La grève du 5 décembre contre la réforme des retraites s'annonce massive

Au départ, la mobilisation du 5 décembre était organisée par cinq syndicats de la RATP pour tenter d’endiguer la colère des travailleurs des transports parisiens après une grève très suivie le 16 septembre et plusieurs grèves sauvages cette automne à la SNCF. Craignant la colère sociale qui monte parmi diverses sections de travailleurs, les syndicats se sont résignés à appeler à faire grève. La mobilisation s'annonce massive et en mesure de paralyser le pays.

Au-delà les manœuvres des appareils syndicaux, une volonté de stopper Macron et son austérité se généralise parmi les travailleurs. L'appel à la grève interprofessionnelle est défendu dans presque toutes les catégories sociales. Selon divers sondages, sept Français sur dix déclarent qu’il se poursuivra au-delà du 5 décembre, et 69 pour cent approuvent de la grève. Le soutien est marqué chez les ouvriers (74 pour cent) et le secteur public (70 pour cent).

La colère grandissante des travailleurs en France fait partie d’une vaste éruption internationale de la lutte des classes, avec des grèves majeures dans l’automobile aux USA et des manifestations de masse en Algérie, en Catalogne, au Chili, au Liban, en Irak et Iran, et à Hong Kong. En France, le mouvement des «gilets jaunes», organisé indépendamment des syndicats sur les réseaux sociaux, a fêté son premier anniversaire le 17 novembre.

De nombreuses sections de travailleurs se fédèrent à présent derrière des appels à la grève le 5 décembre. Laurent Djebali, le secrétaire général adjoint de l’Unsa-RATP, prédit dans les colonnes du Figaro: «Ce sera, à partir du 5 décembre, zéro métro, zéro RER et très peu de bus».

La CGT-Cheminots, UNSA-Ferroviaire, SUD-Rail, FO-Cheminots et CFDT-Cheminots annoncent une grève reconductible. Ceci fait suite à l’éruption de grèves sauvages parmi les cheminots, d’abord à l’échelle nationale puis au technicentre de Châtillon en région parisienne, suite à la négociation par les appareils syndicaux avec Macron de la casse de leur statut et la privatisation partielle de la SNCF l’année dernière.

Dans un communiqué les travailleurs de Châtillon déclaraient: «Nous ne pouvons plus accepter de travailler avec des salaires proches du SMIC et gelés depuis 5 ans, en sous-effectif et avec des agents qui démissionnent de plus en plus. Nous avons honte de voir comment la SNCF joue avec la sécurité ou encore le confort des voyageurs, pour des questions de flexibilité et de rentabilité. ... Marre des réorganisations, des bas salaires, des suppressions d’emplois et des sous-effectifs!»

A l'instar de leurs collègues du rail, les fédérations de routiers FO Transports et Unsa Transport ont, elles aussi, appelé à la grève le 5 décembre. Le transport aérien rejoint le transport terrestre: chez Air France, 11 syndicats appellent les salariés à manifester «partout sur le territoire».

Le milieu hospitalier, en grève depuis le mois de mars dénonçant les conditions déplorables d'accueil des patients et de travail, proteste contre le projet de loi santé 2022 qui dégradera encore plus le système de santé. Ces travailleurs seront présents le 5 décembre dans la rue.

Parmi les services publics concernés, les trois principaux syndicats de l'éducation, SNES-FSU, SUD-Education et l'Unsa-Education, appellent à une grève des enseignants. `

Des mouvements de grève sont par ailleurs attendus chez les pompiers, EDF, les ports ainsi qu'à la Poste. Étudiants et avocats manifesteront également.

L’affontement qui couve entre les travailleurs et le gouvernement Macron pose des questions politiques critiques. Les appareils syndicaux, qui négocient étroitement avec Macron et qui se sont révélés hostiles au mouvement des «gilets jaunes», ne veulent pas d’une lutte politique décisive contre Macron. Ils appellent à la grève, ouvrant une brèche dans laquelle tentent de s’engouffrer les travailleurs, mais c’est seulement pour éviter de se faire déborder. Ils feront tout leur possible pour étouffer et organiser la défaite de la grève qu’on les a forcés à organiser.

