Les syndicats de l’éducation en Ontario désarment leurs membres devant les attaques sur leurs emplois et conditions de travail

Les syndicats de l'éducation de l'Ontario s'emploient à saboter la résistance des enseignants et du personnel de soutien à l'assaut du gouvernement conservateur contre l'éducation publique ainsi que les emplois et les conditions de travail des travailleurs de l'éducation.

Depuis le 31 août, près de 250.000 enseignants et membres du personnel de soutien des écoles publiques travaillent sans contrat. Aucun des cinq syndicats impliqués n'a appelé à une grève ou même fixé un délai de grève. Le Syndicat canadien de la fonction publique, qui négocie au nom de 55.000 membres du personnel administratif et de soutien, est le seul syndicat à avoir même entamé un vote de grève. Toutefois, les responsables syndicaux ont indiqué que toute action dans le domaine du travail serait limitée à une campagne de grève du zèle ou à des débrayages limités dans le temps et dans les régions.

Dès que le candidat se prenant pour Trump, Doug Ford, a été élu aux élections provinciales de juin 2018, son gouvernement a décidé de réduire les dépenses publiques, d'imposer des gels d'embauche dans le secteur public, de réduire les normes du travail et de proposer de nouveaux allégements fiscaux aux grandes entreprises. En mars, les conservateurs ont annoncé qu'ils augmentaient le nombre d'élèves par classe, tant au primaire qu'au secondaire, et ont ordonné aux conseils scolaires locaux de ne pas remplacer le personnel sortant. Cela a déjà conduit à des centaines de suppressions d'emplois dans les écoles de la province. Selon les estimations des syndicats, l'équivalent de 10.000 postes d'enseignant sera perdu dans les années à venir, à mesure que la taille des classes augmentera.

Puis, en avril, alors que les négociations se profilaient, Ford déclara publiquement que son gouvernement utiliserait une loi de retour au travail pour criminaliser toute grève des enseignants. En juin, Ford rendit tout le processus de négociation dépourvu de sens, lorsque son gouvernement déposa un projet de loi limitant les augmentations de salaire et d'avantages sociaux d'un million de travailleurs du secteur public provincial à un maigre 1% par an pour les trois prochaines années. Lorsque l'inflation est prise en compte, cela se traduira par une réduction du revenu réel des travailleurs dont le niveau de vie a déjà été réduit par le programme d'austérité du précédent gouvernement libéral ontarien.

Face aux efforts de Ford pour anéantir l’éducation publique, les syndicats s’efforcent de désarmer et de diviser politiquement les enseignants et leurs sympathisants. Bien que les attaques contre le système éducatif se produisent à tous les niveaux, chaque syndicat d'enseignants négocie séparément avec le gouvernement dans le cadre de ce qui ne peut être décrit que comme un effort délibéré pour empêcher les travailleurs de l'éducation de s'unir autour de revendications communes et de mener front commun dans la lutte.

La Fédération des enseignants d’écoles secondaires de l’Ontario (FEESO), qui compte quelque 70.000 membres, a initialement demandé à Ford d’entamer les pourparlers plus tôt. Comme prévu, les négociateurs du gouvernement ont refusé de participer à des pourparlers constructifs, le syndicat a alors saisi la Commission des relations de travail de l'Ontario (CRTO), un organisme soi-disant «impartial», favorable aux grandes entreprises, qui possède un long historique de criminalisation des grèves des enseignants et d’autres travailleurs.

Les représentants de la FEESO ont souligné que leur principal objectif, s’adressant à la CRTO, était de faire en sorte que le plus grand nombre de questions liées aux négociations contractuelles soient négociées au niveau local, c’est-à-dire avec les différents conseils scolaires, plutôt que dans le cadre des négociations à l’échelle de la province. En d’autres termes, alors que Ford et ses hommes de main s’attaquent aux dépenses d’éducation publique dans tous les domaines, la FEESO visait à détourner les enseignants dans une ruée inutile pour quelques miettes de budgets locaux qui ont déjà été réduits à néant. La semaine dernière, la CRTO a statué contre la FEESO.

Un des facteurs importants dans les efforts des bureaucrates syndicaux pour faire durer les négociations est leur crainte que la lutte des enseignants ne vienne perturber leurs efforts pour mobiliser un soutien en faveur de la réélection du premier ministre Justin Trudeau et de son gouvernement libéral fédéral.

Le ferme soutien des syndicats à un gouvernement qui a fortement augmenté les dépenses militaires, retiré des milliards de dollars dans le secteur de la santé, criminalisé les grèves et attaqué les défenseurs du respect des droits démocratiques montre pour qui ils travaillent réellement. Cela montre que leurs dénonciations de Ford sont motivées par des désaccords tactiques par rapport à son programme, plutôt que par une opposition à la volonté de l'élite patronale d'accroître la «compétitivité» du capitalisme canadien par une atteinte au niveau de vie et aux droits sociaux des travailleurs.

Ce que désirent les syndicats en réalité, c'est un siège à la table des négociations, où ils collaboreront avec les grandes entreprises et le gouvernement pour imposer des attaques féroces aux travailleurs, comme ils l'ont fait sous les libéraux de Trudeau.

