«Programme de protection des salaires» deuxième tour: une nouvelle catastrophe pour les petites entreprises et leurs employés

Le lancement lundi matin du second cycle du programme américain de protection des salaires des «petites entreprises» (PPP) a été une débâcle. Des millions d’entreprises familiales, désespérées d’obtenir un crédit et au bord de la fermeture définitive, ont été, une fois de plus, empêchées de faire une demande de prêts-subventions garantis par le gouvernement, sans même parler de les obtenir.

Dès que le programme de 310 milliards de dollars gérés par la Small Business Administration (SBA) a commencé à recevoir des demandes de prêts à 10 h 30 du matin, son système informatique, submergé par le volume des demandes, s’est effondré.

Cynthia Blankenship, vice-présidente de la «Bank of the West», un organisme prêteur basé au Texas, a déclaré au Financial Times: «D’abord, la page ne se chargeait pas, puis elle nous a simplement montré un message d’erreur». Les problèmes ont continué tout au long de la journée. Blankenship a déclaré que sa banque n’avait pu traiter que 15 demandes.

La Banque TAB à Ogden, dans l’Utah, avait préparé les demandes de prêts de 1.100 clients. Cinq heures après le début de la journée de lundi, la banque n’avait traité que sept prêts.

Le Washington Post cite Paul Merski, des Banquiers communautaires indépendants d’Amérique, qui déclare: «Toutes les informations que je reçois de tout le pays disent que c’est un désastre».

Les grandes banques de Wall Street se remplissent les poches avec le programme de prêts du gouvernement. Elles ont perçu au moins 10 milliards de dollars de frais lors du premier cycle. Elles avaient averti le département du Trésor et la SBA qu’ils devaient se préparer à un afflux massif de demandes de prêts, mais on n’a rien fait pour éviter l’impasse. La SBA a déclaré plus tard lundi que le nombre d’utilisateurs qui accédait au système était deux fois plus élevé qu’une journée lors de la première phase du programme.

Les banques ont par ailleurs averti que les 310 milliards de dollars alloués pour le redémarrage du programme seraient probablement épuisés en moins d’une semaine.

Le démarrage avorté de la deuxième phase a immédiatement montré que, comme la première phase, qui faisait partie des 2.2 billions de dollars du renflouement des entreprises en mars, la grande majorité des petites entreprises et de leurs employés ne recevraient rien ou presque rien pour les aider face à l’effondrement déclenché par l’épidémie.

Les grandes sociétés se sont vu accorder la priorité absolue par le programme d’administration des banques de Wall Street jusqu’à ce que la première allocation de fonds soit épuisée et ce, en moins de deux semaines. Au deuxième tour, elles continueront à accaparer une part disproportionnée des fonds, tandis que la grande majorité des petites entreprises, qui emploient 48 pour cent de la main-d’œuvre américaine, ne verront rien.

Les médias et les deux grands partis ont présenté le programme, initialement doté de 349 milliards de dollars d’argent du contribuable, comme une aubaine pour les entreprises de moins de 500 employés et leurs travailleurs. Les affaires familiales comme les restaurants, salons de beauté, salons de coiffure, stations-service, petits détaillants ou autres petites entreprises n’ayant guère accès à du capital pouvaient recevoir jusqu’à 10 millions de dollars de prêts garantis par le gouvernement, transformables en subvention si les entreprises utilisaient 75 pour cent des prêts pour réembaucher ou conserver leurs employés et le reste à payer loyers et services.

Même si la réalité était à la hauteur de cet argument marketing malhonnête, le programme ne contribuerait guère à empêcher une vague de faillites de petites entreprises et des millions de pertes d’emplois. Le programme doit expirer le 30 juin, de nombreux mois avant qu’on puisse raisonnablement s’attendre à ce que l’économie se remette de la plus forte contraction depuis la Grande Dépression. De plus, la pandémie de coronavirus continuera sans aucun doute à causer des décès et des maladies à une échelle gigantesque.

Mais avant même que le premier cycle du programme ne soit à court d'argent le 16 avril, moins de deux semaines après son lancement, alors que seulement huit pour cent des petites entreprises ayant fait une demande aient reçu de l'argent, il est apparu clairement que toute l'opération était une fraude de la grande entreprise et du gouvernement.

Malgré que la loi CARES, adoptée en mars avec le soutien unanime des Démocrates, n’exige pas que la SBA ou le département du Trésor divulguent l’identité des entreprises qui reçoivent des prêts PPP, on a découvert que la majorité des bénéficiaires étaient des sociétés cotées en bourse, comme des chaînes de restaurants et d’hôtels ayant des milliers d’employés, des compagnies de bateaux de croisière, des fonds spéculatifs, des sociétés énergétiques, des entreprises d’appareils médicaux et d’autres grandes entreprises qui avaient reçu des centaines de millions de dollars de prêts, alors que la grande majorité des véritables petites entreprises en étaient exclues.

Lors de sa conférence de presse de lundi, le président Trump a décrit le début désastreux du deuxième tour du PPP comme un «pépin» et a déclaré que le premier tour du programme avait «bien fonctionné».

