De nouvelles demandes d’allocations de chômage indiquent une récession prolongée aux États-Unis

Les nouvelles demandes d’assurance chômage continuent d’atteindre des niveaux historiquement élevés. Cela, malgré la levée des mesures de confinement dans l’ensemble des États-Unis.

Selon le ministère américain du Travail, on a déposé 1,51 million de demandes pour la semaine qui se termine le 13 juin. Quarante-six États ont fait état de 760.526 demandes initiales supplémentaires d’assistance chômage pour pandémie (PUA), mise à la disposition des travailleurs indépendants, traditionnellement inéligibles à l’aide au chômage.

La semaine dernière, le nombre de demandes de chômage n’a diminué que de 58.000 par rapport au niveau révisé de la semaine précédente. La moyenne sur quatre semaines s’élève à 1,77 million de demandes hebdomadaires, bien au-delà du précédent record établi en 1982 (695.000).

Des centaines de personnes font la queue pour des sacs d’épicerie dans un service d’aide alimentaire de l’église Sainte-Marie à Waltham, jeudi le 7 mai 2020. (AP Photo/Charles Krupa)

Depuis le début de la pandémie, on a déposé 45 millions de nouvelles demandes de chômage. Bien que certaines d’entre elles puissent représenter des doublons de travailleurs qui cherchent de l’aide dans plus d’un programme, c’est toujours d’un nombre astronomique, indiquant une profonde détresse économique dans tout le pays.

Au cours de la semaine qui s’est terminée le 6 juin, le nombre de demandes d’allocations chômage en cours s’élevait à 20,5 millions, soit une légère baisse par rapport à la semaine précédente. En outre, 9,3 millions de travailleurs indépendants et travailleurs de l’économie de pige reçoivent des prestations dans le cadre du programme fédéral PUA et un autre million reçoit une continuation de prestations dans le cadre du programme d’allocations chômage en cas de pandémie.

Selon le Bureau des statistiques du travail, seul un emploi sur dix supprimé en avril était de nouveau disponible en mai. Même ce chiffre est contesté, tout comme l’affirmation selon laquelle le taux de chômage officiel a baissé le mois dernier à 13,3 pour cent. En fait, le taux réel s’est élevé à 16,3 pour cent en raison d’une erreur de sous-estimation. Avant la pandémie, le nombre hebdomadaire le plus élevé de bénéficiaires d’allocations de chômage était de 6,6 millions en 2009.

La persistance de chiffres aussi choquants malgré la réouverture de l’industrie automobile et le rappel de millions de travailleurs mis à pied temporairement en raison de la pandémie de coronavirus indique un effondrement général de l’économie et le début d’une récession profonde, peut-être prolongée, qui rivalisera avec la Grande Dépression des années 1930.

Les licenciements se sont étendus bien au-delà des industries initialement touchées par la pandémie, et d’autres sont devenus permanents. Hilton Worldwide a déclaré qu’elle supprimait 2.100 emplois dans le monde entier, tandis que AT&T prévoit supprimer 3.400 emplois de techniciens et d’employés de bureau aux États-Unis et fermer définitivement plus de 250 magasins. Autre victime, la chaîne de salles de sport 24 Hour Fitness a déposé son bilan et ferme définitivement plus de 100 magasins.

Après avoir perdu 1,4 million d’emplois en avril, le secteur de la santé subit d’autres coupes. La société Tower Health, dans la région de Philadelphie, a supprimé 1.000 emplois après avoir subi des pertes de 212 millions de dollars.

Un rapport publié jeudi dans le New York Times a cité plusieurs experts économiques qui ont prédit une augmentation des faillites cette année, éclipsant toute période précédente. Le Times a cité Edward Altman, qui a développé la formule Z-score pour prédire les faillites. Il prévoit que 2020 établira un record pour les dépôts de bilan des entreprises qui ont un milliard de dollars ou plus de dettes.

Altman s’attend également à un nombre record de faillites d’entreprises qui ont moins de 100 millions de dollars de dettes. L’explosion de la dette des entreprises, qui a atteint le chiffre record de 10.500 milliards de dollars à la fin du mois de mars, alimente cette hausse. Un autre expert a prédit une «falaise Covid» de faillites lorsque les subventions fédérales prendront fin.

Pour aggraver la situation, de nombreux travailleurs qui ont demandé des allocations de chômage attendent toujours d’être payés en raison des retards dans le traitement des demandes. On trouve des tracasseries bureaucratiques sans fin compliquées par des efforts de «prévention de la fraude». Mercredi, des centaines de demandeurs frustrés ont fait la queue devant la capitale de l’État du Kentucky, à Frankfort, pendant huit heures pour obtenir de l’aide pour leur demande de prestations. Des dizaines de milliers de personnes dans l’État ont eu des problèmes avec leurs demandes.

