Sanders remporte une course à trois dans les primaires du New Hampshire

Le sénateur du Vermont Bernie Sanders a remporté les primaires présidentielles démocrates du New Hampshire mardi. Le décompte des voix a montré une course serrée entre les trois candidats de tête. Sanders a fini premier à 26 pour cent, l’ancien maire de South Bend, Indiana, Pete Buttigieg, a obtenu 24 pour cent et la sénatrice du Minnesota Amy Klobuchar 20 pour cent des voix. Sanders a devancé Buttigieg de 4.000 voix, ce dernier obtenant environ 12.000 voix de plus que Klobuchar.

Le taux de participation a augmenté de manière significative par rapport à 2016 où Sanders avait obtenu deux fois plus de voix qu’Hillary Clinton. Alors qu’un peu moins de 250.000 personnes avaient voté en 2016, les responsables du New Hampshire déclarent que près de 300.000 personnes ont voté en 2020, soit une hausse de près de 20 pour cent, ce qui dépasse le précédent record de 2008 (265.000 votants) où Hillary Clinton avait battu Barack Obama et John Edwards.

L’État du New Hampshire, désormais sous administration Républicaine, a modifié ses règles afin de rendre le vote plus difficile pour l’importante population étudiante. Le pourcentage de votes exprimés par les jeunes de moins de 30 ans a ainsi considérablement diminué, faisant baisser le total de Sanders, qui a remporté plus de 50 pour cent des voix dans cette tranche d’age.

Le sénateur Bernie Sanders, candidat démocrate à la présidence, arrive pour s’adresser à ses partisans lors d’un rassemblement nocturne pour les primaires à Manchester, N.H., mardi 11 février 2020 [Credit: AP Photo/Pablo Martinez Monsivais]

Les sondages de sortie des bureaux de vote ont montré des différences significatives dans le soutien des trois principaux candidats. Sanders a remporté une large majorité parmi les hommes sans formation universitaire, une section de la classe ouvrière ciblée par sa campagne. En conséquence, il a remporté les sept plus grandes villes du New Hampshire, dont Manchester, la plus importante, Nashua, la deuxième ville, la capitale de l’État, Concord et la ville portuaire de Portsmouth.

Le soutien à Buttigieg se concentrait sur les banlieues et les zones rurales plutôt que sur les villes et il a remporté de nombreux districts le long de la frontière avec le Massachusetts où des milliers de gens vont travailler dans la région métropolitaine de Boston. La campagne de Klobuchar a reçu son plus fort soutien des femmes ayant fait des études supérieures, en particulier dans les zones résidentielles chiques comme celles remportées par le Parti démocrate en 2018 lorsqu’il a pris le contrôle de la Chambre des représentants.

Sanders a remporté Durham, la ville qui abrite l’Université du New Hampshire, la plus grande de l’État, tandis que Buttigieg gagnait à Hanovre où se trouve une école bien plus chère, l’Université de Dartmouth, membre de l’Ivy League (écoles d’élite).

Les résultats ont été désastreux pour les deux démocrates considérés comme les premiers candidats à l’investiture à divers moments de 2019. L’ancien vice-président Joe Biden et la sénatrice Elizabeth Warren, du Massachusetts. Warren a obtenu 9 pour cent des voix et Biden seulement 8 pour cent, finissant cinquième après avoir été quatrième dans l’Iowa. Il a quitté l’État dans l’après-midi et fait une brève déclaration sur les résultats lors d’un rassemblement en Caroline du Sud, où sa campagne pourrait prendre fin le 29 février.

Les 24 délégués du New Hampshire à la convention nationale du Parti démocrate se répartiront ainsi: neuf pour Sanders, neuf pour Buttigieg et six pour Klobuchar. Warren, Biden et les autres candidats en lice n’ont gagné aucun délégué, n’ayant pas obtenu 15 pour cent des voix. Trois des autres candidats, l’homme d’affaires Andrew Yang, le sénateur Michael Bennet et l’ancien gouverneur du Massachusetts Deval Patrick, qui n’est entré en lice qu’en novembre, ont tous indiqué qu’ils arrêteraient leur campagne.

La campagne se tourne maintenant vers les caucus du Nevada le 22 février, la primaire de Caroline du Sud venant une semaine plus tard. Le 3 mars, sera le tour du «Super mardi». Les électeurs de 14 États éliront alors près de 40 pour cent des délégués à la convention d’investiture, où le milliardaire Michael Bloomberg a déjà versé 250 millions de dollars en publicité pour promouvoir sa propre candidature. Il tentera de supplanter le cadavre politique de Biden comme porte-drapeau de l’aile «modérée» du Parti démocrate.

Comme avant-goût cette semaine de la férocité avec laquelle l’establishment du Parti démocrate réagira à l’émergence de Sanders comme favori à la nomination, le Syndicat des travailleurs culinaires du Nevada, qui soutient les Démocrates, a publié un prospectus avertissant que Sanders allait «stopper» les prestations de soins de santé du syndicat par son plan «Medicare for all». Selon Jon Ralston, rédacteur en chef du Nevada Independent, cela représentait le début d’un mouvement «stop Bernie» dans cet État.