Ce que Trudeau a salué lors du récent congrès d'Unifor en tant que «partenariat spécial» entre les syndicats et ses libéraux pro-grande entreprise, a été créé pour la première fois en Ontario, sous la direction de la FEESO et des autres syndicats d'enseignants. Depuis 2003, depuis 15 ans, Unifor et la Fédération du travail de l’Ontario (FTO) ont étroitement collaboré avec les gouvernements libéraux McGuinty et Wynne pour réduire les dépenses sociales, réduire les impôts des entreprises, imposer des gels sur l’embauche d’enseignants et faire respecter les lois antigrève.

Une mobilisation de masse de la classe ouvrière contre le gouvernement Ford perturberait la campagne électorale soigneusement chorégraphiée par l'élite dirigeante et saperait les efforts frauduleux des syndicats visant à présenter les libéraux comme une alternative «progressiste» aux conservateurs d'Andrew Scheer.

Pour cette raison, les syndicats de l’éducation de l’Ontario conspirent pour reporter toute action d’enseignants au lendemain du scrutin, le 21 octobre. Ils savent pertinemment que cela confie l’initiative au gouvernement Ford, qui se prépare à utiliser toute la puissance de l’État pour imposer ses augmentations de taille des classes et ses reculs.

Une deuxième préoccupation des bureaucrates syndicaux est la croissance du militantisme plus largement au sein de la classe ouvrière. Aux États-Unis, plus de 150.000 travailleurs de l'industrie de l'automobile sont déterminés à déclencher une grève à l'expiration des contrats cette semaine chez Ford, General Motors et Fiat-Chrysler. Après des années de concessions imposées par la direction de l'UAW corrompu, les travailleurs veulent des augmentations de salaire, la sécurité de l'emploi et la fin du système de rémunération à deux niveaux. Le militantisme des travailleurs s'est déjà répandu en Ontario, les ouvriers des pièces d'automobiles ayant lancé des grèves sauvages pour protester contre la suppression de leurs emplois une fois que GM mettra fin à l'assemblage de voitures à Oshawa à la fin de l'année.

Le programme réactionnaire de Doug Ford suscite déjà ne opposition de masse. Le printemps dernier, des dizaines de milliers d'élèves ont quitté leurs salles de classe à travers la province pour protester contre ses augmentations de classe et ses attaques contre les enseignants. Trente mille personnes ont participé à une marche d'éducation publique devant la chambre législative provinciale en avril. Des manifestations plus modestes, dont beaucoup organisées indépendamment des syndicats, ont régulièrement eu lieu au cours des neuf derniers mois pour protester contre les coupes dans les soins de santé, la réduction du soutien aux familles ayant des enfants autistes et les attaques contre le programme d'aide juridique de la province. Une opposition généralisée s'est également manifestée parmi les étudiants des universités et des collèges contre la destruction de l'aide financière par le gouvernement.

Les syndicats procapitalistes reconnaissent à juste titre et craignent qu'une grève des enseignants, dans ces conditions, puisse déclencher un mouvement beaucoup plus vaste qu'ils auraient bien du mal à contrôler.

Mais c’est précisément pour une telle lutte unifiée que les enseignants, les étudiants et leurs partisans de l’Ontario doivent se battre. La lutte des enseignants coïncide avec une résurgence de la lutte des classes au Canada et à l'échelle internationale. Cela inclut le développement de mouvements de protestation de masse tels que les Gilets jaunes en France et les manifestations à Hong Kong, les grèves des enseignants et du personnel éducatif dans toute l'Europe, y compris en Pologne, et les grèves des ouvriers du secteur manufacturier à Matamoros, au Mexique. Ces luttes se sont développées en opposition aux syndicats, qui dans le monde entier se sont révélés n'être rien de plus qu’une division de la grande entreprise et de l'État capitaliste.

Pour mener une véritable lutte contre les attaques de Ford, les enseignants doivent former des comités de grève dans chaque école de manière totalement indépendante des appareils syndicaux. Ils doivent être soutenus par les étudiants, les parents et les résidents par la mise en place de comités d’action sur les lieux de travail et dans les quartiers de la province. Ces comités devraient exiger un système d'éducation public bien financé, la réintégration de tout le personnel de l'éducation déjà licencié et une augmentation salariale substantielle pour tenir compte du gel des salaires imposé par les gouvernements libéral et conservateur.

Pour répondre à ces exigences, il est nécessaire que tous les enseignants et le personnel de soutien se préparent d’urgence à faire grève, et à défier toute loi sur le retour au travail. Mais cette stratégie ne peut réussir que si les enseignants font de leur lutte le point de départ de la mobilisation de masse de la classe ouvrière dans une lutte politique contre le programme d'austérité de toute l'élite dirigeante. Une grève politique générale pour renverser le gouvernement Ford doit servir de catalyseur au développement d'un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière à travers le Canada, visant à amener au pouvoir un gouvernement de travailleurs qui utiliserait les vastes ressources dont la société dispose pour répondre aux besoins sociaux, tels qu'un système d'éducation de haute qualité, plutôt que d'enrichir davantage l'élite capitaliste.

(Article paru en anglais le 11 septembre 2019)

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