Vendredi, l’État du Michigan a déclaré qu’il rétablissait les allocations de chômage de 140.000 travailleurs faussement soupçonnés de fraude. C’était un cas de coupable jusqu’à preuve d’innocence. L’État avait retardé les paiements à 340.000 demandeurs pendant qu’il enquête sur les allégations de fraude, soit une partie importante des 2,2 millions de personnes qui ont déposé une demande.

Près de 24.000 résidents de l’Ohio ont reçu l’ordre de rembourser les allocations de chômage qu’ils avaient perçues, en raison d’un «trop payé» de l’État.

Dans le Wisconsin, 651.463 personnes ont demandé des allocations de chômage entre le 15 mars et le 13 juin. En outre, on a rejeté ou on n’a pas encore traité 850.000 demandes hebdomadaires. Plus de 15 pour cent des demandes sont toujours en attente de règlement.

Des histoires similaires se répètent partout aux États-Unis, alors que des agences d’État, en sous-effectif et qui s’appuient sur des technologies dépassées, tentent de traiter un nombre record de demandes semaine après semaine.

Heidi Shierholz, directrice de la politique de l’Institut de politique économique, a déclaré au New York Times: «C’est une hémorragie durable d’emplois comme nous n’en avons jamais vu auparavant».

Martha Gimbel, directrice de la recherche économique chez Schmidt Futures, a déclaré au Times: «Ce que vous voyez en ce moment, c’est une cicatrice économique qui commence à se produire». Elle a poursuivi: «Les licenciements qui ont eu lieu au début de cette période étaient probablement temporaires. Mais si vous licenciez des gens maintenant, c’est probablement une décision commerciale à long terme».

Le plein impact de la récession a été atténué dans une certaine mesure par l’augmentation des allocations de chômage, y compris le supplément fédéral hebdomadaire de 600 dollars. Mais ces paiements doivent expirer à la fin du mois de juillet et le gouvernement Trump s’oppose à leur renouvellement. Lorsque ces paiements prendront fin, l’économie pourrait connaître une nouvelle secousse.

Face à la possibilité d’un raz-de-marée de saisies immobilières, le mois prochain, l’administration fédérale du logement (FHA) a annoncé mercredi qu’elle prolongerait les moratoires sur les saisies et les expulsions jusqu’au 31 août. Cette décision concerne les emprunteurs qui ont contracté un prêt hypothécaire pour une maison individuelle auprès de la FHA. Le moratoire actuel devait expirer le 30 juin.

Les moratoires sur les expulsions ont pris fin dans un certain nombre d’États, dont le Texas, où les tribunaux ont décidé que les propriétaires pouvaient entamer une procédure d’expulsion le 26 mai. Un avocat qui s’occupe des expulsions a déclaré à un média local que les registres des tribunaux au Texas étaient «pleins». Dans de nombreux cas, on a retardé les actions contre les locataires en raison de la fermeture des tribunaux où se tiennent les audiences d’expulsion, mais les procédures débuteront probablement dans le courant du mois.

Les fermetures étant terminées, les nouvelles infections par le COVID-19 sont en augmentation dans au moins 20 États. Les clients qui craignent de contracter le virus se tiennent à l’écart des restaurants et autres commerces qui viennent de rouvrir.

Selon une étude de Jed Kolko, économiste en chef de l’Indeed Hiring Lab, les offres d’emploi ont diminué de 34 pour cent par rapport à 2019. Les embauches pour les emplois de cols blancs, comme les postes de développement de logiciels, ont diminué de 36,3 pour cent, et les postes dans le secteur bancaire et financier ont baissé de 51,3 pour cent.

Les réductions de salaire frappent de nombreux cadres et professionnels, les entreprises cherchant à tirer parti de la pandémie et de la menace de licenciements pour réduire leurs coûts. Un processus similaire devrait suivre dans le secteur manufacturier et les autres emplois liés à la production.

Environ 60 pour cent des travailleurs de l’université d’Arizona du Nord subiront une réduction de salaire à partir du 1er juillet pour couvrir un déficit budgétaire. Des dizaines d’hôpitaux et de prestataires de soins de santé ont mis en place des réductions et des gels de salaires. Le dernier en date étant le Mass General Brigham, anciennement Partners HealthCare, le plus grand prestataire de soins de santé du Massachusetts.

La persistance de niveaux sans précédent de nouvelles demandes d’allocations de chômage trois mois après le début des confinements massifs indique une crise structurelle plus profonde du système capitaliste. La propagation de COVID-19 n’a été que le déclencheur. La réponse de toutes les factions de l’élite dirigeante a été de déverser des quantités illimitées de liquidités sur les marchés financiers tout en alimentant la guerre commerciale et en préparant la guerre mondiale. Le capitalisme n’offre aucun moyen progressiste de sortir de cette impasse. Cette situation dangereuse rend nécessaire l’intervention indépendante de la classe ouvrière sur la base d’un programme socialiste et internationaliste.

(Article paru en anglais 19 juin 2020)

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