait évacué la veille après que des informations faisaient état de conditions sordides et de maladies endémiques eurent suscité une vaste indignation.

Le même jour, alors que les représentants démocrates se préparaient à voter l’argent pour la guerre frontalière de l’administration, le commissaire intérimaire du CBP, John Sanders, a démissionné. Les responsables de Trump ont fait savoir que la Maison-Blanche avait choisi Mark Morgan, directeur intérimaire de l’ICE pour le remplacer.

Morgan, qui a été commissaire adjoint du CBP sous Obama, n’a pas caché sa haine pour les immigrants sans papiers et son désir de les chasser du pays. En tant que chef par intérim de l’ICE, Morgan était l’auteur du plan de rafles de masse dans les villes américaines que Trump a reporté. Il se serait heurté au chef par intérim du département de la Sécurité intérieure, Kevin McAleenan, lorsque ce dernier aurait exhorté Trump à retarder les rafles.

Morgan a passé 11 ans dans les Marines et 20 ans au FBI. Une source gouvernementale a dit au Washington Examiner pro-Trump: «En fin de compte, c’est la décision de Trump. McAleenan a gagné le dernier combat, et on dirait que Miller va gagner le combat actuel». Le fanatique anti-immigrant et fasciste, Miller, dirige la politique d’immigration à la Maison-Blanche.

Alors qu’il n’était pas au gouvernement, Morgan est apparu régulièrement sur les ondes de Fox News. Dans une comparution, il a dit au sujet de l’incarcération des enfants: «Ce ne sont pas des cages. Ce sont de très belles installations.»

Il a parlé de milices d’autodéfense à la frontière: «Pourquoi le font-ils? Parce qu’ils sont là et qu’ils voient ce que nous voyons tous, c’est-à-dire que la frontière sud-ouest est envahie. Les gardes-frontières et les autres organismes d’application de la loi sont débordés et ils ont l’impression de ne pas avoir le choix.»

Il s’est également vanté d’avoir regardé dans les yeux des enfants détenus et d’avoir vu qu’ils seront «des membres à en devenir du gang MS-13».

La défense par Morgan des milices frontalières d’extrême droite qui ont illégalement détenu des centaines d’immigrants témoigne de la croissance d’un appareil policier clandestin, soutenu par l’administration Trump et des sections de l’État.

Thomas Homan, ancien directeur de l’ICE chargé de l’application de la loi, qui a été largement vanté comme choix de Trump pour devenir son «tsar de l’immigration», mais qui ne fait plus partie du gouvernement depuis juin 2018, a récemment donné une interview à l’émission «Fox & Friends» depuis le sous-sol de sa maison. Dans l’interview, il a déclaré que McAleenan, ministre de la Sécurité intérieure par intérim, était déloyal envers Trump. Il a pris la parole alors qu’il était assis devant un sceau du département de la Sécurité intérieure pour donner l’impression d’être un fonctionnaire du gouvernement.

(Article paru en anglais le 27 juin 2019)

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