Le groupe de pseudo-gauche canadien La Riposte appuie les réductions salariales pour les travailleurs de l'éducation de l'Ontario

Le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) a conclu une entente de dernière minute avec le gouvernement conservateur populiste de droite de l'Ontario plus tôt ce mois-ci, sabordant une grève de 55.000 employés de soutien des écoles publiques.

Le contrat de trois ans proposé est une trahison envers les travailleurs et la lutte plus large contre le programme de guerre de classe du premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, y compris ses attaques contre l'éducation publique.

Pourtant, le groupe de pseudo-gauche La Riposte a salué l’entente de principe du SCFP comme une «victoire» et affirme qu’elle est la preuve que les syndicats peuvent être poussés à mobiliser la classe ouvrière contre le gouvernement Ford détesté. En réalité, les syndicats, qu'ils soient des partisans ouverts des libéraux comme Unifor ou des alliés électoraux du NPD social-démocrate comme le SCFP, ont tout fait pour frustrer et étouffer l'opposition de la classe ouvrière au gouvernement Ford. Le contrat proposé par le SCFP en est une autre preuve.

Le SCFP s'est plié à l'exigence du gouvernement que les travailleurs de l'éducation, qui ont déjà été la cible d'années «d'austérité salariale», reçoivent une augmentation totale des salaires et des avantages sociaux de seulement 1% par année pendant les trois prochaines années. Avec l'inflation, qui s'élève actuellement à 2%, cela signifierait une nouvelle baisse significative des salaires réels pour un personnel de soutien scolaire déjà mal rémunéré.

De plus, comme les porte-parole et les partisans du gouvernement n'ont pas tardé à clamer haut et fort, l'entente du SCFP établit un précédent pour l'ensemble du secteur public. Si le SCFP est en mesure d'obtenir sa ratification, la convention collective du conseil scolaire serait la première entente importante à enchâsser le cadre triennal de «rémunération totale du travail» de 1% par année que le gouvernement Ford s'est engagé à imposer à un million de travailleurs du secteur public en Ontario.

En divisant davantage les travailleurs de l'éducation, la trahison du SCFP renforce également la volonté de Ford d'augmenter considérablement les plafonds d'effectif des classes et d'éliminer plus de 10.000 emplois d'enseignants.

Pour La Riposte, tout cela n'a aucune importance. Le groupe a recyclé avec enthousiasme les mensonges des bureaucrates du SCFP au sujet de l'entente sur le personnel de soutien scolaire. Dans un article intitulé «La grève des travailleurs de l'éducation montre que la faiblesse du gouvernement Ford peut être vaincue», La Riposte salue le contrat proposé comme une «victoire significative», car il a mis «un terme aux réductions générales». En fait, même le SCFP n'a pas osé prétendre que les dispositions du contrat ont annulé toutes les coupures de Ford dans les services d'éducation et le soutien scolaire; il a simplement renversé certaines d'entre elles et rétabli le financement de 1.000 postes de personnel de soutien pour les trois prochaines années. Dans le même ordre d'idées, La Riposte qualifie de «victoire importante» le retrait par le gouvernement de sa demande de changements importants aux congés de maladie.

L'article est un exemple typique de la façon dont La Riposte sert d'apologiste pour la bureaucratie syndicale corrompue. Avec ses belles paroles sur les «victoires», il appuie une entente qui imposerait des réductions réelles des salaires et d'avantages sociaux aux travailleurs qui ne gagnent en moyenne que 38.000 $ par année, et occulte le fait que les syndicats font intentionnellement le jeu du gouvernement en divisant les travailleurs de l'éducation selon des lignes sectorielles.

En effet, les appareils syndicaux de droite ont systématiquement divisé les 250.000 travailleurs de l'éducation dont les contrats ont expiré le 31 août, bien qu'il soit évident depuis le début de cette année que le gouvernement Ford est déterminé à démanteler l'éducation publique de qualité, l'augmentation des effectifs des classes servant de fer de lance. Le SCFP et chacun des quatre syndicats d'enseignants – la Fédération des enseignants des écoles secondaires de l'Ontario (FEESO), la Fédération des enseignants de l'élémentaire de l'Ontario (FEEO), l'Ontario English Catholic Teachers' Association (OECTA) et l'Association des enseignants franco-ontariens (AEFO) – ont insisté pour négocier séparément avec le gouvernement et se sont opposés à toute idée de grève commune.

