Le gouvernement allemand prévoit de nouvelles interventions militaires et un réarmement massif

L’armée allemande (Bundeswehr) se prépare à de nouvelles interventions militaires. Les plans ont été annoncés par la ministre allemande de la défense, Annegret Kramp-Karrenbauer (Union Chrétienne-démocrate, CDU), lundi, sur une base de la Bundeswehr dans la Sarre. «Nous pourrions entreprendre des missions supplémentaires aujourd'hui», s'est-elle vantée.

Des plans concrets ont été élaborés pour une mission de combat au Mali en Afrique de l’Ouest. L’armée allemande mène actuellement des missions de formation dans le cadre de la «vraie lutte contre le terrorisme», qui est toutefois «actuellement menée exclusivement par la France». Il existe «une volonté de la France de placer l’intervention sur une base plus large», car le sentiment général est «que la situation n'est pas facile en ce qui concerne les forces armées maliennes et autres […] Cela devait être discuté dans le cadre de l'extension habituelle des mandats.»

Le message est sans équivoque: sept ans après que le Bundestag a décidé, (article en anglais) début 2013, de soutenir l'intervention militaire française, la mission allemande doit maintenant être officiellement transformée en une opération de combat meurtrière. La tâche de la Bundeswehr n’est pas de «lutter contre le terrorisme», mais bien de soumettre le pays à une domination néocoloniale. La semaine dernière, à Berlin, la «Conférence sur l'Afrique» (article en anglais) du gouvernement allemand a souligné l'étendue des plans impérialistes globaux de l'Allemagne pour un continent densément peuplé et riche en ressources.

Un soldat allemand en Afghanistan, août 2011 (source US Navy, Flickr)

Les projets militaires et de grande puissance du gouvernement allemand - une coalition de la CDU, de l'Union sociale chrétienne (CSU) et du Parti social-démocrate (SPD) - s'étendent bien au-delà de l'Afrique. Kramp-Karrenbauer a évoqué son discours de politique étrangère prononcé (article en anglais) il y a deux semaines à l'Université des forces armées de Munich, dans lequel elle avait appelé à un rôle plus important de la politique étrangère et militaire de l’Allemagne, déclarant qu '« il faut être prêt à ce que nos alliés et partenaires nous approchent beaucoup plus vite avec de telles préoccupations».

La Brigade aéroportée 1, basée à Sarrelouis et comptant environ 4100 soldats, y compris tous les parachutistes de la Bundeswehr, est «la preuve que nous sommes en mesure de procéder à de tels déploiements», a déclaré la ministre de la défense. C'est une «unité très spéciale et flexible», qui a été utilisée à plusieurs reprises dans le passé pour «se déployer rapidement et s’engager rapidement là où cela compte sur le terrain».

Afin de concrétiser ses plans de guerre, le gouvernement prévoit de réarmer massivement la Bundeswehr et d'augmenter encore les dépenses militaires. En réponse à la critique de Hans-Peter Bartels (SPD), commissaire au Parlement allemand chargé de l'armée, que l'armée manquait d'équipement et de personnel pour les tâches militaires majeures, Kramp-Karrenbauer a déclaré: «Nous savons qu’il faut faire plus, et nous allons y arriver». En 2031, l'armée allemande serait «en réalité» en mesure d’assumer plus de 10 pour cent de la capacité militaire de l'OTAN. D’ici à cette date au plus tard, l'Allemagne atteindrait également l'objectif fixé par l'OTAN de 2 pour cent de son produit intérieur brut consacré aux dépenses militaires.

En fait, l’Allemagne fera des progrès substantiels vers cet objectif dès l’année prochaine, comme le prévoit le pacte de formation de la grande coalition. Selon un rapport de l'agence de presse allemande, le gouvernement allemand a annoncé à l'alliance militaire son intention de dépenser 50,25 milliards d'euros en 2020. «Nous respectons nos obligations internationales. Le taux de dépense pour la défense de l'OTAN est de 1,42 pour cent», s’est vanté le ministre social-démocrate des Finances, Olaf Scholz, lors de la présentation du budget pour 2020 au Bundestag.

C'est avant tout le SPD qui mène l'offensive au sein de la grande coalition pour une politique étrangère et de grande puissance plus indépendante pour l'Allemagne. Dans un entretien accordé à Deutschlandfunk lundi, le social-démocrate Sigmar Gabriel, ancien ministre de l'économie et des affaires étrangères et actuel président du Pont de l'Atlantique, a déclaré qu'une «politique de défense européenne» n'était «pas une illusion». Cependant, contrairement à la récente proposition du président français Emmanuel Macron, il «ne l'organiserait pas en opposition à l'OTAN, mais plutôt en complément.»

«Ce que Macron fait [...] quand il déclare que l'OTAN est finie», ajoute le «risque» que les pays d'Europe de l'Est «se lient encore plus étroitement aux États-Unis et que cela divise l'Europe plutôt qu’il ne la rassemble», a averti Gabriel. Les Européens de l'Est «ne feraient pas confiance à la politique de sécurité des Européens». Son «conseil» est donc le suivant: «Bien sûr, développez la capacité de défense de l'Europe, mais pas en opposition à l'OTAN.»

Pour organiser l'Europe sous la direction allemande, Gabriel estime que le réarmement de la Bundeswehr devrait aller au-delà des paramètres convenus dans le cadre du réarmement militaire de l'OTAN dirigé contre la Russie.

«Si vous parlez de deux pour cent pour le budget de la défense, deux pour cent du produit intérieur brut, vous pouvez imaginer dire qu'en Allemagne, nous investissons 1,5 pour cent dans l'armée allemande et 0,5 pour cent dans le fonds de l'OTAN pour la défense de l'Europe de l'Est.» Il a poursuivi en disant que, «Cela montrerait à nos voisins polonais et baltes que nous sommes prêts à assumer la responsabilité de leur sécurité à plus grande échelle, ce que seuls les États-Unis ont fait jusqu'à présent.» C'était «d’une certaine manière le destin de l'Allemagne. Nous sommes le pouvoir central en Europe. Nous sommes le pays le plus fort, la plus forte économie.»

Cinq ans après l'annonce par le gouvernement allemand de la fin des restrictions militaires à la Conférence sur la sécurité de Munich en 2014, la classe dirigeante ne peut plus cacher le fait qu'elle fonde sa politique étrangère et de grande puissance sur les traditions militaristes de l'empire allemand et des nazis. Dans sa principale conférence sur la politique étrangère à la fin du mois d'octobre, le président du parlement allemand, Wolfgang Schäuble (CDU), a décrit l'année 1945, c'est-à-dire la date de la chute du Troisième Reich et de la défaite de l'Allemagne au cours de la Seconde Guerre mondiale - comme une «catastrophe».

(Article paru en anglais le 29 novembre 2019)

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