Dans leurs discours à leurs partisans le soir des primaires, les trois principaux candidats ont indiqué leur position politique à l’avenir. Klobuchar et Buttigieg rivalisant avec un Biden en déroute et le milliardaire Bloomberg pour devenir le visage de la campagne anti-Sanders.

La performance de Klobuchar au débat de vendredi dernier fut médiatisée de manière extravagante, contribuant à sa montée en puissance dans les sondages ; elle passa de moins de 10 à 20 pour cent en une semaine. Elle a cherché à reprendre certains de ces thèmes dans son discours de mardi soir, appelant à la création d’un mouvement de «Démocrates, d’indépendants et de Républicains modérés». Elle a affirmé que «le pire cauchemar de Donald Trump est que les gens au centre… aient quelqu’un pour qui voter en novembre».

Elle a laissé tomber toute attaque contre Sanders parce qu’il se disait «socialiste démocratique» et s’est plutôt donné des airs de gauche en soulignant ses origines ouvrières. Elle a parlé de son grand-père, mineur dans les mines de fer du Minnesota et de sa mère, enseignante dans une école publique. Comme pour le débat, les experts des médias ont présenté son discours de la «victoire» comme un tour de force et ont cherché à renforcer sa campagne comme une potentielle alternative de droite face à Sanders.

Buttigieg a prononcé un discours plein de platitudes vagues dans le style de Barack Obama, avec des suggestions de changement générationnel, puisqu’il a 38 ans, soit la moitié de l’âge de Biden ou Sanders. Il n’a pas mentionné les deux facteurs qui sont ses véritables références aux yeux de la classe dirigeante: son rôle d’officier de renseignement naval en Afghanistan, et son programme généralement de droite, aligné sur celui de l’establishment du Parti démocrate. Faisant écho à Sanders, il a cependant terminé par un peu de rhétorique «de gauche», affirmant qu’un président Démocrate «cesserait de permettre la cupidité des entreprises et commencerait à augmenter les salaires et à donner du pouvoir aux travailleurs » et qu’on devait « pouvoir vivre d’un seul salaire.».

Sanders, qui a pris la parole en dernier en tant que vainqueur de la primaire, a commencé son discours en garantissant qu’il soutiendrait le candidat Démocrate, quel qu’il soit, même (par implication) le milliardaire Bloomberg. Il a exprimé sa gratitude envers les autres candidats, en nommant Buttigieg, Klobuchar, Warren et Biden. «Peu importe qui gagne», a-t-il déclaré, «nous allons nous unir ensemble et vaincre le président le plus dangereux de l’histoire moderne de ce pays».

C’était là une promesse faite à la direction du Parti démocrate que Sanders soutiendrait pleinement l’éventuel gagnant des primaires et sa réponse à une série d’attaques d’Hillary Clinton qui a affirmé qu’il avait saboté sa campagne en 2016.

Sanders a répété ses déclarations comme quoi les soins de santé étaient un droit humain, les riches devaient payer plus d’impôts, les universités être gratuites. Il y ajouta une litanie d’autres slogans libéraux sur le changement climatique, la réforme de la justice pénale, celle de l’immigration, le contrôle des armes à feu et le droit des femmes à l’avortement. Toutes ces questions pouvaient prétendument être résolues en remplaçant Trump par un démocrate à la Maison Blanche.

Alors qu’il s’engageait à s’attaquer à une multitude de sociétés et d’industries cupides, Sanders est, comme d’habitude, resté complètement silencieux sur le système capitaliste dont ils sont des éléments-clés. Il n’a parlé ni du plan budgétaire réactionnaire annoncé par l’administration Trump lundi, ni du rassemblement fasciste de Trump, tenu lundi soir dans la même ville, Manchester.

Il ne fait aucun doute que le vote pour Sanders était l’expression d’un mouvement vers la gauche des travailleurs et des jeunes. La première demi-heure du débat Démocrate de vendredi soir, qui fut largement suivi dans l’État, a vu Biden, Klobuchar et d’autres candidats déplorer la perspective qu’un «socialiste démocratique» puisse remporter l’investiture. Selon eux, cela compromettait les chances de tout candidat démocrate aux élections de novembre.

Ceux qui ont voté pour Sanders ont clairement rejeté ce type de ‘chasse aux rouges’ à peine déguisée. Le New York Times cite un jeune électeur, employé à Dartmouth, qui déclare: «Dans mon monde, il y a plus de soutien pour le mot socialiste que pour le mot milliardaire».

Le magazine Forbes – une bible de Wall Street – a publié durant le week-end un commentaire remarquable sous le titre «Pourquoi les jeunes électeurs adoptent-ils Bernie Sanders et le socialisme démocratique». Celui-ci conclut, comme une évidence, que «les jeunes font face à la réalisation effrayante qu’ils peuvent être la première génération à avoir un niveau de vie inférieur à celui de leurs parents».

Le commentaire poursuit en soulignant les circonstances économiques impossibles auxquelles fait face la jeune génération, notamment «un mélange de dettes d’études écrasantes, d’emplois mal payés et de coûts de logement et de location croissants». Il conclut: «Au vu de leur situation, cela ne surprend pas que Bernie Sanders soit en pleine ascension dans les sondages et que l’idée du socialisme gagne du terrain parmi les jeunes».

(Article paru d’abord en anglais 12 février 2020)

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