Après avoir fait l'éloge de la capitulation du SCFP et implicitement appuyé le court-circuitage d'une grève autorisée par un vote de grève massif de plus de 90%, La Riposte fait une tentative tardive pour sauver ses apparences «radicales». «Le SCFP aurait pu faire plus pour s'opposer au plafond salarial de 1% du gouvernement Ford.» Cependant, La Riposte n'exhorte pas le personnel de soutien de l'école à rejeter l'accord proposé et à se joindre aux enseignants dans une offensive politique de la classe ouvrière contre Ford et le programme d'austérité de la classe dominante dans son ensemble.

Ce qui est particulièrement révélateur, c'est la façon dont La Riposte s'occupe du sabordage par le SCFP de la grève imminente du personnel de soutien des conseils scolaires. Tout d'abord, le gros titre de ses excuses pour la capitulation du SCFP, «La grève des travailleurs de l'éducation montre que le gouvernement Ford faible peut être vaincu», est un mensonge éhonté, puisque la grève a été arrêtée par le SCFP avant même qu'elle ne commence. Dans le corps de l'article, La Riposte adopte le langage de la presse capitaliste, disant que la grève «a été évitée», mais pas qui l'a empêchée ni comment, avant de citer sans critique l'affirmation de la négociatrice en chef du SCFP, Laura Walton, que le syndicat «n'a rien abandonné». Il ne fait aucune mention du fait que le syndicat ait immédiatement mis un terme à la campagne de «perturbations» «work-to-rule» que le SCFP avait lancée à contrecœur au début de la semaine.

Enfin, et ce qui est le plus révélateur, la phrase du communiqué de presse du SCFP qui reconnaît que le syndicat a accepté un contrat de concession parce qu'il voulait désespérément éviter un affrontement direct avec le gouvernement Ford, qui se préparait à répondre à une grève par une loi de retour au travail, est exclue du compte-rendu de La Riposte.

«Walton, a dit le SCFP, a noté qu'elle et son équipe de négociation étaient heureuses d'avoir été en mesure de négocier une convention collective librement négociée à recommander aux membres du SCFP.»

Ford a menacé à maintes reprises de criminaliser toute grève qui fermerait les écoles de l'Ontario et a déposé un projet de loi (projet de loi 124) pour faire respecter le plafond de trois ans de 1% par année imposé par le gouvernement sur les augmentations salariales et les avantages. La capitulation du SCFP n'a été «librement négociée» que parce que l'appareil syndical lui-même est intervenu pour faire respecter la réduction du salaire réel et a accepté d'aider le gouvernement à isoler les enseignants, son principal objectif dans les négociations en cours.

Si le syndicat s'est incliné devant les menaces de Ford, ce n'est pas parce que son gouvernement conservateur est fort. Mais parce que les bureaucrates syndicaux sont terrifiés à l'idée qu'une grève pour défendre l'éducation publique puisse rapidement échapper à leur contrôle, risquer de faire tomber le gouvernement Ford, et devenir le catalyseur d'une contestation plus large de la classe ouvrière contre l'ordre capitaliste tout entier.

Depuis l'élection de Ford en juin 2018, les syndicats ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour contenir l'opposition populaire. L'opposition des syndicats à une contestation de Ford par la classe ouvrière est illustrée par le compte à rebours sur la page d'accueil de la Fédération du travail de l'Ontario. Il mesure à la seconde le temps qui reste jusqu'au prochain vote provincial en juin 2022 et l'élection d'un «gouvernement progressiste», c'est-à-dire un gouvernement dirigé par l'un des deux partis d'opposition proguerre et proausterité, les libéraux ou le NPD.

Défenseurs des syndicats et du NPD

Tout en proférant de temps en temps des phrases «radicales», voire marxistes, La Riposte fonctionne comme un défenseur et un apologiste de gauche des syndicats et du NPD. Le groupe s'efforce de maintenir l’autorité décroissante des syndicats, qui a été minée par leur répression de la lutte des classes pendant des décennies et leur complicité dans l'imposition de réductions de salaires et d'emplois, ainsi que dans le démantèlement des services publics.

