Les partis parlementaires australiens approuvent le simulacre de procès de Julian Assange au Royaume-Uni

De hauts représentants du gouvernement de coalition libérale-nationale, dont la ministre des Affaires étrangères Marise Payne, ont fait part de leur soutien total à la tentative de l’administration Trump d’extrader l’éditeur de WikiLeaks Julian Assange du Royaume-Uni vers les États-Unis pour avoir dénoncé des crimes de guerre américains. La direction du Parti travailliste, qui a toujours pris le parti de Washington contre WikiLeaks et la liberté d’expression, est restée silencieuse alors qu’Assange était confronté à la première semaine de son audience d’extradition à Londres.

S’exprimant à la Chambre des représentants lundi soir, le député de la coalition, Dave Sharma, s’est plaint que «beaucoup en Australie suivent de près le cas de Julian Assange». Il a ensuite déclaré sa «foi dans l’État de droit, le respect des procédures et l’indépendance du pouvoir judiciaire au Royaume-Uni».

Les commentaires de Sharma étaient en accord avec les déclarations précédentes du gouvernement, contrastant le prétendu «État de droit» et «procédure régulière» de la Grande-Bretagne avec les actions antidémocratiques des régimes totalitaires. En fait, la première semaine des audiences du tribunal d’Assange ressemblait parfaitement aux procès bidon mis en scène par les régimes despotiques: un procès où la juge a à maintes reprises privé Assange de ses droits juridiques fondamentaux, où la magistrature est complètement partiale et où le verdict est décidé d’avance.

Dans les mois qui ont précédé les audiences, Assange s’est vu refuser le droit de se préparer, son accès aux documents juridiques et à ses propres avocats étant sévèrement limité. Il a comparu devant un tribunal généralement réservé aux personnes soupçonnées de terrorisme. On l’a transporté dans un tunnel partant de la prison de haute sécurité de Belmarsh où il est détenu: malgré le fait qu’il n’ait été condamné pour aucun crime.

Assange a souffert des abus physiques et psychologiques constants de la part des autorités de Belmarsh et des autorités judiciaires. Il a été fouillé à plusieurs reprises, déplacé de cellule en cellule et les gardiens de la prison ont confisqué ses documents. Pendant les procédures judiciaires, on l’a enfermé dans une cage de verre pare-balles qui l’empêchait d’entendre la plupart des propos tenus et de communiquer avec ses avocats. Le juge qui préside l’affaire est ouvertement hostile à Assange et a rejeté à plusieurs reprises des arguments juridiques clairs sur les raisons pour lesquelles la demande d’extradition devrait être rejetée.

Les parlementaires australiens sont tous bien conscients de cet état de fait scandaleux. Sharma a néanmoins eu le culot de déclarer: «M. Assange est fortement représenté par un avocat dans un procès ouvert et devant un tribunal impartial. Les accusations dont il fait l’objet sont connues et il dispose d’une équipe de défense dynamique qui agit en son nom. Il obtiendra une audience équitable au tribunal, et la justice sera finalement rendue».

Les déclarations méprisantes de Sharma au parlement, qu’aucun autre membre de ce parlement n’a contesté, sont un feu vert de Canberra pour les attaques continues contre les droits d’Assange. Elles s’inscrivent dans le droit fil du refus de tous les gouvernements, à commencer par le gouvernement travailliste Gillard soutenu par les Verts en 2010, de défendre Assange en tant que citoyen et journaliste australien persécuté.

La semaine précédant les remarques de Sharma, la ministre des Affaires étrangères, Payne, a déclaré le 25 février que le gouvernement n’avait «aucune position dans les procédures judiciaires de M. Assange et qu’il n’était pas en mesure d’y intervenir». Dans une question à Payne, le sénateur des Verts Peter Whish-Wilson a fait remarquer que cela était manifestement faux. Payne elle-même s’était rendue en Thaïlande l’année dernière pour obtenir la libération d’Hakeem al-Araibi, un joueur de football et résident permanent australien qui risquait d’être expulsé vers son Bahreïn natal. Les gouvernements australiens ont fait de nombreuses interventions diplomatiques en faveur des citoyens australiens, dont le journaliste d’Al-Jazeera Peter Greste qui a été piégé en Égypte et emprisonné à tort.

