La fusion de Fiat Chrysler avec PSA signale de nouvelles attaques contre les emplois et les conditions des travailleurs de l'automobile

Fiat Chrysler Automobiles (FCA) et PSA Group ont signé un accord de fusion contraignant dans une décision qui, selon les analystes, va refaçonner l'industrie mondiale. L'accord de 47 milliards de dollars entre la société italo-américaine et le propriétaire français des marques Citroën, Peugeot et Opel en fera le quatrième constructeur automobile mondial en termes de ventes, derrière le groupe Volkswagen, Toyota Motor et l'alliance Renault-Nissan.

Les travailleurs de PSA manifestent contre les menaces de fermeture des usines Citroën-Peugeot

La fusion FCA-PSA est la première de ce qui devrait être une vague de nouvelles consolidations dans l'industrie automobile mondiale, dans des conditions de ralentissement de l'économie mondiale, d'éruption de conflits commerciaux et d'une intense bataille pour dominer les marchés émergents des voitures électriques et autonomes et d'autres technologies dites de «mobilité».

Les constructeurs automobiles américains, autrefois dominants, General Motors et Ford, seront relégués respectivement aux sixième et septième places de la liste des plus grandes sociétés automobiles du monde. Les deux sociétés ont établi des partenariats stratégiques – Ford avec VW et GM avec Toyota – et ont lancé leurs propres campagnes de restructuration de réduction des coûts. Rien que cette année, GM, Ford, VW, Nissan, Audi, Daimler et d'autres fabricants mondiaux d'automobiles et de composants ont supprimé des dizaines de milliers d'emplois dans le monde.

Selon Automotive News, «L'accord donnera à PSA une présence recherchée depuis longtemps aux États-Unis et devrait aider FCA à gagner du terrain dans le développement de technologies à faibles émissions, où elle a pris du retard par rapport à ses rivaux. Pourtant, la société sera toujours fortement tributaire du marché automobile saturé en Europe et mal positionnée en Chine, le plus grand pays au monde pour les ventes de voitures.»

Quant à FCA, la société «aura accès aux plates-formes de véhicules plus modernes de PSA, l'aidant à respecter de nouvelles règles d'émissions plus strictes», a déclaré la publication du secteur, «tandis que PSA, axée sur l'Europe, bénéficiera de l'activité rentable de FCA aux États-Unis, qui comprend des marques telles que Ram et Jeep».

Les deux sociétés ont un volume de ventes annuelles combinées de 8,7 millions de véhicules, mais ensemble, elles auront une capacité de fabrication de 14 millions, selon LMC Automotive. Alors que les dirigeants des deux sociétés ont déclaré qu'il n'y aurait pas de fermetures d'usines ni de pertes d'emplois en production en raison de la fusion, les analystes du secteur s'attendent à ce que des suppressions d'emplois s’abattent sur les 400.000 employés. Cela se produira une fois que les entreprises auront consolidé les plates-formes de véhicules, réduit la capacité des usines et éliminé les redondances dans les opérations marketing, informatiques, logistiques et administratives, en particulier en Europe.

Manifestation de travailleurs PSA en 2011

PSA et FCA visent à réduire leurs coûts annuels de 3,7 milliards d'euros grâce au rapprochement. L'entreprise fusionnée sera dirigée par l'actuel PDG de PSA, Carlos Tavares, qui est un chasseur de coûts notoire. Tavares, qui a pris la direction générale en 2014, est reconnu pour avoir ramené le constructeur automobile français, ainsi qu’Opel, que PSA a acheté à GM en 2017, à la rentabilité grâce à une série de suppressions d'emplois, de salaires et d'avantages sociaux, soutenues par les syndicats français, allemands et britanniques. Avec une marge d'exploitation de 8,4 pour cent en 2018, PSA était le constructeur automobile en volume le plus rentable en Europe l'année dernière.

La fusion a reçu le soutien des syndicats européens, dont la CGT stalinienne en France, et les syndicats auront des représentants au conseil d'administration de la nouvelle société. La CGT, qui tente actuellement d'étouffer les grèves de masse contre le gouvernement Macron, a accompagné les suppressions d'emplois de PSA et ses mesures visant à prolonger les heures de travail, conformément aux efforts de Macron pour mettre fin à la semaine de travail de 35 heures légalement prescrite.

Aux États-Unis, le syndicat United Auto Workers (UAW) a salué la fusion. La vice-présidente de l'UAW, Cindy Estrada, qui vient de superviser l'imposition par l'UAW d'un accord salarial contenant des reculs à 48.000 travailleurs de la FCA, a déclaré qu'elle espère que la fusion «apportera des opportunités de croissance qui bénéficieront aux membres de l'UAW et à nos communautés». Elle a ajouté: «Nous savons que la production de FCA en Amérique du Nord est très rentable et le chevauchement des produits est actuellement minime. Nous avons hâte d'entendre plus de détails à l'avenir et de travailler ensemble pour continuer à faire de la FCA un succès et assurer la sécurité d'emploi de nos membres.»

Les activités de Fiat Chrysler aux États-Unis étaient particulièrement attrayantes pour PSA et ses actionnaires. La société a affiché la meilleure marge bénéficiaire de 10,6 pour cent en Amérique du Nord l'année dernière et réalise des bénéfices record depuis près d'une décennie depuis que Fiat a repris Chrysler lors de la restructuration de faillite de Chrysler effectuée par le gouvernement américain en 2009. Ceci est principalement dû à la collaboration de l'UAW, qui a accepté des reculs de salaires et d'avantages sociaux qui ont réduit les coûts de main-d'œuvre de l'entreprise d'un tiers depuis 2006.

