Rassemblement de campagne en Caroline du Nord

Trump félicite le Parti démocrate sur la question de la destitution et dénonce les représentantes du Congrès sur fond de hurlements de la foule, «Renvoyez-la!»

Donald Trump a lancé une diatribe fascisante contre le socialisme mercredi soir alors que ses partisans hurlaient des menaces dirigées contre quatre femmes démocrates au Congrès lors d'un rassemblement de campagne à Greenville, en Caroline du Nord.

Les partisans ont scandé «Renvoyez-la!» alors que Trump attaquait Ilhan Omar, représentante démocrate de Minnesota au Congrès, qui aurait «dénigré les membres des forces armées américaines impliquées dans l’incident de Blackhawk Down», «minimisé les attaques du 11 septembre» et apporté son soutien à Al-Qaïda.

Donald Trump s’adressant au rassemblement de mercredi à Greenville en Caroline du Nord (source : C-Span)

Faisant référence à Omar, Alexandria Ocasio-Cortez, Rashida Tlaib et Ayanna Pressley, Trump a dénoncé les «extrémistes de gauche qui rejettent tout ce que notre pays défend». Trump a attaqué les représentantes comme des «socialistes» qui «détestent notre pays» et «veulent démolir notre constitution, affaiblir notre armée et éliminer les valeurs sur lesquelles ce pays magnifique a été construit». L'attaque était un appel à peine voilé à la violence.

Le président a répété sa revendication que tous ceux qui critiquent le gouvernement «sont libres de partir. S'ils n'aiment pas l'Amérique, dites-leur de la quitter», a-t-il déclaré.

Trump a attaqué Ocasio-Cortez en termes racistes flagrants. En riant, Trump l’a dénommé «Cortez» et a dit: «Je n'ai pas le temps de m’occuper de trois noms différents, cela prend trop de temps»; des propos applaudis bruyamment par la foule. Outre leur prénom, les personnes d'origine hispanique utilisent traditionnellement deux noms de famille, le nom de famille de leur père et de leur mère.

Trump s’est attaqué également aux manifestants anti-Trump, affirmant qu'ils étaient «des malades, du mauvais monde». Se référant aux manifestants «Antifa» comme ceux qui se sont affrontés à des bandes de néonazis à Charlottesville en Virginie en 2017, Trump a déclaré que «eux sont du mauvais monde. Et ils ne se font pas critiquer dans la presse.»

Bien que Trump ait refusé de critiquer la foule fasciste qui a tué la manifestante anti-Trump âgée de 32 ans, Heather Heyer à Charlottesville, il a déclaré que les manifestants antinazis sont «très mauvais et frappent les gens à la tête avec des bâtons, voire des bâtons de baseball. Ils apparaissent toujours masqués. Ils rentrent à la maison chez maman et papa. Ils attaquent toujours les gens qui ne peuvent pas se défendre, mais ils n'attaqueront pas ce groupe», a ajouté Trump, insinuant que la foule attaquerait physiquement les manifestants.

Alors que Trump dénonçait le socialisme et les opposants à son administration, il a félicité le Parti démocrate, expliquant que seuls certains démocrates sont «anti-ouvriers, anti-famille, anti-emploi et antiaméricains».

En fait, les premiers mots qu'il a prononcés lorsqu'il est entré en scène comprenaient des éloges pour les démocrates qui avaient voté contre sa destitution. Il a explicitement déclaré que ses dénonciations excluaient «tous les démocrates qui ont voté pour nous aujourd'hui».

Trump faisait référence à la majorité des démocrates de la Chambre des représentants qui ont voté contre une résolution de destitution présentée par le démocrate texan Al Green. «Ils sont bien», a-t-il déclaré à propos des 137 démocrates qui ont voté pour ajourner la résolution. «Vous savez, si vous perdez contre eux, c'est correct, c'est différent, et c’est ce que l’on appelle de la discussion politique normale».

Le vote de destitution a eu lieu alors que le Parti démocrate sollicitait l’appui de Trump en dépit du discours qu’il tenait en Caroline du Nord. Le journaliste Scott Wong a tweeté que Pelosi avait déclaré lors d'une conférence de presse dans l'après-midi: «Elle ne dit pas que Trump est raciste, elle qualifie ses mots de racistes.»