Le gouvernement n’a pas défendu Assange uniquement en raison du soutien bipartite de la coalition et du Parti travailliste pour la persécution de WikiLeaks et de son éditeur par Washington, et aussi parce qu’ils sont d’accord avec l’attaque plus large contre tout le journalisme indépendant et critique.

Soulignant le mépris du gouvernement pour les droits démocratiques, Payne a rejeté les avertissements du rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, qui a conclu qu’Assange n’aurait aucune chance d’avoir un procès équitable s’il était envoyé aux États-Unis. Elle a écarté les conclusions accablantes de Melzer selon lesquelles on a soumis Assange à une torture psychologique implacable. Payne a rejeté le fonctionnaire expérimenté et très bien informé des Nations unies en le traitant simplement comme «un rapporteur individuel qui a fait une série d’observations, que nous n’approuvons pas toutes».

Le Parlement australien bafoue de manière flagrante les lois et les institutions internationales pour soutenir la vendetta menée par les États-Unis contre Assange. Il l’avait fait la même chose lorsqu’il a soutenu l’invasion illégale de l’Irak en 2003. Payne a même refusé de commenter les révélations concernant la CIA. Selon ces révélations la CIA aurait illégalement espionné Assange alors qu’il était un réfugié politique à l’ambassade de l’Équateur à Londres. À lui seul, ce fait aurait dû entraîner le rejet de la demande d’extradition dès la convocation du tribunal.

La position de la Coalition et du Parti travailliste découle directement de l’engagement de la classe dirigeante australienne envers l’alliance militaire américano-australienne et de son rôle de partenaire subalterne dans l’agression implacable de Washington pour maintenir sa domination mondiale en déclin. Payne et Sharma sont tous deux profondément impliqués dans la préparation de l’Australie à jouer un rôle de premier plan dans une guerre américaine contre la Chine, une ligne adoptée par le gouvernement travailliste de Gillard il y dix ans. Anthony Albanese n’a pas dit un seul mot sur Assange depuis son installation à la tête du Parti travailliste en mai dernier.

La complicité dans la persécution d’Assange s’étend à l’ensemble de l’establishment officiel. Les Verts et les autres partis représentés au Parlement n’ont ni publié de déclaration officielle de parti ni fait campagne pour la liberté d’Assange qui est victime d’une parodie judiciaire. Même si le sénateur Whish-Wilson a posé des questions au Parlement, le chef des Verts, Adam Bandt, n’a pas même envoyé un Tweet, encore moins parlé publiquement. Pourtant, ce dernier est apparemment la plus haute personnalité du petit groupe de politiciens qui demande qu’on ramène Assange chez lui.

Quant aux médias d’entreprise, leur couverture de l’audience d’extradition d’Assange a été sommaire. Pendant des années, les comités de rédaction de la presse écrite et télévisée ont colporté les innombrables calomnies contre Assange concoctées par ses persécuteurs. Ils ont ridiculisé ses avertissements selon lesquels il risquait de se faire extrader vers les États-Unis en les qualifiant de «théorie du complot». Cela était dans une tentative transparente de l’isoler et d’empoisonner l’opinion publique à son encontre. Maintenant que les avertissements d’Assange sont devenus réalité, ils font tout leur possible pour empêcher le développement d’un large mouvement politique pour sa défense.

Le rôle honteux de la presse a permis à la collaboration de l’establishment parlementaire avec la persécution d’Assange de passer largement inaperçue. Albanese et Bandt, par exemple, n’ont fait face à une seule question de la presse en ce qui concerne leur refus de dire un mot sur l’audience d’extradition.

La ligne de front contre Assange démontre qu’on ne peut pas gagner sa liberté en colportant des illusions ou en lançant des appels moraux à une quelconque section de l’establishment politique et médiatique du pays. Il est nécessaire de développer un mouvement politique de masse de la classe ouvrière en Australie et au niveau international, qui lutte pour bloquer l’extradition d’Assange vers les États-Unis, dans le cadre de la lutte pour la défense de tous les droits démocratiques.

(Article paru en anglais 5 mars 2020)

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