Crise de destitution : nouveaux appels fascistes de Trump et promotion du belliciste John Bolton par les démocrates

Alors que le procès pour destitution du président Donald Trump au Sénat se dirigeait vers ce qui pourrait être ses trois derniers jours, suite à la présentation de l’équipe de défense de la Maison Blanche, il faisait apparaître de plus en plus le caractère réactionnaire des deux factions en guerre au sein de la classe dirigeante

Les démocrates se sont alliés de plus en plus directement avec le criminel de guerre notoire John Bolton et ont concentré leurs efforts au Sénat pour exiger qu’il soit autorisé à témoigner au procès de Trump. Dimanche soir, à la veille de la principale présentation de la défense par les avocats de la Maison Blanche, le New York Times publiait un article citant des fuites du prochain livre de Bolton. L’ancien conseiller à la sécurité nationale de Trump y révèle que le président a refusé de lever sa main-mise sur l’aide militaire de 391 millions de dollars à l’Ukraine et déclaré qu’il voulait retenir cette aide jusqu’à ce que le gouvernement ukrainien annonce une enquête sur la corruption de l’ancien vice-président Joe Biden et de son fils Hunter.

Cette révélation de Bolton, qui a quitté l’Administration en septembre après s’être affronté au président sur l’Iran, la Corée du Nord, l’Afghanistan, le Venezuela et l’Ukraine, contredit les dénégations de la Maison Blanche. Selon elle il n’y avait pas de ‘contrepartie’ liant une enquête ukrainienne sur Biden — considéré alors comme l’adversaire probable de Trump aux élections — et le feu vert pour l’aide militaire. Les Démocrates ont fait de cette accusation le centre de leur campagne de destitution et ont accusé Trump de porter atteinte à la sécurité nationale américaine, de mettre en danger un allié «en guerre» avec la Russie et de solliciter une ingérence étrangère dans les élections de 2020.

Trump a tweeté des démentis furieux contredisant Bolton et les alliés d’extrême droite de Trump comme Brietbart News ont dénoncé Bolton comme un ancien fonctionnaire mécontent. Ils l’ont accusé de chercher à augmenter les ventes de son livre, dont la publication est prévue en mars.

Sur tous les points litigieux, Bolton s’est opposé à Trump pour son manque d’agressivité. Il s’est opposé quand celui-ci s’est retiré à la dernière minute, l’été dernier, avant une attaque de missiles sur l’Iran. Il s’est opposé aux manœuvres diplomatiques de Trump avec la Corée du Nord, battu contre l’ouverture de pourparlers de paix avec les talibans en Afghanistan et fait pression pour une intervention militaire visant à renverser le gouvernement élu du Venezuela. Il a insisté pour que Trump stoppe sa retenue temporaire des armes pour le régime de droite anti-russe de Kiev.

Le caractère acerbe de la guerre politique à Washington et la gravité du conflit au sein de l’État et même parmi les membres actuels et anciens de l’Administration Trump s’est exprimé non seulement dans l’alliance de fait entre Bolton et la campagne de destitution des Démocrates. Elle s’exprime aussi dans la déclaration faite hier par l’ancien chef de cabinet de Trump, le général John Kelly, selon laquelle il croyait ce que disait Bolton.

Kelly a apporté son soutien aux demandes des Démocrates pour que le Sénat contrôlé par les Républicains appelle Bolton et peut-être d’autres à témoigner dans le procès au Sénat. S’exprimant lors d’un meeting en Floride, il a dit: «Je pense donc qu’il y a des gens qui pourraient contribuer à cela, soit l’innocence soit la culpabilité… Je pense qu’ils devraient être entendus.»

La Maison Blanche et le leader de la majorité Républicaine au Sénat, Mitch McConnell, cherchent à bloquer les témoignages et la présentation des documents demandés par les responsables démocrates de la Chambre, et veulent clore le procès d’ici la fin de la semaine. Suite à une réunion à huis clos mardi après-midi du ‘caucus’ républicain au Sénat, il n’était toujours pas clair si les Démocrates réussiraient à obtenir les quatre votes républicains dont ils ont besoin pour avoir une majorité leur permettant de convoquer Bolton et peut-être d’autres témoins.

Le calendrier actuel prévoit deux sessions de huit heures, mercredi et jeudi, au cours desquelles les sénateurs soumettront des questions écrites au juge en chef de la Cour suprême, John Roberts, qui préside le procès au Sénat. Roberts lira les questions, adressées soit à la défense de la Maison Blanche, soit à l’accusation de la Chambre. Vendredi, quatre heures de débat sur l’opportunité de citer ou non témoins et documents vont suivre les deux jours actuels de questions. Enfin, on votera sur la question.

Si les démocrates ne parviennent pas à obtenir une majorité de 51 voix, le Sénat procédera au vote sur une condamnation et la destitution ou l’acquittement de Trump. Étant donné qu’un vote aux deux tiers est nécessaire pour une condamnation, le résultat final du procès ne semble pas faire de doute.

Bolton est un partisan tellement notoire de la guerre et du changement de régime que le président George W. Bush avait dû l’installer comme ambassadeur des États-Unis aux Nations unies en 2005 alors que le Congrès était en vacances. Il était peu probable que Bolton obtienne confirmation au Sénat alors contrôlé par les Démocrates. Quinze ans plus tard, le Parti démocrate a largement adopté sa politique étrangère incendiaire.

