Tous les candidats à la direction travailliste britannique sont pour accentuer la chasse aux sorcières pro-sioniste

Les cinq candidats qualifiés pour le second tour de la compétition pour remplacer Jeremy Corbyn à la tête du Parti travailliste ont tous signé les « Dix engagements pour mettre fin à la crise de l’antisémitisme » parrainés par le Board of Deputies of British Jews, (BoD – Conseil des députés des Juifs britanniques).

La signataire la plus enthousiaste d'un document qui signifie une intensification de la chasse aux sorcières contre les membres antisionistes du parti faisant honte à des fripouilles de droite comme Sir Keir Starmer, Emily Thornberry, Lisa Nandy et Jess Phillips, est Rebecca Long-Bailey, la supposée candidate de la «continuité» favorisée par la «gauche» pro-Corbyn.

Intervenant de manière jamais vue de la part d'un organe non élu et non représentatif lors d’une élection à la direction d'un parti politique, le BoD pro-sioniste a déclaré: «Nous pensons que le Parti travailliste doit souscrire [à ces engagements] afin de commencer à réparer ses relations avec la communauté juive. »

«On devrait présumer que des candidats au poste de chef du Parti travailliste ou de chef adjoint les approuvent publiquement et sans équivoque, dans leur intégralité», exigea-t-il.

L’intervention du BoD a été soutenue par des journaux de droite, dont le Jewish Chronicle, qui soutient le gouvernement Netanyahu en Israël.

Chaque engagement empeste l'autoritarisme au service d'une sale chasse aux sorcières.

Le point nº1 exige: «Tous les cas en suspens et futurs [concernant l'antisémitisme] devraient être rapidement réglés dans un délai fixe.»

Le point nº 2 exige que « le processus disciplinaire du parti soit rendu indépendant: un intermédiaire indépendant devrait être engagé pour traiter toutes les plaintes, afin d'éliminer tout risque de partialité et d’esprit de faction.»

Le point nº 3 insiste pour que le Parti travailliste transmette les informations confidentielles sur ses membres aux «principales parties concernées par les plaintes, y compris les organes représentatifs juifs, [c'est-à-dire le BoD et d'autres groupes sionistes qui] devraient avoir le droit de recevoir des mises à jour régulières et détaillées des dossiers, tout en respectant la confidentialité ».

Le BoD demande ensuite que les personnes déjà été expulsées du parti sur la base d'accusations d'antisémitisme montées de toutes pièces ne soient jamais réintégrées au parti. Le point nº 4 déclare, «des fautifs de premier plan qui ont quitté ou ont été expulsés du parti, comme Ken Livingstone ou Jackie Walker ne seront jamais réintégrés comme membre du parti ».

Le point nº 5 évoque les implications les plus sinistres et déclare que «tous les députés, conseillers municipaux, membres ou cellules locales du parti qui soutiennent, font campagne ou accordent une plate-forme aux personnes qui ont été suspendues ou expulsées à la suite d'incidents antisémites devraient voir leur propre adhésion au parti suspendue ».

Cela ouvre la voie à de nouvelles «enquêtes» sur les antécédents et comptes de réseaux sociaux des membres du Parti travailliste – depuis les membres de la base jusqu’aux députés – pour trouver des preuves qu'ils soutiennent ou sympathisent avec ceux déjà frauduleusement considérés comme «antisémites». Les cellules locales et d'autres organisations qui ont organisé des réunions de protestation contre la chasse aux sorcières pourraient être dissoutes.

C'est une voie vers les expulsions massives et les listes noires. Il y a des milliers de membres de la base qui sont écœurés par des années de chasse aux sorcières de la droite, qui ont exprimé leur soutien à ceux exclus du parti comme Marc Wadsworth, Jackie Walker, l’ex-député et maire de Londres Ken Livingstone (50 ans d'adhésion) et le député Chris Williamson (44 ans d'adhésion).

Le point nº 6 vise également à intensifier la chasse aux sorcières et à définir les conditions dans lesquelles les membres travaillistes doivent être pourchassés à l'avenir. Il exige « d’adopter sans équivoque la définition internationale de l'antisémitisme: la définition de l’IHRA de l'antisémitisme, avec tous ses exemples et ses clauses, et sans aucune réserve. Elle sera pleinement adoptée par le parti et utilisée comme base pour l'examen des cas disciplinaires d'antisémitisme».