La Riposte n'a jamais critiqué Unifor pour son opposition catégorique à l'unification des travailleurs canadiens et américains de GM contre la vague de fermetures d'usines du constructeur automobile. Lorsque, après des mois de chauvinisme antimexicain, les dirigeants de la section locale d'Unifor GM d'Oshawa ont envoyé un message de «soutien» au syndicat qui a mis fin aux grèves sauvages à Matamoros, au Mexique. La Riposte a salué le geste, car il démontrait supposément qu'Unifor avait la capacité de rassembler les travailleurs nord-américains.

De même, La Riposte a fourni des alibis pour l'isolement systématique des travailleurs en lock-out de l'aluminerie ABI au Québec par le syndicat des Métallos. L'imposition d'un contrat rempli de concessions n'était pas, selon La Riposte, due à la politique corporatiste et nationaliste de la bureaucratie, mais à un «rapport de forces» défavorable.

Quant au NPD, La Riposte fait sa promotion et celle de ses partis sociaux-démocrates frères comme instruments potentiels pour s'opposer à l'austérité et même lutter pour le socialisme, peu importe que ces partis aient déchiré il y a très longtemps leurs programmes réformistes nationaux, qu'ils aient imposé l'austérité pendant des décennies et qu'ils n'aient pu se distinguer des partis traditionnels de droite dans leur soutien à la guerre et au réarmement.

Le NPD et ses alliés syndicaux savent très bien que La Riposte est prêt à leur fournir la couverture de gauche dont ils ont désespérément besoin. C'est pourquoi La Riposte est toléré comme une «opposition» officielle au sein du NPD.

Sur la scène internationale, le rôle de La Riposte n'en est pas moins pernicieux sur le plan politique. Le groupe international auquel il appartient, la Tendance marxiste internationale (TMI), a salué la montée en puissance du parti grec de pseudo-gauche Syriza, qui s'est élevé au pouvoir en exploitant l'opposition de masse à l'austérité, puis a imposé des réductions des dépenses sociales, des coupes dans les pensions et des réductions du salaire minimum encore plus brutales que celles imposées par les partis ouvertement de droite. En Grande-Bretagne, la TMI a passé les quatre dernières années à prétendre que l'élection d'un gouvernement travailliste sous Jeremy Corbyn porterait un coup à l’austérité. Pendant ce temps, le social-démocrate de «gauche» Corbyn capitule sur toute la ligne devant la droite blairiste et démobilise la classe ouvrière, permettant à l’adulateur de Thatcher pro-Brexit Boris Johnson et à la faction pro-Remain de la bourgeoisie de prendre l'initiative.

Les travailleurs doivent voir ces développements et le soutien de La Riposte à l'application de l'austérité de Ford par le SCFP comme un avertissement.

À la suite des élections fédérales de la semaine dernière, le gouvernement libéral de Justin Trudeau dépendra encore plus de l'appui des syndicats et du NPD pour faire adopter à toute vapeur son programme anti-ouvrier de droite. Le parti gouvernemental préféré de l'élite dirigeante canadienne a l'intention de dépenser des dizaines de milliards de dollars pour l'armée, d'intégrer davantage le Canada aux offensives militaires américaines dans le monde et d'intensifier l'austérité et les attaques contre les droits démocratiques pour financer le réarmement, rendre le capitalisme canadien plus «compétitif sur la scène internationale» et réprimer l'opposition populaire. Lorsque le NPD et les syndicats aideront à faire appliquer ce programme réactionnaire, La Riposte sera prêt, avec sa rhétorique «marxiste» et «révolutionnaire», à fournir aux sociaux-démocrates et à leurs alliés syndicaux la couverture de «gauche» dont ils ont tant besoin.

Contrairement à ce que prétend La Riposte, les enseignants et les travailleurs de l'éducation ne peuvent pas vaincre le programme d'austérité de Ford dans le cadre d'une négociation collective. Au lieu de cela, les travailleurs doivent rompre politiquement et de manière organisationnelle avec les syndicats procapitalistes et le NPD, établir leurs propres comités de lutte pour organiser une grève politique générale afin de faire tomber Ford; et construire un mouvement de masse à travers le Canada pour un gouvernement ouvrier. Comme l'a expliqué le Parti de l'égalité socialiste dans sa récente déclaration: Il faut bâtir des comités de la base et préparer une grève générale politique contre le gouvernement de l’Ontario. Une telle lutte politique de classe doit être animée par un programme socialiste et internationaliste.

(Article paru en anglais le 30 octobre 2019)

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