Ainsi Laurent Escure de l'Unsa a mis en garde le patronat que «La colère est en train de s’enkyster dans certains secteurs», réclamant «que des arbitrages soient rendus le plus vite possible» car «si c’est après le 5, on sera dans une zone de danger». C’est-à-dire que les syndicats veulent un accord qu’ils tenteraient d’imposer aux travailleurs dès que commencerait la grève, afin d’y mettre fin et de la transformer en baroud d’honneur symbolique.

Pour les travailleurs voie pour aller de l’avant, c’est d’ôter le contrôle des luttes aux appareils syndicaux, et de former leurs propres comités d’action, indépendants des syndicats. Ces comités peuvent tendre la main aux luttes de classe qui se développent à l’échelle mondiale et construire l’unité en lutte de la classe ouvrière internationale. Le Parti de l’égalité socialiste insistera dans ce mouvement sur la nécessité pour les travailleurs de lutter pour la prise de pouvoir par les travailleurs en France et à l’international, afin d’exproprier l’aristocratie financière.

Cette aristocratie est déterminée à appauvrir encore plus les travailleurs, que ce soit à travers la loi Santé ou la réforme des retraites. Supprimant les 42 régimes spéciaux et mettant fin au régime par répartition pour une retraite individualisée par points, la réforme réduirait de centaines d’euros mensuels les retraites des travailleurs. Un enseignant a calculé pour la chaine d'information BFMTV qu'il perdrait 900 euros mensuels de retraite si la réforme passait.

Pour dénoncer les manifestants le 5 décembre, le parti présidentiel les pointe du doigt avec tout le mépris de classe de la bourgeoisie envers les travailleurs. La ministre de la Santé Agnès Buzyn sur France Info jeudi dernier déclarait: «Ce sont des revendications très corporatistes.» Richard Ferrand prétendait dimanche: «C’est une mobilisation pour conserver les inégalités.»

Les travailleurs ayant des régimes spéciaux de retraite n’encouragent pas les inégalités, c’est un mensonge provocateur. Ce qui fait flamber l’inégalité, en France et à travers le monde, c’est une aristocratie financière—un parasite social qui engloutit des richesses énormes produites par les efforts des travailleurs. Leur expropriation est une mesure essentielle.

Alors que Macron casse les salaires et les acquis sociaux, les treize Français les plus riches se sont enrichis de 23,67 milliards en 2018, faisant de la France le pays du monde où les milliardaires s’enrichissent le plus vite malgré la stagnation de l’économie depuis 2008. Avec l'achat du joaillier américain Tiffany, Bernard Arnault devient l'homme le plus riche du monde avec un patrimoine de plus de 106 milliards de dollars. La politique d’austérité menée par Macron leur permettra d'engranger des dizaines de milliards de plus, accroissant ainsi l’inégalité.

L’État fait signe qu’il ne lachera rien sur l’austérité. Conscient de l'explosivité de la situation, Macron a annulé son intervention à la COP25 à Madrid et écourté son voyage pour le sommet de l'Otan à Londres. Devant des étudiants de l'université d'Amiens, il a critiqué les Français: «On a l’impression si on s’écoute collectivement, si on branche la radio ou qu’on allume la télé, que tout est terrible […] En ce moment notre pays est, je trouve, trop négatif sur lui-même.»

Le premier ministre Edouard Philippe s'est entretenu avec le patronat et les syndicats lundi et mardi sans rien annoncer mais pour proclamer leur «très grande détermination». La grève «aura lieu de toute façon», a dit le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, qui a dit s’attendre à «des difficultés», même une courte grève pouvant «avoir un impact sur l’image et l’attractivité du pays».

Face à l’inflexibilité de la classe dirigeante, les revendications des travailleurs, qui soulèvent toutes la question de la répartition des richesses, exigent l’expropriation de l’aristocratie financière. Elles posent donc la question de la prise du pouvoir par la classe ouvrière à l’échelle internationale et la construction d’une société socialiste.

Loading