Les gouvernements du monde rouvrent les écoles, ignorant les avertissements des scientifiques

Même si les scientifiques insistent sur le fait que le monde est au stade initial de la pandémie de coronavirus, les gouvernements du monde mettent fin aux politiques de confinement et relancent leurs économies. Ceux-ci forcent ainsi des millions de travailleurs à retourner sur leur lieu de travail alors même que le virus se propage, leur objectif étant de relancer la création de profits pour les sociétés. Un élément central de la politique de retour au travail est la réouverture des écoles et la réintégration des enfants et des enseignants dans les salles de classe.

Les gouvernements considèrent que la réouverture des écoles est essentielle, non seulement pour symboliser un retour aux conditions d’avant la pandémie, mais surtout pour forcer les travailleurs – qui, sans l’école, devraient s’occuper de leurs enfants – à retourner au travail.

En France, le «président des riches», Emmanuel Macron, ouvre aujourd’hui des écoles, commençant par les plus jeunes enfants d’âge scolaire: c’est-à-dire ceux qui sont le moins capables d’obéir aux consignes de distanciation sociale, mais qui ont le plus besoin d’être gardés si leurs parents doivent retourner au travail. Il le fait au mépris direct de la recommandation du Conseil scientifique français, qui a recommandé de reporter l’ouverture des écoles à septembre. Des écoles vont bientôt rouvrir ou ont déjà rouvert en Allemagne, aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande, en Australie, au Canada et ailleurs.

Une salle de classe vide

Cette politique s’accompagne d’une campagne de propagande qui affirme que (1) le coronavirus ne présente aucun danger significatif pour les enfants, et (2) les enfants ne peuvent ni contracter ni transmettre le virus, même en tant que porteurs asymptomatiques. Cette propagande vise à nier que la réouverture des écoles constitue un mécanisme supplémentaire majeur de transmission du virus.

Ces affirmations sont sans aucune validité scientifique. Les gouvernements invoquent de manière sélective des études isolées ou incomplètes pour justifier leur politique économique, contredisant souvent leurs propres conseillers scientifiques. Ils ignorent de nombreuses preuves du danger que le virus représente pour les enfants et du rôle que jouent les enfants dans la transmission du virus à des couches plus vulnérables de la population.

La semaine dernière, le prestigieux magazine Science a publié une étude, intitulée «Les changements dans les habitudes de contact façonnent la dynamique de l’épidémie de Covid-19 en Chine», sur l’épidémie de Wuhan. L’étude s’est appuyée sur des enquêtes sur les comportements de contact des citoyens de Wuhan et de Shanghai, menées avant et après la pandémie, afin d’estimer l’impact des interventions non pharmaceutiques, en particulier la fermeture des écoles, sur la propagation du virus. Ils ont notamment cherché à déterminer le nombre de personnes, par tranches d’âge, qu’un patient d’un âge donné infectera.

Ils ont conclu qu’un enfant de moins de 14 ans était moins susceptible d’attraper ou de transmettre la maladie à la suite d’une seule interaction qu’une personne de plus de 65 ans. Toutefois, cette conclusion se fait contrebalancer par le fait que les enfants à l’école ont des interactions avec un nombre beaucoup plus important de personnes. En conséquence, les chercheurs ont constaté que «lorsqu’on supprime les contacts scolaires, nous estimons une réduction de 42 pour cent» de la propagation globale du virus. Les fermetures d’écoles, concluent-ils, «peuvent entraîner une diminution notable du taux d’attaque de l’infection et du pic d’incidence, ainsi qu’un report de l’épidémie».

Sous la direction du virologiste Christian Drosten, des chercheurs allemands de l’hôpital Charité de Berlin ont réalisé une autre étude sur près de 60.000 tests de dépistage du coronavirus. Drosten a publié les résultats de l’étude sur le site web de son propre laboratoire avant que ses pairs ne les aient examinés, car il était convaincu de l’urgence des résultats, qui contredisent la politique de réouverture des écoles du gouvernement allemand.

L’équipe a analysé les 3.712 échantillons de patients porteurs du coronavirus, en mesurant la «charge virale» de chaque échantillon, c’est-à-dire la quantité totale de virus contenue dans l’échantillon de chaque patient. On pense qu’une charge virale plus élevée correspond généralement à une plus grande contagiosité du patient. Leurs résultats ont montré que les jeunes patients n’avaient pas une charge virale plus faible que les patients plus âgés.