La définition de l’antisémitisme de l’IHRA (Alliance internationale de la mémoire de l’Holocauste) est un mécanisme pour censurer, faire taire et même criminaliser les individus et les organisations qui s'opposent à l'assujettissement brutal des Palestiniens par Israël, tout en calomniant toute la gauche comme «antisémite».

Le point nº 9 exige que les membres individuels soient publiquement mis au pilori. «Des déclarations génériques douceâtres devraient céder le pas à la condamnation de comportements préjudiciables spécifiques – et, le cas échéant, à la condamnation d'individus spécifiques».

Long-Bailey a réagi en écrivant un article dans le Jewish News où elle écrit :«Je vais adhérer à toutes les demandes du BoD dans la lutte contre l'antisémitisme». L’article est apparu en ligne cinq heures seulement après que le BoD a tweeté ses « engagements ». Elle y promet de «mettre en œuvre toutes les recommandations du Conseil des députés des Juifs…» et soutient la «Commission pour l'égalité et les droits de l'homme (EHRC) [qui] enquête sur nos procédures. Nous avons maintenant le devoir de répondre à toutes les recommandations qu'ils préconisent en les applicant rapidement et dans leur intégralité. »

L'enquête (article en anglais) de l’EHRC est menée à l’instigation de la droite travailliste et de groupes sionistes.

Long-Bailey a appelé à une intensification immédiate de la chasse aux sorcières, écrivant: «C'est pourquoi le parti a raison d'exclure tous les membres éminents qui parcourent le pays et les studios de télévision en niant et en minimisant le problème de l'antisémitisme.»

Mais même cela ne suffit pas. Long-Bailey poursuit: «Mon conseil aux membres du Parti travailliste est qu'il n'est jamais acceptable de répondre aux allégations de racisme en étant défensif. La seule réponse acceptable à toute accusation de préjugés racistes est l'auto-examen, l'autocritique et l’amélioration personnelle».

Une telle déclaration insistant sur le fait que la seule réponse acceptable aux accusations infondées est de vous rabaisser devant vos accusateurs, aurait pu être prononcée par le procureur Andrey Vyshinsky lors des parodies staliniennes de procès et des meurtres de révolutionnaires durant les procès de Moscou, de 1936 à1938.

Sa précipitation à soutenir les chasseurs de sorcières exige également qu'elle dénonce son mentor Corbyn. Elle a ainsi affirmé qu'elle prêchait dans le désert aux réunions des instances dirigeantes du parti ces quatre dernières années, où elle s’inquiétait de ce que les membres accusés d'antisémitisme n’étaient pas éjectés assez rapidement, etc.

S'exprimant dimanche sur Sky News, Long Bailey a déclaré: «Je n'étais pas satisfaite de notre procédure, je vais être honnête, je ne pense pas que nous traitions les plaintes assez rapidement et je pense que c'est assez clair, j'ai été très clair à ce sujet. »

Interrogée pour savoir si Corbyn était personnellement responsable, elle a répondu: « Oui, c’est le cas et il s'est excusé. Je pense que tout dirigeant à la tête du Parti devrait s'excuser à nouveau pour ce qui s'est passé parce que cela est inacceptable. »

L'adoption des engagements du BoD par Long-Bailey est son propre engagement auprès de la droite blairiste qu'elle serait encore plus soumise à leurs diktats que ne l'était Corbyn, un homme dont le nom est synonyme de lâcheté politique et de capitulation. Il est peu probable que cette attitude ne convainque ceux qu'elle cherche à courtiser. Le Jewish Chronicle a rapporté que de «hauts responsables travaillistes […] contestent la prétention de la candidate Rebecca Long-Bailey à la direction d’avoir fait pression sur Jeremy Corbyn dans les coulisses pour qu’il agisse contre l'antisémitisme».