Travailleurs FCA à Detroit

La FCA fait actuellement face à une action en justice de GM, son rival voisin à Detroit. Les poursuites accusent les dirigeants de la FCA d'avoir «acquis» l'UAW en versant à ses fonctionnaires des millions de dollars de pots-de-vin illégaux pour signer des accords salariaux favorables à l’entreprise, et que cela a accordé à la FCA un avantage déloyal vis-à-vis ses concurrents. Le procès de GM accuse l’UAW d’être «une entreprise sous contrôle de la FCA» au moins depuis 2009, qui aurait signé des accords de réduction des coûts dans le cadre des efforts de Sergio Marchionne, alors PDG de la FCA, pour faire pression sur GM en vue d'une fusion.

Mercredi, dans des commentaires aux journalistes, Tavares a parlé du procès de GM, disant que «nous avons évidemment fait preuve de diligence raisonnable et nous soutenons pleinement la déclaration de la FCA selon laquelle cette plainte est sans fondement».

La fusion sera une manne pour les principaux investisseurs des deux sociétés, y compris les membres des familles des deux dynasties automobiles européennes: le clan milliardaire Agnelli d'Italie, les fondateurs de Fiat et les Peugeots de France.

Avant la conclusion de l'accord, FCA versera à ses actionnaires un dividende spécial de 5,5 milliards d'euros. De plus, a rapporté Automotive News, PSA distribuera à ses actionnaires sa participation de 46 pour cent dans le fabricant de pièces détachées automobiles Faurecia, d'une valeur de 3,2 milliards d'euros sur la base de la valeur de marché de mardi. La participation de FCA dans le fabricant de robots Comau sera séparée après la clôture «au profit des actionnaires de la société issue du regroupement».

En annonçant l'accord de fusion, les sociétés ont souligné les gains de productivité à réaliser en «optimisant les investissements dans les plates-formes de véhicules, les familles de moteurs et les nouvelles technologies, tout en tirant parti d'une plus grande échelle qui permettra à l'entreprise d'améliorer ses performances d'achat et de créer de la valeur ajoutée pour les parties prenantes».

La finalisation du rapprochement proposé devrait avoir lieu dans 12 à 15 mois, a rapporté Automotive News, et devra être approuvée par les actionnaires des deux sociétés lors d'assemblées générales extraordinaires. L'accord est également soumis à la législation antitrust et à d'autres exigences réglementaires. Le mois dernier, le conseiller économique de Trump, Larry Kudlow, a déclaré que le gouvernement «examinerait très, très attentivement» le projet de fusion, car l'un des actionnaires de PSA est le groupe chinois Dongfeng Motor.

Dans le cadre de sa guerre commerciale avec la Chine, le gouvernement Trump, avec le plein soutien de l'UAW et d'autres syndicats, a affirmé que l'industrie automobile est essentielle à la «sécurité nationale». Il a décidé d'empêcher les entreprises chinoises d'accéder aux «technologies américaines».

Dans un effort pour obtenir l'approbation des États-Unis, Dongfeng Motor Group réduira sa participation de 12,2 pour cent dans le constructeur automobile français en vendant 30,7 millions d'actions à PSA, d'une valeur de 679 millions d'euros, ce qui lui laissera une part de 4,5 pour cent du groupe fusionné.

L'intégration mondiale toujours plus grande de l'industrie automobile met en évidence l'absurdité de la division du monde en États-nations capitalistes rivaux et le nationalisme obstiné de l'UAW, de la CGT et des autres syndicats. Il n'y a pas de voiture «américaine», «française» ou «chinoise». L'industrie automobile mondiale est un ensemble interconnecté, impliquant le travail de dizaines de millions d'ouvriers de production, d'ingénieurs et de techniciens à travers le monde, en plus des millions d'autres qui extraient les matières premières, qui contribuent tous à la construction de ce qui sont, en fait, des produits du monde.

Afin de défendre leur emploi, leurs salaires et leurs conditions de travail, les travailleurs de l'automobile ont besoin de nouvelles organisations: des comités d'usine et de travail qui sont indépendants des syndicats. En opposition à l'attaque mondiale contre les travailleurs de l'automobile, ces comités se battront pour mobiliser les sections les plus larges de la classe ouvrière dans des manifestations de masse, des occupations d'usines et des grèves nationales et transfrontalières pour défendre les emplois et le niveau de vie.

Le mouvement social croissant de la classe ouvrière, y compris les grèves des travailleurs français, américains et mexicains, doit être développé en un puissant mouvement politique contre la domination économique et politique de l'élite des grandes entreprises et des finances.

La nouvelle vague de fusions et de licenciements collectifs démontre que sous le capitalisme, les avancées révolutionnaires dans les technologies telles que l'intelligence artificielle, l'impression 3D, la communication de machine à machine et les voitures électriques et autonomes ne sont pas utilisées pour améliorer la vie de la grande majorité de la population, mais pour enfoncer plus de travailleurs dans l'esclavage industriel et le dénuement. C'est pourquoi l'industrie automobile mondiale doit être transformée en une entreprise publique, devenant la propriété collective, contrôlée démocratiquement par la classe ouvrière, dans le cadre de la réorganisation socialiste de l'économie mondiale.

(Article paru en anglais le 19 décembre 2019)

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