En effet, il avait, pour les banques et les grandes entreprises bien connectées, des centaines de millions ou de milliards de revenus et des valeurs en actions à hauteur de milliards. La semaine dernière, la presse a révélé que de grandes chaînes de restaurants telles que: Shake Shack; Ruth’s Chris Steak House; Potbelly Sandwich Shop; et J. Alexander’s avaient reçu des prêts de 15 à 20 millions de dollars.

Un groupe d’entreprises hôtelières présidé par Monty Bennett, un patron de Dallas et grand donateur de Trump, a reçu 53 millions de dollars de prêts. Ces firmes contrôlent 153 propriétés, dont des hôtels de luxe comme le Ritz Carlton Atlanta.

Au cours du week-end, d’autres révélations accablantes sont apparues. Plus de 40 hôtels, dont de nombreuses propriétés du Marriott et du Hilton, ont reçu des prêts. AutoNation inc. une entreprise de Fortune 500 évaluée à 3 milliards de dollars, la plus grande chaîne de concessionnaires automobiles du pays avec 81 sites et 26.000 employés, a reçu près de 80 millions de dollars du programme PPP.

Les Los Angeles Lakers de la National Basketball Association, évalués à 4,4 milliards de dollars, ont reçu un prêt de 4,6 millions de dollars.

Un certain nombre de grandes entreprises qui avaient enfreint la loi se sont vu accorder des prêts. MiMedx Group, une entreprise d’appareils médicaux basée à Atlanta et employant 700 personnes, a reçu un prêt PPP de 10 millions de dollars. Au début de ce mois, MiMedx a conclu un accord civil avec le ministère de la Justice, acceptant de payer 6,5 millions de dollars pour résoudre les allégations qu’elle aurait sciemment surfacturé le ministère des Anciens combattants. Deux de ses anciens dirigeants ont été inculpés l’année dernière par les procureurs de Manhattan pour fraude comptable. La Securities and Exchange Commission l’a poursuivi séparément et MiMedx a réglé cette affaire-là pour 1,5 million de dollars.

Le secrétaire au Trésor, Mnuchin, ainsi que d’éminents Démocrates, dont Bernie Sanders et Elizabeth Warren, ont feint le choc et l’horreur face au délit d’initié, à la corruption et au mensonge par rapport au prétendu Programme de protection des salaires. Il s’agit d’une fraude. Ils étaient parfaitement conscients dès le départ que le programme était conçu, malgré le marketing trompeur, pour profiter aux grandes entreprises et aux banques et pour fermer les petites entreprises et leurs employés.

En fait, la disposition de la loi CARES permet aux chaînes de restaurants et d’hôtels d’échapper à la limite de 500 employés puisque aucune de leurs unités individuelles n’en employait 500 ou plus. Ce point s’est négocié entre le sénateur républicain Marco Rubio et le leader de la minorité démocrate au Sénat, Chuck Schumer, connu officieusement comme le «sénateur de Wall Street».

Et tous les Démocrates des deux chambres du Congrès, y compris Sanders et Warren, mis à part un seul, ont voté pour le second tour du PPP la semaine dernière, malgré la puanteur de la corruption et du mensonge qui entourent le programme. La présidente de la Chambre, Nancy Pelosi, a salué l’adoption du projet de loi comme un «vote bipartite historique».

Ce projet de loi, avec 174 milliards de dollars en plus des 310 milliards pour le PPP, n’a pas alloué un centime pour aider les gouvernements des États et les munucipalités, confrontés à des déficits massifs et se préparant à procéder à des coupes sociales brutales. Il n’a pas non plus prévu d’argent pour les bons d’alimentation, dans des conditions où des millions de travailleurs licenciés n’ont plus d’argent pour acheter de la nourriture et où des queues alimentaires massives se développent dans tout le pays.

À la veille du lancement de la deuxième phase du programme bidon pour les «petites entreprises», Mnuchin a annoncé de nouvelles lignes directrices qui excluraient à l’avenir la participation des grandes entreprises cotées en bourse. Aussi exclus sont des fonds spéculatifs et des sociétés d’investissement des capitaux. Il a également appelé les grandes entreprises qui ont reçu des prêts lors de la première phase à rendre l’argent, et une douzaine d’entreprises s’y sont conformées. Parmi ceux qui ont refusé de rendre l’argent, on trouve le copain de Trump, Monty Bennett, le magnat de l’hôtellerie de Dallas.

Personne ne doit se laisser berner par l’action entreprise par Mnuchin pour limiter les dégâts. Derrière le chaos et l’incompétence qui abondent dans le programme du PPP se cache une politique délibérée, partagée par toute la classe dirigeante et ses deux partis politiques.

Sous le couvert de la pandémie, des fonds illimités se trouvent canalisés vers l’oligarchie financière et des entreprises, dont le marché boursier. Par contre, les allocations de chômage sont refusées aux travailleurs licenciés et le crédit est refusé aux petites entreprises. L’objectif brutal est d’utiliser le chômage de masse et la perspective du dénuement, de la rue et de la faim pour forcer une partie des travailleurs à reprendre le travail sans aucune protection contre le virus tout en sabrant les salaires, les retraites et la couverture médicale. De manière plus générale, ils éliminent des millions d’emplois à temps plein. Des millions de petites entreprises vont ainsi être mises au pied du mur, tandis que les méga-entreprises auront une emprise encore plus grande sur l’économie.

(Article paru d’abord en anglais 29 avril 2020)

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