«L’analyse de la variance des charges virales chez les patients de différentes catégories d’âge n’a révélé aucune différence significative entre une paire de catégories d’âge, y compris les enfants», concluent-ils. «Ces données indiquent notamment que les charges virales des très jeunes patients ne diffèrent pas de manière significative de celles des adultes. Sur la base de ces résultats, nous devons mettre en garde contre une réouverture illimitée des écoles et des garderies dans la situation actuelle. Les enfants pourraient être aussi infectieux que les adultes».

En outre, l’équipe a analysé un groupe d’échantillons provenant d’enfants asymptomatiques. Là aussi, rien n’indiquait une diminution de la charge virale. «Dans ce nuage d’enfants se trouvent quelques-uns qui ont une concentration virale très élevée», a déclaré Drosten au New York Times.

Les chercheurs de l’Institut Pasteur en France ont également publié fin avril les résultats d’une étude menée dans un lycée de l’Oise, un foyer de coronavirus. Les chercheurs ont testé 326 élèves, parents et enseignants de l’école, dont 40,9 pour cent se sont révélés positifs au virus. Parmi eux, 25,9 pour cent des élèves étaient positifs.

L’affirmation selon laquelle les enfants qui contractent la maladie ne se trouvent pas touchés de manière négative a également été infirmée en raison de la découverte d’un lien présumé entre le coronavirus et une hausse dans le nombre des cas d’un syndrome rare, la maladie de Kawasaki, chez les enfants et les nourrissons. Au moins trois enfants, un de cinq ans et un de sept ans aux États-Unis, et un de 14 ans au Royaume-Uni, sont morts de ce syndrome qui peut entraîner de graves complications cardiaques, notamment une hypertrophie des artères. Bien que le syndrome semble être rare, son apparition ne fait que souligner le fait que l’impact du coronavirus sur les enfants n’est pas encore totalement compris.

Alors que les gouvernements s’efforcent de rouvrir les écoles, ils le font au mépris de ces avertissements scientifiques. Au lieu de cela, tout en ignorant les résultats scientifiques qui sont en conflit avec leur politique, les gouvernements choisissent des preuves «scientifiques» en fonction d’un programme politique prédéterminé. Ils ne font référence qu’aux études qui montrent des résultats moins concluants ou qui suggèrent un danger moindre pour les enfants.

En Australie, le gouvernement du premier ministre Scott Morrison a fortement publicisé les résultats incomplets d’une étude qui n’est pas encore terminée, et qui a encore moins été examinée par des pairs, sur la transmission du coronavirus dans l’État de Nouvelle-Galles-du-Sud. L’étude a toutefois porté sur une période pendant laquelle les écoles de l’État avaient été partiellement ou totalement fermées et où entre un tiers et un quart des élèves n’étaient pas à l’école. Les résultats de l’étude sont également cités à l’échelle internationale, y compris au Canada.

Les scientifiques s’efforcent encore de comprendre la nature de cette nouvelle maladie. Mais, la réouverture des écoles à ce stade va à l’encontre des puissants avertissements scientifiques selon lesquels cette politique va accroître la propagation de la maladie. Ce qui pousse les gouvernements capitalistes à travers le monde n’est pas une lutte rationnelle et scientifique contre la pandémie, mais la volonté de l’élite patronale et financière de forcer un retour au travail. Ils agissent au mépris de la vie de centaines de millions de personnes qui seront touchées par une politique de réouverture des écoles.

Comme l’a admis le ministre français de la Santé, Olivier Véran, dans une interview la semaine dernière en plaidant pour la réouverture des écoles dans toute la France: «La question de savoir si les enfants sont contagieux ou non existe». Il a avoué que «des arguments pour et contre» existent, mais il a ensuite simplement affirmé que les écoles «doivent rouvrir». Cette semaine, le Sénat et l’Assemblée nationale français ont voté en faveur d’un renforcement de l’immunité juridique des employeurs et des fonctionnaires qui les protège de poursuites contre leurs décisions d’ouvrir les écoles et les entreprises, des décisions qui entraînent des décès supplémentaires.

Si l’élite dirigeante ressent le besoin de s’octroyer l’immunité juridique de manière préventive en mettant fin à la fermeture des écoles, cela montre qu’elle est bien consciente que sa propre politique est criminelle.

(Article paru en anglais le 11 mai 2020)

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