Les démocrates se sont précipités pour annoncer leur volonté de travailler avec Trump sur le problème du plafond de la dette, qui expirera en septembre. Politico a écrit mercredi: «La relation toxique entre Trump et l'opposition continue de s’exacerber, mais cela n'empêche pas la présidente de la Chambre Nancy Pelosi et son parti de travailler avec lui pour éviter la calamité fiscale et peut-être même signer son accord commercial phare plus tard cet automne.»

Aux yeux du Parti démocrate, travailler avec Trump pour augmenter les dépenses militaires et réduire le déficit l'emporte sur les préoccupations découlant de ses appels fascistes.

Politico a clairement indiqué que les démocrates souhaitent travailler avec Trump par crainte que les compressions budgétaires ne réduisent «les programmes de défense de plusieurs milliards de dollars: un scénario que les démocrates veulent éviter à tout prix».

Le démocrate californien Ro Khanna, un partisan de Bernie Sanders, a déclaré: «Nous réagirons avec force, mais ne laisserons pas cela gêner la gouvernance.»

Le sénateur Richard Blumenthal a ajouté: «Tout le monde sait que nous devons établir un budget et relever le plafond de la dette. Ce qui rend la situation vraiment difficile, ce ne sont pas tant les tweets que l'imprévisibilité et l'irrationalité de la Maison-Blanche et son incapacité à le gérer.»

Tandis que Trump félicitait les démocrates de leur coopération, le Pentagone a annoncé mercredi le déploiement de 2100 soldats supplémentaires à la frontière américano-mexicaine. Le déploiement, qui comprendra 1100 soldats en service actif et 1000 membres de la Garde nationale du Texas, porte à 6600 le nombre total de soldats déployés à la frontière.

Un responsable militaire a indiqué que les soldats garderaient les camps de concentration, apportant un «soutien opérationnel, logistique et administratif».

Dans son discours en Caroline du Nord, Trump a dénoncé les affirmations «extrémistes» selon lesquelles les agents de l'Immigration et des douanes (ICE) et la police pour la protection des frontières (CBP) sont des «nazis» qui gardent des «camps de concentration». Trump a proclamé que les détenus étaient si désespérés et pauvres qu’ils s’estimaient heureux d’être détenus: «Ils ont de l’eau, ils ont la climatisation, ils ont des choses qu’ils n’ont jamais vues».

Trump a loué les agents de l’ICE, affirmant qu'ils faisaient des rafles dans les «repaires» où vivent les immigrants. Il a qualifié les membres de gangs de «bêtes sauvages», ajoutant: «Je ne pense pas qu'ils soient des êtres humains».

La crise politique accélère l'effondrement du peu qui reste de formes de gouvernement «démocratiques» au sein de l’élite dirigeante.

Quelques minutes après que les démocrates ont voté contre la destitution, ils ont voté pour condamner le procureur général de Trump, William Barr, et le secrétaire au Commerce, Wilbur Ross pour outrage au Congrès pour avoir refusé de comparaître devant ce dernier afin d’expliquer la décision exigeant une question sur la citoyenneté prévue dans le recensement de 2020.

Un nombre sans précédent de responsables de l'administration Trump ont refusé les assignations à comparaître du Congrès, empêchant ainsi le pouvoir de surveillance du Congrès. Si Barr et Ross refusent de coopérer aux procédures judiciaires imminentes, le Congrès aurait le pouvoir d’arrêter les fonctionnaires et de garder en détention.

En outre, le démocrate du Missouri, Emanuel Cleaver, a brusquement abandonné le podium du président de la Chambre des représentants lors du débat au Congrès mardi soir sur la question de savoir si la référence faite par Pelosi aux récents tweets de Trump comme «racistes» constituait une violation de la procédure parlementaire.

Lorsque des collègues démocrates ont exhorté Cleaver à violer une tradition quasi formelle interdisant aux représentants d’«insulter» le président, Cleaver a jeté le marteau au sol aux cris de surprise des représentants. Le chef de file de la majorité démocrate de la Chambre, Steny Hoyer, a ensuite repris le marteau et a jugé que les propos de Pelosi étaient, en fait, irrecevables. Hoyer a expliqué plus tard que sa décision était fondée sur une règle vieille de 200 ans qui découle du principe britannique du 18e siècle selon lequel attaquer l'exécutif est un acte de «sédition criminelle».

(Article paru en anglais le 18 juillet 2019)

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