Plus de 1500 métallurgistes vont perdre leur emploi alors que US Steel s'apprête à mettre en veille les installations de Great Lakes Works à l'extérieur de Detroit

US Steel a annoncé le mois dernier, quelques jours avant le congé de Noël, qu'elle envoyait des avis de mise à pied à 1545 travailleurs de son usine de Great Lakes Works au sud de Detroit. L'an prochain, elle mettra en veille la majeure partie de l’usine et transférera la production à Gary Works, à Gary, en Indiana, ce qui opposera les travailleurs d'une même région les uns aux autres en raison de la diminution du nombre d'emplois.

Les porte-parole de l'entreprise ont déclaré au Northwest Indiana Times que l'objectif de US Steel est de rendre les emplois restants «plus sûrs et plus durables» pour «aider l'entreprise à atteindre son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20 % d'ici 2030». En d'autres termes, les nouveaux emplois seront très probablement moins bien rémunérés et comporteront peu d'avantages sociaux.

Des travailleurs quittent le US Steel Great Lakes Works d’Ecorse au Michigan

Great Lakes Works est situé le long de la rivière Detroit et s'étend sur deux collectivités du Michigan, Ecorse et River Rouge, qui sont maintenant confrontées à une dévastation économique. Elle est actuellement en mesure de produire un volume net de 3,8 millions de tonnes d'acier brut par an et produit principalement des tôles d'acier laminées à chaud, à froid et revêtues utilisées dans l'industrie automobile.

En septembre, US Steel a émis des avis de licenciement à 200 travailleurs de Great Lakes Works à la suite de l'annonce qu'un haut fourneau allait être arrêté.

Le président et chef de la direction de US Steel, David Burritt, qui a été payé un total de 11,6 millions de dollars en 2018, a prononcé les paroles creuses typiques après l'annonce des mises à pied: «Ces décisions ne sont jamais faciles ni prises à la légère. Cependant, nous devons gérer nos ressources de façon responsable tout en renforçant l'avenir à long terme de notre entreprise, un avenir dont dépendent de nombreux acteurs».

Gary Works est la plus grande aciérie détenue et exploitée par US Steel de Pittsburgh, en Pennsylvanie. Le mois dernier, la société a annoncé la mise à pied d'un nombre non divulgué d'employés non syndiqués et les spéculations ont augmenté quant à savoir si ces mises à pied auraient un impact sur l'admissibilité de l'usine aux incitatifs économiques de l'État utilisés pour subventionner son investissement de 750 millions de dollars dans l'usine de Gary Works.

L'Indiana Economic Development Corp. exige que US Steel conserve un minimum de 3875 employés dans l'État pour être admissible à des incitatifs de 10 millions de dollars, en plus du programme de 35 millions de dollars de la ville de Gary sur une période de 25 ans. US Steel a également reçu un avantage fiscal de 40 millions de dollars du gouvernement fédéral américain en 2018, en plus d'un total de 432 millions de dollars de profit à l'échelle mondiale.

Un ancien métallurgiste de l'Indiana a parlé au World Socialist Web Site de l'importance de la fermeture du Great Lakes Works. «J'ai été choqué et attristé par les nouvelles d'aujourd'hui. Il est difficile d'accepter que [les entreprises qui possèdent] vos moyens de subsistance, vos moyens de soutien financier et votre stabilité, puissent simplement décider de fermer leurs opérations. Il n'y a pas que les 1545 personnes qui vont subir des changements radicaux de leur mode de vie. Les nombreuses entreprises qui fournissent les usines en entrepreneurs et en matériaux, ou qui fournissent des services, seront également touchées par cette mesure. La région entière perdra une grande partie de ses revenus de taxes.»

Le syndicat des Métallos a essentiellement gardé le silence en réaction au dernier bain de sang des emplois dans l'industrie de l'acier. Le syndicat a ouvert la voie à ces attaques contre les emplois dans les contrats de 2018 qu'il a signés avec US Steel et ArcelorMittal, les deux plus grands producteurs d'acier brut aux États-Unis.

Malgré un vote de grève unanime des travailleurs de la base chez US Steel et ArcelorMittal à l'automne 2018, le Syndicat des Métallos a refusé de mobiliser les travailleurs pour la grève. Le syndicat a ensuite imposé des contrats de concession qui ont permis aux aciéries de continuer à générer des profits massifs au détriment des conditions de travail et du niveau de vie des travailleurs tout en n'offrant aucune protection d'emploi et aucune garantie d'avantages sociaux et de salaires décents pour les nouvelles recrues.