Architecte de l’invasion de l’Irak en 2003, Bolton, en tant que directeur du Projet pour le nouveau siècle américain, fut un avocat agressif de l’impérialisme américain. Il a préconisé des guerres de changement de régime en Iran, en Syrie, en Libye, au Venezuela, à Cuba, au Yémen et en Corée du Nord. Il s’est opposé aux réparations financières accordées aux Américains d’origine japonaise détenus dans les camps de concentration de la Seconde Guerre mondiale. Il a été impliqué dans l’affaire Iran-Contra des années 1980 et a été un protégé du sénateur fasciste de Caroline du Nord Jessé Helms.

Dans une crise du pouvoir bourgeois sans précédent depuis la guerre civile, due en grande partie au développement de la résistance de la classe ouvrière aux États-Unis et dans le monde, Trump est la personnification de l’oligarchie financière qui cherche à mobiliser des forces d’extrême droite et fascistes en dehors de tout cadre constitutionnel. Mardi soir, il a prononcé le dernier d’une série de discours de campagne, à Wildwood dans le New Jersey où il a lancé des slogans et des tropes fascistes et, dans certains cas, incité directement à la violence contre ses opposants politiques.

Pas plus tard que dimanche dernier, Trump a dénoncé le principal responsable de la Chambre, le président de la commission des renseignements Adam Schiff, en tweetant: «Le sournois Adam Schiff est un POLITICIEN CORROMPU, et probablement un homme très malade. Il n’a pas encore payé le prix pour ce qu’il a fait à notre pays!»

Mardi soir, Trump a commencé par affirmer que les travailleurs américains bénéficiaient des bienfaits de la meilleure économie de l’histoire des États-Unis. Il s’est vanté ensuite d’avoir assassiné le leader de l’État islamique, Abu Bakr al-Baghdadi, et le général iranien Qassem Suleimani. En se référant à la campagne de destitution, il a fait la déclaration suivante : «Alors que nous créons des emplois et tuons des terroristes, les Démocrates du Congrès se trouvent obsédés par des canulars déments, des chasses aux sorcières folles et des croisades partisanes dérangées».

Il a ensuite dénoncé les «politiciens mondialistes» pour avoir «volé» des emplois américains et attaqué les Démocrates en les qualifiant de «radicaux d’extrême gauche» et de «socialistes». Il a tapé sur les médias des «fausses nouvelles», fait l’éloge de l’armée, de la police et des forces de l’ordre anti-immigration de l'ICE ( Immigration and Customs Enforcement); il s’est vanté d’avoir alloué plus de 2.000 milliards de dollars à l’armée (adoptés avec les votes d’une large majorité de Démocrates).

Il s’est vanté d’avoir obtenu un nouveau pacte de guerre commerciale anti-chinois avec le Mexique et le Canada (également soutenu par les Démocrates); il a attaqué l’avortement. Il s’est vanté d’avoir obtenu des fonds (fournis par les Démocrates) pour construire son mur frontalier avec le Mexique. Il a fait l’éloge des militants pour le droit aux armes (y compris les milliers de membres de milices armées qui ont défilé la semaine dernière en Virginie). Enfin, il a salué le «choix de l’école», une expression codée pour le démantèlement de l’éducation publique.

Comme d’habitude, il a réservé sa rhétorique la plus violente aux attaques contre les immigrants. Vendredi, avant l’arrivé de Trump dans le New Jersey, le ministère de la Justice s’est joint à une action en justice intentée par deux comtés de l’État visant à renverser une directive de l’État datant d’un an et limitant la coopération des forces de l’ordre locales avec les agences fédérales d’immigration. Les deux comtés se trouvent dans le district du représentant Jeff Van Drew, un nouveau député droitier du Congrès élu en tant que Démocrate mais récemment passé au Parti républicain après avoir voté contre une mise en accusation de Trump.

Trump a «exhibé» Van Drew sur la scène mardi soir et a présenté sa défection comme un avant-goût de la prise de pouvoir des républicains aux élections de novembre.

«Les Démocrates de Washington ont complètement trahi le peuple américain sur la question de l’immigration», a déclaré Trump. Il a dénoncé les Démocrates comme des «radicaux» qui soutiennent les villes dites «sanctuaires», ce qu’il a qualifié de stratagème pour permettre à des immigrants criminels de s’attaquer aux citoyens américains. «Une fois libérés, ces étrangers criminels sont libres de tuer des Américains innocents», a-t-il déclaré. Il a ensuite fait l’éloge des nervis de l’ICE pour s’être occupé de «bandes» d’immigrants, disant qu’ils allaient « droit dans une bande et commençaient à jouer de la matraque».

Parallèlement à ces appels extra-constitutionnels et fascistes, les avocats de Trump dans le procès du Sénat font valoir un argument juridique en faveur d’une expansion quasi illimitée des pouvoirs présidentiels, sans contrôle réel du Congrès ou des tribunaux. Lundi soir, Alan Dershowitz, professeur de droit à Harvard et allié de Trump, a fait valoir que les deux articles de destitution adoptés par la Chambre démocrate étaient non-valides de prime abord. Selon lui, il n’y a pas de base constitutionnelle pour destituer un président pour abus de pouvoir ou obstruction du Congrès.

(Article paru d’abord en anglais 29 janvier 2020)

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