Alun Davies, un ancien ministre du gouvernement du Pays de Galles et membre du Comité exécutif national du Parti travailliste, a déclaré dans un tweet sur l’affirmation de Long-Bailey d’avoir « fait grand cas » de cette question auprès de «divers membres» de la direction du parti: «Je ne me souviens pas que vous ayez dit quoi que ce soit à ce sujet lors des réunions du Comité exécutif (NEC) ou y avoir soutenu ceux d'entre nous qui ont soulevé ces questions…»

« Le Jewish Chronicle aégalement parlé à une deuxième source qui connaît bien les réunions du NEC auxquelles Mme Long-Bailey a assisté, et qui n’avait ‘aucune souvenir’ de Long-Bailey ‘interpellant quiconque de la direction sur la question de l'antisémitisme’ ».

Des détails sur la façon dont cette chasse aux sorcières a été organisée par les blairistes, de concert avec le Parti conservateur et les agences de renseignement du Royaume-Uni, des États-Unis et d'Israël, continuent à faire surface.

La Campagne contre l'antisémitisme (CAA) a vu son rapport accepté par le EHRC dans le cadre de la chasse aux sorcières. Le 25 décembre, Joe Glasman, le chef de l’unité «enquêtes politiques» de cet organisme, a publié une vidéo en ligne où il commentait: «La bête est abattue». Corbyn avait été «massacré» lors des élections. « Nous l'avons vaincu », se réjouit-il. Glasman commente que la CAA a pu atteindre ses objectifs grâce à une campagne coordonnée qui comprenait l'utilisation de «nos espions et nos renseignements».

Des centaines de membres et de partisans du Parti travailliste ont répondu avec colère aux dix engagements du BoD. L'un d'entre eux a déclaré: «Nous devrions tous lutter contre l'antisémitisme jusqu'à ce qu'il disparaisse enfin de notre société, mais soyons francs: vos activités sont politiques, vous êtes des conservateurs. Votre soutien à Boris Johnson malgré son histoire [de déclarations racistes] le montre clairement. »

Bien d'autres ont déclaré qu'ils ne pouvaient pas rester dans un parti qui acceptait les termes du BoD. Parmi leurs commentaires figuraient ceux-ci:

«Je ne pense pas pouvoir continuer à être membre du Parti travailliste. Si nous nous couchons devant la droite du BoD, alors les carottes sont cuites ».

«Je trouve cela horrible. Je vais annuler mon adhésion cette semaine »

« Y-a-t-il quelqu'un au moins [dans la course à la direction du parti] qui ne soutienne pas cette merde? Il ne sera pas possible d’exercer notre droit de vote à ce rythme. Nous devrons probablement quitter le parti, .. »

«Les socialistes devront quitter le Parti travailliste s'il se conforme au BoD.»

Une telle hostilité de la part des membres de la base – parmi les centaines de milliers de gens qui ont rejoint le Parti travailliste en raison de la promesse de Corbyn de représenter une rupture avec les blairistes – est une condamnation sans appel du bilan de capitulation politique de leur supposé chef. C'est lui qui porte la responsabilité politique de la remise à l'ordre du jour de la chasse aux sorcières, qu'elle soit menée par les blairistes qu'il protège contre l'expulsion ou par des individus tout aussi misérables, comme Long-Bailey.

Un jour après avoir publié les ‘Dix points’, le BoD a tweeté que les candidats au poste de chef adjoint pro-Corbyn Richard Burgon et Dawn Butler étaient « absents de la liste de ceux qui avaient signé les #Dix engagements pour lutter contre l'antisémitisme au Parti travailliste ».

Juste avant que le BoD ne publie ses ‘Engagements’, la candidate blairiste à la direction Jess Phillips a suspendu sa propre directrice du bureau de sa circonscription, Salma Hamid, après que le pro-conservateur Daily Mail luiamontré des tweets publiés par Hamid entre 2014 et 2016 et disant des choses comme «nous devons montrer au monde qu’Israël est le meurtrier! » et « Israël inflige des conditions d’Holocauste aux Palestiniens! Oppressives, racistes et violentes! »

Un autre tweet déclarait qu'Israël et le judaïsme étaient «deux choses totalement différentes – l'une est une nation d'apartheid et l'autre une foi basée sur la paix et l'amour».

Ces tweets ont été dénoncés par Phillips comme « totalement inacceptables ».

Voir aussi en anglais:  

The anti-Semitism accusations against Corbyn: A witch-hunt in the service of imperialism
[13 December 2019]

The right-wing politics of the British “Labour anti-Semitism” smear campaign
[5 April 2018]

(Article paru en anglais le 15 janvier 2020)

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