Le Syndicat des Métallos a été l'un des premiers et des plus ardents défenseurs des droits de douane sur les métaux importés, visant spécifiquement la Chine, et n'a critiqué ces mesures que lorsqu'il estimait qu'elles n'allaient pas assez loin. De cette façon, les Métallos ont alimenté le nationalisme, opposant les travailleurs américains à leurs frères et sœurs dans d'autres pays dans une guerre d'enchères féroce au détriment de tous les travailleurs.

La dernière annonce de licenciements massifs dans l'industrie manufacturière américaine révèle également la fraude de la démagogie nationaliste promue par l'administration Trump, les syndicats et des sections du Parti démocrate. Les travailleurs qui ont été faussement amenés à croire que les mesures de guerre commerciale et d'autres formes de protectionnisme protégeraient les emplois et les salaires sont maintenant obligés de faire face à la réalité qui se cache derrière ces mensonges.

Les fermetures d'usines ne sont pas en fait le résultat d'un «commerce déloyal» comme le prétendent sans cesse les syndicats, mais le résultat inévitable de l'application des lois du système de profit capitaliste. Malgré cela, le Syndicat des Métallos et d'autres syndicats utilisent l'appel au nationalisme économique et au protectionnisme pour justifier la collaboration avec les patrons dans le but de supplanter des concurrents étrangers.

En raison des mesures de guerre commerciale prises par l'administration Trump, il existe aujourd'hui une surcapacité dans l'industrie sidérurgique. Les prix de l'acier aux États-Unis ont augmenté au début de 2018, après que l'administration Trump a commencé à appliquer des droits de douane de 25 % sur les importations d'acier étranger, visant en particulier la Chine. Depuis lors, comme les entreprises du monde entier ont opté pour des alternatives moins chères et que les pays ont riposté avec leurs propres tarifs, les prix de l'acier ont considérablement baissé.

En conséquence des turbulences du marché déclenchées par les mesures protectionnistes, le cours des actions de US Steel est actuellement en baisse à 11,87 dollars par action, contre 45,39 dollars par action en février 2018, juste avant que l'administration Trump n'introduise des droits de douane.

Ce sont les travailleurs qui sont forcés de payer les conséquences de l'aggravation des récessions et de la guerre commerciale, avec le bouleversement de leur vie et des attaques toujours plus nombreuses contre les salaires et les conditions de travail. Pendant ce temps, les communautés qui dépendent des emplois de l'acier font face à une ruine économique. La situation à laquelle sont confrontés les travailleurs du Michigan se répète aux États-Unis et dans le monde entier.

L'annonce de la mise en veille de l'usine Great Lakes Workssurvient un an après l'annonce par General Motors qu'elle fermerait quatre installations aux États-Unis et une au Canada. Entre-temps, Ford a fermé une usine aux États-Unis et supprimé 7000 emplois aux États-Unis et 12.000 en Europe. Les constructeurs automobiles allemands Mercedes-Benz et Audi ont annoncé la suppression de 19.500 emplois combinés en Europe. En Inde et en Chine, 570.000 emplois dans le secteur de la fabrication automobile ont été supprimés cette année.

La multiplication des grèves et des luttes des travailleurs dans un pays après l'autre démontre la volonté des travailleurs de lutter contre les attaques des entreprises contre l'emploi et le niveau de vie. Cependant, pour mener ce combat, ils ont besoin d'un nouveau programme et d'une nouvelle perspective. En premier lieu, les travailleurs doivent rejeter le poison nationaliste promu par les syndicats et adopter une stratégie internationale visant à unir les travailleurs du monde entier.

L'affirmation selon laquelle les ressources n'existent pas pour fournir des emplois décents et bien rémunérés à tous est un mensonge. Il y a plus qu'assez d'argent dans les coffres des sociétés et de leurs banques pour fournir des emplois décents avec de bons avantages pour chaque travailleur dans le monde. Le problème est la subordination de toutes les décisions économiques aux exigences de profit de l'élite riche.

Pour développer leur lutte, les travailleurs doivent construire de nouvelles organisations, des comités de la base dans les usines, indépendants des syndicats pro-entreprises. Ces comités doivent mobiliser les travailleurs à l'échelle industrielle et mondiale contre la menace qui pèse sur l'emploi. Cela doit être lié à un programme politique visant à réorganiser la vie économique sur la base d'un plan rationnel basé sur la production pour les besoins humains, et non pour le profit privé.

(Article paru en anglais le 21 décembre 2019)

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